La douleur avait empiré ; elle était devenue si envahissante que Rosemary se referma sur elle-même – emmurant tout au fond d’elle ce qui lui restait de force de résistance et jusqu’au souvenir de sa santé – et qu’elle cessa de réagir, cessa de parler de sa douleur au Dr Sapirstein, cessa d’y faire allusion, cessa même d’y penser. Jusqu’alors, la douleur avait été en elle ; maintenant elle-même était prise à l’intérieur de la douleur ; autour d’elle tout était douleur, le temps, le jour, le monde entier. Abrutie, épuisée, elle se mit à dormir davantage, et à manger davantage aussi – davantage de viande presque crue.
C'est toujours autour des saloperies que se fait la publicité.
J'ai lu, p. 243
« — Les gens qui ont besoin de plus d'une valise ne sont pas de vrais voyageurs, ce sont des touristes [...]. »
Peu de temps après avoir raconté au Dr Sapirstein son histoire de viande crue, Rosemary se surprit à mordre dans un cœur de poulet cru encore tout sanguinolent - c'était dans sa cuisine, à 4 heures du matin. Le reflet de son geste sur la paroi chromée du grille-pain attira son attention ; elle regarda son image, puis sa main qui tenait encore le morceau de cœur entamé d'où le sang dégoulinait sur ses doigts.
- Ne crie pas, dit Guy. Ça y est, je viens de les limer.
Il lui montra des ongles ras et lisses.
Rosemary le regarda sans comprendre.
- Je n'ai pas voulu manquer la nuit où on devait commander le bébé, dit-il.
- Tu veux dire que tu...
- Et j'avais un ou deux ongles ébréchés.
- Pendant que j'étais... inconsciente ?
Il fit un signe de tête affirmatif, et, avec un large sourire :
- C'était assez marrant, dit-il. Je me faisais l'effet d'être nécrophile.
Le regard perdu au loin, elle ramena la couverture sur ses cuisses.
- J'ai rêvé que quelqu'un me... violait, dit-elle. Je ne sais pas qui. Quelqu'un de... bestial.
- Merci, dit Guy.
-Je ne les laisserai plus jamais entrer ici, dit-elle. Et dès que le bébé sera assez grand, je veux sous-louer l'appartement et déménager ailleurs.
Elle s'écarta du berceau, prête à les tuer tous. -C'est Satan qui est son Père, ce n'est pas Guy, dit Roman. Satan est son Père, qui monta de l'Enfer et engendra un Fils d'une femme mortelle! Pour venger toutes les injustices dont ses fidèles adeptes sont victimes de la part des adorateurs de Dieu.