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L'identité à travers l'exil et l'actualité

Il n'existe pas de mot dans la langue tchétchène pour désigner l'amour entre deux personnes du même sexe. Oumar, émigré aux Pays-Bas, découvrira que son désir pour les hommes connaît une réalité et peut même être désigner : il est homosexuel. Mais il est aussi tchétchène. Comment vivre sa vie entre le poids de ses origines et son nouveau droit à la liberté, surtout quand celle-ci est dynamitée par l'islamisme qui gangrène sa famille ?

Nous sommes à La Haye en 2017. Une bombe explose dans un lycée : « vingt enfants tués. Un homme qui pose une bombe à l'heure du déjeuner, pour tuer des écoliers dans un pays en paix ». L'effroi envahit les hollandais. La terreur a encore frappé.

Très vite, un élève est soupçonné. Il s'agit de Kirem Akhmaïev. D'origine tchétchène, ce jeune garçon a rejoint, accompagné de sa mère Taïssa et son cousin Makhmoud, son frère aîné, Oumar, qui avait pu s'exiler quelques mois plus tôt aux Pays-Bas pour y suivre des études et fuir son pays ravagé par la guerre qui le brûle depuis tant d'années.

Oumar le solaire, sociable et intégré, et Kirem, éteint et renfermé, englué dans une idéologie qui petit à petit le détruit, appâté par Makhmoud le fanatique.
La professeure de russe de Kirem est tchétchène elle aussi. Mais contrairement au jeune garçon, celle-ci cache ses origines de peur de l'amalgame avec les exactions terroristes dont s'est si souvent rendu célèbre son pays. Son passé la rattrape. Pourquoi n'a-t-elle rien vu venir ?

Alissa Zoubaïeva, c'est son nom, a pu elle aussi se réfugier à La Haye, ville internationale et cosmopolite, promesse de tous les possibles, fuyant la violence de son pays. Écrasé par l'ogre russe, la « kkheram », cette idée de la peur plus forte encore que notre mot « terreur » semble inscrite dans la culture tchétchène. Villes détruites, maisons dévastées, peuple brisé. On vit souvent entre deux murs en ruine dans ce pays du Caucase, où les habitants ne sont pas de type caucasien comme l'entend l'Occident. Leur religion étouffée, opprimés pour ne pas être assez russe, les Tchétchènes s'enlisent dans une révolte sans fin face au puissant maître colonisateur, qui ne laissera jamais de liberté à ce territoire grand comme un confetti de son empire. Intérêt stratégique, géopolitique, arrogance des puissants.

La terreur sera son arme de résistance. Métro, aéroport, immeuble, prise d'otage du théâtre de la Doubrovka en 2002, ou celle de l'école de Beslan en 2004 et ses 334 morts dont 186 enfants. Les Tchétchènes deviennent célèbres de par leurs attentats. La montée des islamismes achèvera le portrait de ce petit territoire musulman.

C'est pour toutes ces raisons qu'Alissa cache ses origines et se jette dans une intégration effrénée, quitte à renier sa culture, marquée encore au corps par son passé de frayeur.
La Tchétchénie la rattrape. Elle se sent coupable de n'avoir pas repéré l'isolement de Kirem et son endoctrinement extrémiste. La police a besoin d'elle. Elle se fera traductrice., quitte à passer dans les yeux de sa conscience, pour une « Iamartkho », une traître, bafouant le code d'honneur de sa culture : la loi du silence

Oumar, La Haye fut son refuge, s'échapper de la guerre, mais s'échapper aussi des conventions. Il se fera appeler Adam, pour s'intégrer plus facilement, mais aussi et surtout pour se dédouaner aux yeux « des règles ancestrales ». C'est plus facile pour porter un pantalon moulant ou illuminer sa peau de poudre claire.

Oumar est homosexuel mais il ne le sait pas, car aucun mot dans sa langue ne désigne ces personnes qui l'attirent et lui ressemblent : il les a vu un jour à la télévision tchétchène, nommées par le présentateur « stigal basakh vol stag », Des hommes couleur de ciel.
Sont-ce les couleurs du « rainbow flag » fièrement arboré sur le fronton de la mairie hollandaise ? Symbole de la liberté pour tous les homosexuels, ce drapeau sera l'étendard de son émancipation.

Contre les traditions qui l'écrasent, la honte qui le menace et le silence qui le condamne, Oumar deviendra Adam.
« Un Tchétchène homosexuel doit vivre caché ou mourir ». Une fois son secret révélé, sa « fragilité incandescente » suffira-t-elle à le sauver des griffes de son passé. Entre un code d'honneur mortifère, un frère assassin, un cousin fanatique, Oumar pourra-t-il être libre et « vivre une vie vierge de tout déterminismes » avec pour ambition la liberté d'exister.

À la fois pudique et sociologique, le récit d'Anaïs Llobet fascine et séduit. de sa plume sensible elle arrive à relier les questions d'identité, les mutations que vous imposent l'exil et la tragédie de l'homosexualité dans une culture qui ne la reconnaît pas, le tout dans un contexte de terrorisme fictif mais parfaitement vraisemblable. Journaliste pour l'AFP à Moscou pendant cinq ans, elle connaît son sujet et sait nous le raconter. Sensible et juste !

