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3,91

sur 711 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Objectivement, et vu sa qualité littéraire et les questions qu'il soulève, je ne peux nier que ce livre vaut (probablement) plus que la note de 3,5/5 que je lui ai attribué, mais la lecture -en général- est, au moins pour moi, avant tout une question de sentiments et/ou d'immersion.
Et là, je n'ai réellement pas senti grand chose...

Le style, je devrais dire la « forme » d'écriture (un film documentaire raconté par le biais de présentations, d'interviews, débats, témoignages) m'a tenu éloigné de l'affectivité que j'aurais aimé éprouver pour les deux personnages qui, dans ce récit, ont rendu possible de jeter un (autre) regard sur le passé et l'Histoire.
Histoire qui, dans ce petit livre (dont je pense que l'aspect SF ne sert que de cadre) nous transporte dans la deuxième guerre mondiale, en Mandchoukouo, et aux atrocités des expérimentations humaines et médicales subies par des milliers de chinois (ainsi que des prisonniers politiques et de guerre), dans le camp de l'unité 731 alors édifié par les japonais dans le district de Pingfang.

Or, même si cette fiction (documentaire) espère nous ouvrir les yeux sur cet enfer inhumain, j'ai estimé que le véritable sujet de cette narration se trouve plutôt dans la confirmation du négationnisme des crimes de guerre, la responsabilité culpabilisante que les différents pays impliqués (la Chine, le Japon et les Etats-Unis) essaient de se refiler et aux controverses quant au rôle et la définition de l'historien.

Un livre qui m'a certes beaucoup intéressé (de la même façon qu'un documentaire peut m'interpeller à la télévision), mais qui, par sa présentation « distante » m'a écartée de toute émotion.
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Je dois la découverte de ce petit livre d'un peu plus de cent pages à Aelinel, que je remercie encore pour cela. Pour tout vous dire, avant de lire sa chronique sur l'Homme qui mit fin à l'Histoire, j'ignorais tout de l'Unité 731 et des horreurs qu'elle a perpétuées sur une décennie, entre 1936 et 1945. Je ne vais pas m'étendre sur le détail des faits, car ce n'est pas là le propos du livre ; Ken Liu l'évoque, mais avec beaucoup de retenues : le but est de faire connaître, d'éveiller ou de réveiller les consciences par rapport à cet événement tragique et maintenu sous silence mais en aucun cas d'éditer un catalogue des horreurs rivalisant avec le pire des exactions nazies en ce domaine. le peu qui est décrit laisse mesurer le degrés de cruauté et d'inhumanité...

J'ai trouvé essentiel la manière dont l'auteur aborde ce fait historique : les questionnements multiples et pertinents sur cette inhumanité de l'homme, sur ce qu'est l'Histoire, le rôle du témoin, la force de la raison d'État qui balaie et broie les individus, éteint toute possibilité de réparations et de justice, là où même le souvenir est annihilé : Table rase sur le sujet et malheur à qui remontera toute cette fange à la surface des consciences et du présent !

Pourtant, c'est ce que va entreprendre un couple de scientifiques (lui, d'origine chinoise, elle japonaise), en inventant une machine capable de remonter le temps et en permettant aux familles des disparus d'assister au déroulement des faits sur les lieux mêmes, comme on regarderait une scène en train de se jouer. Mais malheureusement, tout passé vécu est un passé perdu...

"En cherchant à donner une voix aux victimes d'une terrible injustice, il n'avait guère réussi qu'à en réduire certaines au silence, à jamais."

J'ai aimé ce choix du témoin « proche », impliqué dans cette recherche de la vérité historique au détriment de l'expert, de l'historien ou du juriste assermenté. Je l'ai ressenti comme la volonté de replacer au coeur du débat, l'individu, la personne même, dans une société où l'homme n'est que secondaire, effacé et balayé par « le système », la raison d'État et sa machine à broyer les consciences…

Beaucoup de questions se posent face à ce choix : quelle valeurs accordées au témoin et à son témoignage ? Quelle vérité peut-on espérer de personnes qui ne pourront-être neutres car forcément partiales ? Maîtriser les faits historiques avec ce voyage temporel, n'est-ce pas le meilleur moyen de mettre fin à l'Histoire et à toute découverte de la vérité historique ? Et ainsi faire la part belle au négationnisme ?

