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Critique de de


La grève est le même scandale que la démocratie


« L'acharnement qu'on a mis à faire de Mai 68 un simple phénomène générationnel, ou existentiel, ou social, ou sexuel, etc., afin d'occulter – ou de simplement voiler – que Mai fut d'abord la plus longue et la plus grande grève qui eut jamais lieu en France est à la hauteur de la haine qui lui fut vouée, c'est-à-dire aussi : de la peur qu'il fit monter » (Kristin Ross cité en exemple « arbitraire et de pure commodité »)

Contrairement à l'expression des auteur-e-s, la grève n'a de sens pour moi que dans un système social, historiquement situé, où s'opposent des groupes sociaux aux intérêts antagoniques. Exit ici le capitalisme, le salariat, les contradictions des rapports sociaux, l'auto-organisation, les assemblées générales…

Mais je conçois, qu'il est possible de traiter de la grève, en prenant le risque de son essentialisation, d'un point de vue philosophique. Cela en restreint le sens, me semble-t-il, mais cela permet aussi d'ouvrir des fenêtres de réflexion, en déplaçant les regards et les analyses. Encore faudrait-il expliciter le public visé, la fonction imaginative. Une pensée non située, n'est, à mes yeux, qu'un exercice de style académique, aristocratique ou élitiste. Il me semble difficile de s'opposer ainsi aux mythes : « Ces thèses sur le concept de grève sont des thèses sur le concept mythique de grève. Elles ont pour lieu le temps plein et tragique de l'Histoire. »

Donc ce livre ne traite donc pas des grèves réellement existantes. Sur ce sujet voir par exemple :

Sophie Béroud, Jean-Michel Denis, Guillaume Desage, Baptiste Giraud, Jérôme Pélisse : La lutte continue ? Les conflits du travail dans la France contemporaine (Éditions du croquant, Bellecombe-en-Bauges 2008) et sous la direction de Jean-Michel Denis : le conflit en grève ? Tendances et perspectives de la conflictualité contemporaine (La Dispute, Paris 2005)
Et pourtant dans cette poétique, dans cette présentation en forme de puzzle et de schéma spiraloïde « Les thèses qui suivent, éparses, se rejoignent sur un refus : celui de la pensée, tellement commune, mais morte, qui fait de la grève un moyen. Elles -chacune à leur manière, et des lieux divers d'où elles surgissent – contredisent ce dogme. Elles disent que la grève est la fin ; elles en chantent l'éloge. » surgit, parfois, des points de réflexion, oubliés, enfouis, derrière l'aplatissement ou la réduction « fonctionnelle » de certaines politiques.

Quelques éléments éparts et choisis subjectivement : « La grève est la mise en crise du fonctionnement infini et total de la société », « le temps créateur de la grève », « elle est le processus , précisément, par lequel la limitation imposée entre social et politique, entre privé et public, est contesté et combattue », « La grève est bien, comme la fête, le temps du travail suspendu », « La grève est la joie », « le blocage est seul capable, dans une grève, de faire sortir de ses gonds le temps quotidien » ou « La grève est aussi ce geste délibéré par quoi l'on refuse de devoir penser toujours seulement à ”ce qui sera”. »

J'ajoute aussi que je partage avec les auteur-e-s, les critiques sur le futur fermé « le point focal futur devient une balise rassurante par quoi se clôt le temps », l'homme « calculable », etc…

Mais je ne crois ni à la grève comme oeuvre d'art, ni comme sacrifice au soleil.

Pour curieuses et curieux, malgré le caractère très énigmatique de cet ouvrage, un peu hors du temps, mais néanmoins tendu vers l'invention.

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