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Critique de Brooklyn_by_the_sea


Magistral ! Ou quand Simenon rencontre Scorsese ; ce livre, c'est un peu Maigret dans "Taxi driver".

Contrairement aux polars conventionnels, il n'y a pas une seule intrigue, mais plusieurs qui s'entremêlent -comme dans la vraie vie. Paul Konig, chef de l'Institut médico-légal de New York, fait parler les cadavres qui se succèdent dans sa morgue et contribue ainsi à la résolution des enquêtes. Il doit aussi gérer la paperasse, le budget et le personnel. Et puis affronter les rumeurs, les politiciens, la presse... des histoires, tout ça. Mais surtout, il s'abrutit de travail pour oublier que sa fille a disparu ; la reverra-t'il un jour ?

Après avoir été quelque peu désarçonnée par le style, qui m'a fait penser à Simenon avec son emploi du présent, son sens du détail, sa petite nostalgie et ses soudains emportements, j'ai été happée par ce roman.
C'est un New York des 70's totalement cinématographique que dépeint Herbert Lieberman, et j'ai adoré. J'ai adoré ce New York sale, puant, mouvant, bruyant, où la folie, la misère et la violence explosent à chaque coin de rue, et où les flics portent encore des chapeaux. J'ai adoré cette formidable déclaration d'amour à cette ville qui change et que les protagonistes ne reconnaissent plus : "Elle était pourtant chouette cette ville, dans le temps. Une ville superbe. La plus belle ville du monde, bordel de Dieu. Maintenant c'est un dépotoir." Et j'ai adoré ces scènes hallucinées qui ponctuent le roman, comme des pauses étranges dans la tension qui le parcourt, et qui rendent New York encore plus fantasmagorique.
J'ai également aimé la concision chirurgicale avec laquelle l'auteur décrit les autopsies, la logique implacable des déductions ; à côté, la Kay Scarpetta de Patricia Cornwell, c'est Barbie en blouse blanche.
Enfin, il y a ce personnage monstrueux, Paul Konig, 64 ans, irascible, intransigeant, arrogant, qui hurle sur ses collègues ; LA référence mondiale en matière de médecine légale, qui a conservé de l'enseignement que lui prodigué son grand maître Banhoff un sens de la rigueur et de la précision d'une autre époque. Un obsessionnel en quête de vérité et de justice, qui se sent investi de cette mission terrible : "Si je fais ça, c'est qu'il faut que ça soit fait, et que personne d'autre ne le fera. (...) Je fais le ménage quand la saloperie de fête est terminée." Un homme brisé, surtout, qui se bat comme un animal blessé et qui suit des apparitions dans les rues en claudiquant dans son pardessus froissé et en passant pour un cinglé.

C'est donc un roman policier génial, publié en 1976, et encore mieux que tous les films déjà géniaux sortis à cette époque et mettant en scène la Grosse Pomme ("French connection", "Conversation secrète", "Un après-midi de chien"...). Je ne peux que le recommander chaleureusement à qui souhaite un dépaysement total, bien à l'abri dans son fauteuil. Bon trip !
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