"Trop longtemps, nous tous, historiens compris, avons agi en exploiteurs des morts. Mais le passé n'est pas mort. Il est avec nous. Où que nous allions, nous sommes bombardés de champs de particules de Bohm-Kirino qui nous permettent de voir ce passé, comme si on regardait par la fenêtre. L'agonie des morts nous accompagne. Nous entendons leurs cris. Nous cheminons parmi leurs fantômes. Impossible de détourner le regard, de se boucher les oreilles. Il nous faut témoigner ; il nous faut parler pour ceux qui ne le peuvent pas. Nous n'avons qu'une occasion de le faire."

J'ai eu plus de mal avec la forme qui a pour moi, tout du moins au début, maintenu le récit à distance, même si je reconnais qu'elle offre à Ken Liu « une neutralité » qui lui permet d'aborder sans transition, différents points de vue en laissant la parole à une diversité de protagonistes.

Et pour finir : la couverture est magistralement belle...
Lien : http://page39.eklablog.com/l..
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C'est un excellent texte, qui soulève de très nombreuses questions sur L Histoire (la grande), vs l'histoire (la petite, celle des individus).

Foxfire a écrit un tellement bel avis que je ne vais même pas lui faire concurrence, je partage à peu près tout ce qu'elle a dit, et je vous invite à aller lire son avis de ce pas. Sauf que j'ai eu un peu plus de mal qu'elle sur la forme.

Ce genre d'écrit, pour moi, "documentaire/comptes-rendus" est difficile à lire, et heureusement qu'il était court, j'ai eu du mal à accrocher au début, s'il avait été plus long j'aurais peut-être été tentée de laisser tomber...
Et comme je ne savais pas à quoi m'attendre (vu qu'une fois de plus, je l'ai acheté il y a des lustres, et attrapé dans la bibli sans relire le 4ème de couv'), ça m'a un peu pris par surprise.

Une fois passées les explications techniques et "de contexte" (et il y en a bien besoin, je ne connaissais pas du tout cette Histoire/histoire là...), on entre dans le vif du sujet et ça devient beaucoup plus intéressant.
L'humanisme de Ken Liu transpire à chaque ligne de cet écrit, et c'est bien cela qui m'y a tenue accrochée, finalement.

Tous les points de vue sont abordés ici, et il n'y a pas de blanc ou de noir. Au lecteur de réfléchir, et se faire sa propre idée, son propre "verdict". C'est une lecture qui élève, malgré la noirceur de ce qu'elle évoque.

A dire l'entière vérité vraie, je voulais lire du Pratchett mais je n'avais pas le livre sous la main... "Tomber" sur celui-là en attendant, ça m'a fait un sacré électrochoc ! Moi non plus je ne suis pas près de l'oublier, ce bouquin, à l'opposé de ce dont j'avais envie à la base !
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Lorsque l'on évoque la question des crimes contre l'humanité commis pendant la Seconde Guerre mondiale, certains noms nous viennent aussitôt à l'esprit. Auschwitz, Birkenau, Sobibor, et bien d'autres qui renvoient aux camps de la mort et à l'extermination des Juifs en Europe. Peu de gens savent en revanche que l'Armée impériale japonaise s'est elle aussi livrée à des exactions toutes aussi terribles et barbares que les nazis. Avec « L'homme qui mit fin à l'histoire », Ken Liu revient sur l'une des pages les plus sombres de l'histoire du Japon et lève le voile sur les exactions commises pendant plus de dix ans par un corps militaire spécialisé dans la recherche contre la propagation des épidémies. Cette unité, c'est l'unité 731, aujourd'hui reconnue coupable d'avoir effectué des expérimentations sur des milliers de cobayes humains, hommes, femmes ou enfants. Vivisections sans anesthésie, contamination à des maladies comme la syphilis ou le choléra, expériences pour mesurer les effets d'un froid extrême ou de la pression atmosphérique sur le corps humain, viols, tortures... : les scènes décrites sont d'autant plus insoutenables qu'on les sait, hélas, avérées et non pas simples fruits d'une imagination fantasque. N'allez toutefois pas croire que le roman de Ken Liu se limite à une description morbide des atrocités infligées par les membres de cette unité. Non, l'oeuvre de l'auteur est beaucoup plus intelligente et subtile que cela.

