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Critique de Woland


Woland
26 décembre 2007
Main Street
(Parfois traduit sous le titre français de "Grand-Rue")
Traduction : Lucienne Escoube

L'action de ce pavé de plus de 500 pages - en tout petits caractères - dans une vieille édition Marabout se déroule avant et un peu après la Première guerre mondiale, dans une petite ville du Minnesota appelée Gopher Prairie et où l'on peut penser que Sinclair Lewis a mis beaucoup de son Sauk Centre natal.
Pour ses habitants et pour le Dr William Kennicott lorsqu'il la décrit à Carol Milford, qu'il a rencontrée à Saint-Paul, en Illinois, et qu'il rêve d'épouser, Gopher Prairie est la plus belle des villes de l'Amérique profonde. Une ville large, profonde, gaiement colorée, soigneusement entretenue, et peuplée d'un petit monde sémillant, cultivé et chaleureux.
Et lorsque Carol, devenue Mrs Kennicott, débarque effectivement à Gopher Prairie après leur voyage de noces dans le Colorado, elle s'efforce de voir la ville telle que son mari la lui a présentée - et telle que, assurément, il la voit, lui.
Mais Carol est une anti-conformiste-née, une utopiste aussi, qui s'imagine que de bonnes intentions, des idées neuves, un peu de jeunesse et une immense bonne volonté viendront à bout des a priori, des frilosités et de la paresse de cette petite bourgade où les trottoirs qui remontent la "grand-rue" sont encore en bois, comme au temps des pionniers. Prête à aimer Gopher Prairie malgré sa laideur, prête aussi à sympathiser sincèrement avec ses habitants, elle s'apercevra très vite que tout cela est plus difficile que prévu, que les bonnes intentions des uns ne suffisent pas quand elles se heurtent au conformisme et à la bien-pensance.
Sur un ton pince-sans-rire qui permet au lecteur de prendre tout le recul nécessaire - parfois trop, peut-être - Sinclair Lewis dresse ici le portrait d'une société américaine rigoriste et coincée. Il y est né, il y a vécu, alors, forcément, quelque part, il y est attaché. Mais n'y a-t-il pas un proverbe qui dit : "Qui aime bien châtie bien" ?
Sont ici mis au pilori l'étonnant rapport à l'argent et à la réussite sociale qu'entretenaient déjà les Américains de l'époque, la vénération pour une seule bible et une seule église, la peur et le mépris envers le vieux continent d'où les pionniers étaient pourtant issus, l'empire terrible du "qu'en-dira-t-on" (non spécifique, celui-là, il est vrai, des petites villes américaines) et une vision machiste et patriarcale du monde à laquelle, finalement bien qu'à contre-coeur, se soumettra Carol.
On remarquera que, dès le départ, Lewis pose comme principe que le sexe de Carol lui est une charge supplémentaire dans la lutte qu'elle entend mener.
Enfin, un point très important - et qui étonnera sans doute : pour quiconque s'intéresse un tant soit peu aux écrivains américains traitant de problèmes exclusivement américains, il est tentant d'établir une filiation entre l'oeuvre de Sinclair Lewis et celle, par exemple, d'un Tom Wolfe dans "Le Bûcher des Vanités" ou d'un Brett Easton Ellis avec "American Psycho." Car c'est bien dans les micro-sociétés tranquilles et conservatrices du type Gopher Prairie (ou de Zénith, que l'on découvrira dans "Babbitt"), adoratrices du Profit à Tous Prix, que prennent racine les délires et les enfers d'un Sherman Mc Coy et d'un Patrick Bateman. ;o)
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