La forme, d'abord, sort de l'ordinaire puisque nous avons affaire à un documentaire constitué de successions de témoignages émanant des bourreaux, de descendants des victimes, d'historiens, de politiciens ou encore de monsieur et madame tout le monde, interrogés au hasard dans la rue. L'auteur réunit ainsi toute une palette d'opinions qui lui permettent d'approfondir sa réflexion sur la mémoire. Pour mener à bien sa démonstration, Ken Liu décide de faire basculer son récit dans la science-fiction en imaginant un monde où il serait désormais possible de voyager dans le passé. le problème ? Une seule et unique personne ne peut se rendre à une époque qu'une seule et unique fois. L'occasion pour le chercheur à l'origine de cette innovation d'offrir aux descendants des victimes de l'unité 731 la possibilité de découvrir le sort réservé à leurs proches tout en fournissant à l'ensemble du monde des témoignages irréfutables sur ces événements encore aujourd'hui controversés. Les vives réactions que va susciter cette idée parmi la population illustrent clairement que la plaie est encore à vif, et pas seulement pour le Japon... A travers les témoignages des différents intervenants, Ken Liu propose ainsi une réflexion intéressante sur le métier d'historien et nous alerte sur les dangers du négationnisme, le tout sans jamais se montrer moralisateur ni sans chercher à privilégier l'émotion au dépend de l'analyse, et inversement.

En à peine plus de cent pages, Ken Liu signe un texte remarquable, tant sur la forme que sur le fond, et dont on ne peut que saluer la profondeur. Un livre poignant qui nous incite à prendre conscience de l'importance d'accepter et de faire reconnaître tout ce qui constitue notre histoire, y compris les atrocités que nous préférerions passer sous silence : « Impossible de détourner le regard ou de se boucher les oreilles. Il nous faut témoigner ; il nous faut parler pour ceux qui ne le peuvent pas. »
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Ken Liu a réussi à rendre marquante son histoire en seulement 100 petites pages.

Imaginez revivre des scènes du quotidien, d'un passé lointain ou récent. Imaginez vous y promener et y ressentir toutes les émotions qui peuvent émaner de ce que vous voyez, tout en restant invisible. Imaginez retourner dans un camp durant la dernière guerre, où se sont déroulées les pires atrocités (sur vos proches)…

L'auteur utilise un concept qui classe d'emblée ce récit dans la SF, et pourtant cette capacité de voyager dans le temps n'est qu'un prétexte. L'homme qui mit fin à l'histoire est davantage un récit historique et un témoignage fictionnel qu'un roman de science-fiction.

Les scientifiques qui ont développé cette technologie révolutionnaire ont décidé d'envoyer des quidams pour « revivre » ce passé, et ce n'est pas sans conséquences.

Ce petit livre devrait être mis entre toutes les mains. Ken Liu a eu l'excellente idée de raconter « l'intrigue » à travers des témoignages sous différentes formes (interviews, dépositions, extraits d'articles de journaux). Grâce à cette technique, il engage le débat, et place les émotions au même niveau que les faits.

On pense en savoir beaucoup sur les atrocités perpétrées durant la seconde guerre mondiale, de notre point de vue occidental. On ne connaît pourtant pas grand chose des horreurs qu'ont pu commettre les japonais. A cette époque-là, l'escalade dans l'abomination n'avait pas de limites, sous le prétexte de la recherche scientifique, et les alliés ne sont pas tout blancs dans l'affaire.

L'homme qui mit fin à l'histoire est autant un récit sur le devoir de mémoire qu'une fiction formidablement écrite et construite. Admirable et nécessaire. Un petit livre pour une grande histoire, qui est tout sauf une fin en soi.
Lien : https://gruznamur.wordpress...
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C'est grâce à la critique pertinente de Bernacho, que je découvre ce documentaire. Je ne connais pas du tout l'auteur et ma curiosité s'éveille. Pourquoi avoir choisi le titre : «L'homme qui met fin à l'histoire ? »



Intéressant, Enrichissant, Innovateur

«Il faut rester prudent quand on raconte une histoire sur une terrible injustice. Nous adorons les récits, mais on nous a aussi appris à nous défier d'un locuteur unique.»

Je ne lis pas beaucoup ce type de lecture mais je suis toujours ouverte à ouvrir mes horizons. Quand j'ouvre mon livre, je ne m'attends pas à trouver une atmosphère assez spéciale. Et de plus, je m'aperçois que la lecture est basée à travers les témoignages de chaque personnage. On ressent bien leurs ressentis à chaque déclaration.
En un petit résumé : Est-ce qu'une personne ordinaire, peu importe qui elle est, peut avoir le droit de retourner dans le passé ? Est-ce qu'elle peut se donner aussi le pouvoir de défaire les preuves véridiques, à l'histoire ?
C'est une lecture qui est à la fois révoltante, bouleversante et dérangeante. Je confirme que c'est intéressant à lire, l'auteur nous présente effectivement les faits de l'histoire. Ce qui retient mon attention, c'est que l'auteur en nous amenant les faits, j'ai l'impression qui veut nous amener à une prise de conscience.
J'avoue que plusieurs passages sont très poignants, saisissants et injustes. Tu dois prendre certaines pauses, avant de reprendre ta lecture, il faut que tu choisisses bien le bon moment pour le lire.



Pour terminer, c'est un documentaire qui se lit bien, c'est un petit livre, les chapitres ne sont pas longs et ce n'est pas trop difficile à comprendre. L'auteur écrit avec un vocabulaire qui est accessible, et on comprend bien le message qui veut faire passer. On se pose également des questions au cours de notre lecture et il nous amène aussi à nous faire réfléchir. Je crois que je vais le relire un peu plus tard.

Vous pouvez aller voir la critique de Bernacho ainsi que les autres Babelios, qui expliquent un peu plus que moi, ce qu'est «L'homme qui met fin à l'histoire.»

Est-ce que vous pensez qu'on a le droit de modifier les faits de l'histoire ?



Siabelle

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Cette critique est difficile à rédiger tant ce petit texte est dense, en informations et en émotions.

Ken Liu met en scène un couple sino-japonais qui propose aux familles des victimes de l'Unité 731 de voyager dans le temps afin d'être les témoins directs des atrocités perpétrées sur les ressortissants chinois par les Japonais durant la seconde guerre mondiale.

Pour ma part, et j'ai pu constater en questionnant mes proches que je suis loin d'être la seule, je n'avais jamais entendu parler de l'Unité 731. Cette unité japonaise effectuait des expériences sur les Chinois pour permettre au Japon de créer des armes biologiques et des recherches sur les limites de l'endurance humaine. le récit est donc assez difficile par moment mais, même lorsqu'il est cru, il reste d'une grande pudeur.

Je vous passerai l'explication purement scientifique du voyage dans le temps, pour cause de totale incompréhension de ma part (je suis une pure littéraire qui ne comprend strictement rien aux sciences) ! Mais l'intérêt réside ailleurs. L'auteur questionne L Histoire (politique, éthique, juridique, archéologique...), le devoir de mémoire, et s'attaque au problème du négationnisme. A la lecture de certains témoignages de négationnistes, je me suis fait la réflexion que l'auteur allait un peu loin dans ses développements, que personne au monde (encore moins des Occidentaux) ne pouvait raisonnablement tenir de tels discours. Sauf que dans ses Notes de fin d'ouvrage, l'auteur affirme s'appuyer sur des écrits trouvés sur les réseaux sociaux ou des propos tenus face à lui... Ça m'a fait quelque chose. Je me suis vraiment interrogée sur l'Etre Humain.

Je me dois aussi de dire un mot sur la forme narrative choisie par Ken Liu : vous trouverez dans L'Homme qui mit fin à l'histoire des documents d'archives télévisuels (donc description d'images), des interviews de scientifiques, d'hommes politiques, d'intellectuels ou encore d'anonymes de toutes nationalités. La forme du documentaire n'est pas simple pour le lecteur au début mais on s'y fait rapidement.

En somme, un récit poignant sur un énième crime contre l'Humanité (passé quasi inaperçu pour cause de corruption du gouvernement américain notamment), une sorte de témoignage teinté de science-fiction, un essai sur le devoir de mémoire : L'Homme qui mit fin à L Histoire est tout cela à la fois, et bien plus encore.

Challenge Multi défis 2017
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Unité 731
Dans un futur proche un couple de scientifiques met au point un procédé qui permet de voyager dans le temps. Pas physiquement, mais par le cerveau (je vous passe les détails qui relèvent à la fois de la physique et de la science-fiction), et uniquement dans le passé, sachant qu'un « voyageur » ne peut « visiter » qu'une seule et unique fois la période ou l'évènement choisi qui, au retour, se sera effacé… le choix d'Evan Wei et de son épouse Akemi Kirino se porte sur la guerre entre la Chine et le Japon en Mandchourie dans les années 30-40 (un choix parfaitement assumé, lui, historien, étant sino-américain, et elle, physicienne, nippo-américaine) et plus particulièrement sur les « activités » de l'Unité 731, une unité militaire où les japonais se sont livrés à d'effroyables expérimentations médicales sur des prisonniers essentiellement chinois. Alors que de nombreuses voix s'élèvent pour s'y opposer, Pr Wei décide de faire « voyager » des descendants volontaires des victimes de l'Unité 731 (n'aurait-il pas mieux valu envoyer des historiens, dépourvus de toute charge émotionnelle ?), afin qu'ils puissent témoigner de la réalité des exactions commises et que le Japon reconnaisse enfin avoir commis des crimes contre l'humanité.
Quelle claque que cette novella ou court roman ! En une centaine de pages l'auteur réussit la prouesse d'aborder des thèmes extrêmement riches, tenant à l'Histoire et à la mémoire, par le biais du voyage temporel : reconnaissance des crimes de guerre, méthodologie des historiens, travail mémoriel, responsabilité personnelle ou collective, héritage historique…
J'ignorais tout de cette Unité 731, surnommée l' »Auschwitz d'Asie »… Je connaissais (un peu) la guerre sino-japonaise (notamment le massacre de Nankin) mais visiblement mes cours d'histoire sont très lointains. Je suis même allée voir sur internet s'il s'agissait de faits rééls ou inventés par l'auteur… Hélas, Ken Liu (chinois de naissance) a bel et bien extirpé cette Unité 731 de l'Histoire. D'ailleurs l'Histoire, parlons-en : comment tracer avec véracité les évènements, sinon par les témoignages ? Mais qui dit témoignages dit aussi subjectivité, interprétations…
Pour le Pr Wei, le Japon doit reconnaître ses crimes de guerre et présenter des excuses officielles : seuls les témoignages directs via son procédé (controversé) peuvent y parvenir en sensibilisant les populations (japonaises mais aussi chinoises et occidentales) et en reconnaissant aux descendants des martyrs un véritable statut de victimes de guerre. Mais le procédé mis au point par Wei et Kirino efface les évènements qu'ils s'efforçaient de préserver empêchant toute « vérification » (cependant, un même évènement vu ou vécu par des personnes différentes peut être relaté de manière diamétralement opposée)…
Généralement, les romans traitant du voyage temporel sont distrayants (j'en suis fan !) : ici évidemment, rien de tel. Indépendamment des atrocités relatées (plusieurs paragraphes très difficiles), l'auteur donne à son lecteur de quoi réfléchir, à travers de multiples questions d'ordre juridique, scientifiques, éthiques voire philosophique. Et que dire de la fin, totalement inattendue qui m'a fait l'effet d'un coup au coeur ?
Intelligent mais éprouvant.
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Avertissement : ce n'est pas un livre de SF à proprement parler et il peut donc décevoir ceux qui attendent que le concept de base soit développé à fond. Il intéressera en revanche tout amoureux de la littérature humaniste. Explications.

Il faut d'abord faire attention, le titre complet n'apparaît pas sur la couverture : "L'homme qui mit fin à l'histoire : un documentaire". Nous n'avons pas affaire à un roman mais à un livre plutôt original consistant en la transcription d'un documentaire fictif. Nous entrons donc très vite dans le bain, imaginant ce que l'on verrait à la télévision avec ses interviews, son rythme et ses points de vue différents.

Ce n'est donc pas un livre de Science-Fiction : l'invention de départ, dévoilée dans la quatrième de couverture, n'est quasiment pas développée. Et il y aurait de quoi écrire des pavés avec un tel postulat : la possibilité de "voir" le passé une seule fois, après quoi il ne serait plus possible de le consulter à nouveau.
C'est donc une nouvelle situation révolutionnaire dans l'état du monde qui sert de prétexte à étudier les réactions des différents personnages.

Ce faux documentaire se concentre sur la dénonciation d'atrocités : des crimes de guerre et contre l'humanité particulièrement horribles. C'est passionnant pour la découverte de cette "Unité 731" et ce qui en découle (je ne connaissais pas et toutes les responsabilités sont passées en revue).
Il ajoute, au travers de cette possibilité de voir le passé une seule fois, un débat sur l'histoire, le rôle de l'historien, de l'archéologue, du témoignage, des protagonistes (bourreaux et victimes).

Ce livre est plus un essai "augmenté" grâce au postulat scientifique qui introduit de nouveaux paramètres, une nouvelle façon de considérer sa relation à L Histoire. Il introduit nombre de pistes de réflexion supplémentaires sur le rôle du témoignage, sa crédibilité, sa manipulation.

C'est un joli, court livre, très vite lu (deux belles fautes de français détectées). Des réflexions profondes nous transportent. Il m'a parlé car j'ai toujours aimé imaginer des sujets dans un genre "et que se passerait-il si ?".

Lien : https://pdefreminville.wixsi..
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Alors que je m'attendais à un roman classique, le livre de Ken Liu, auteur américain d'origine chinoise, est construit comme un faux documentaire TV dans un futur proche sur une technique de « voyage temporel » (en fait davantage un moyen de voir et de ressentir le passé à la place des acteurs concernés), sur son application sur la Mandchourie occupée par le Japon des années 30 et 40 et en particulier sur les agissements de l'unité 731 qui a pratiqué à une échelle massive des « expérimentations scientifiques » sur des cobayes chinois entrainant la mort de 200 à 500 000 personnes.

Dans ce livre, l'aspect science-fiction est avant tout un vernis, un prétexte qui va permettre à l'auteur de mettre en lumières ces évènements tragiques et assez méconnus en occident et surtout de poser un certain nombre de questions sur l'histoire et son utilisation (qui écrit l'histoire, qui doit s'en emparer et pourquoi ? Quel est la place pour l'empathie et l'émotion ? etc.). Ces dernières ont le mérite d'embrasser des sujets très actuels et pas forcément liés aux relations sino-japonaises ou à la seconde guerre mondiale (restitution des oeuvres d'arts africaines, négationnismes, subjectivité de l'historien, questionnement de la « realpolitik » etc.).

Le livre est construit comme une suite de témoignages de différents intervenants (inventeurs du procédé de voyage temporel, historiens, famille de victimes, bourreaux, anonymes interviewés en micro-trottoir etc.). Les crimes de guerre sont davantage esquissés que détaillés mais le peu qu'on entraperçoit laisse aisément imaginer une horreur sans nom. En lisant les quelques mots de l'auteur sur ses sources on s'aperçoit que la quasi intégralité des témoignages (mêmes ceux des anonymes interviewés pour donner leurs opinions) dérivent de vraies déclarations et que la part de véritable fiction dans ce récit est vraiment faible.

Pour conclure, Ken Liu signe ici un livre intéressant et court, à cheval sur la frontière entre fiction, histoire et essai, il est loin d'être aussi « lourd » que ne pourrait le faire présager le sujet. le principal défaut du livre est finalement sa brièveté, à peine 100 pages c'est bien trop peu pour approfondir les nombreux points que l'ouvrage ne fait qu'effleurer.

Un livre recommandable et appréciable mais il ne faut pas s'attendre à de la science-fiction pur jus.
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