Vous pouvez retrouver ma chronique sur mon blog le conseil des libraires Fnac :
Lien : https://www.fnac.com/Des-hom..
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Émigré aux Pays-Bas, Oumar Akhmaïev y cache tout de même son attirance pour les hommes car dans son pays d'origine les « hommes couleur de ciel » sont synonymes de honte et même condamnés à mort par leur propre famille. Alissa Zoubaïeva, sa professeure de russe dissimule également ses origines tchétchènes afin d'éviter les amalgames avec les terroristes responsables des tristement célèbres prises d'otages du théâtre de la Doubrovka en octobre 2002 et de l'école de Beslan en septembre 2004. Lorsqu'une bonne explose dans leur lycée à La Haye et que le principal suspect du massacre s'avère être d'origine tchétchène, leurs racines et leurs secrets sont très vite passés au peigne fin…

Ce deuxième roman d'Anaïs Llobet invite à suivre trois exilés tchétchènes vivant à La Haye, dans un endroit prônant donc certes des valeurs de liberté, mais qui s'avère cependant incapable d'effacer les fractures identitaires liées à l'exil. Au fil des pages, le lecteur saisit très vite les difficultés de cette intégration qui ne permet pas d'oublier les drames vécus dans leur propre pays, d'échapper aux valeurs de leur culture d'origine ou d'éviter les amalgames liés à leur nationalité, voire même de ne pas tomber dans le piège de l'islamisme qui gangrène une partie de leur communauté…

Outre une enquête qui invite à découvrir les responsables de cet attentat qui plonge les hollandais dans la terreur, Anaïs Llobet aborde surtout de nombreux thèmes délicats avec beaucoup de vraisemblance, allant de l'homosexualité au terrorisme, en passant par l'exil, la tolérance, la différence, l'intégration, l'islamisme, l'amour, les racines et la quête identitaire. Des sujets importants et parfaitement abordés !
Lien : https://brusselsboy.wordpres..
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La Haye. Pays-Bas.

Un attentat dans un lycée.

Un élève d'origine tchétchène serait à l'origine du massacre.

Un livre fort, très fort. Un livre témoin de notre époque. Un livre témoin d'une humanité toute entière. de notre inhumanité.

Un livre qui fait beaucoup réfléchir.

Il parle de l'intégration, de la différence, de l'intolérance, du déracinement. de la différence. de la suspicion.

Ce livre m'a énormément parlé. Qui m'a ébranlé. Il traite également de l'homosexualité, de la possibilité d'être soi-même ou pas lorsque notre culture, notre société, notre famille ne le tolère pas. Il parle de s'autoriser ou pas à vivre lorsque notre culture nous dicte que nous sommes une sorte d'erreur.

Aujourd'hui et maintenant, et ici, oui nous avons des droits. Mais ailleurs ? Mais demain ? Notre humanité ne tient qu'à un filet et Anaïs Llobet nous le rappelle douloureusement dans un ouvrage plein de finesse, d'émotion et de vérités difficiles à entendre.

C'est le roman de notre drôle d'époque où la liberté ne s'exerce pas de la même manière selon les êtres. Ou l'amour ne sauve pas de tout. Lecture oh combien douloureuse. Oh combien primordiale.

Ce livre va me rester dans la tête longtemps. Il m'a blessé. Il m'a douloureusement ouvert les yeux. Il frappe le coeur et l'esprit. Il fait mal. Il est ce que la littérature a de meilleur à offrir, véritable.

Un roman salutaire. Important. Un livre qui marquera 2019.

Un cri silencieux.

Ce sont les plus déchirants.

Les plus marquants.


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Des Hommes couleur de ciel, et des femmes couleur de l'ombre. Quelle que soit différence, l'écart à ce qui est considéré comme la norme, parce que la nationalité d'origine pèse de tout le poids de l'amalgame, ou que les choix amoureux n'aillent pas dans le sens de ce qui est dicté par la religion, la souffrance est là, omniprésente, lourde de mise en scène et de dissimulations, encombrée de non-dits et de malentendus, lestée du prix du silence.

Lorsque les bombes explosent à l'heure du repas dans la cantine du lycée, Oumar s'abrite derrière l'alibi d'un rendez-vous amoureux avec Alex, dans un café où tous apprennent la nouvelle de l'attentat. Et cependant il se retrouve au poste de police avec son cousin, prêt à le tuer pour avoir trahi les textes sacrés. Quant à Kirem, le frère d'Omar, il a disparu, mais ne fait pas partie des victimes.

C'est ainsi qu'Alissa est mêlée à l'affaire, pour ses talents de traductrice tchétchène, elle qui a caché ses origines en laissant croire qu'elle était russe.

La terre d'accueil peut se révéler bien cruelle, car elle n'efface jamais le passé. le renier expose à des conflits de loyautés inextricables et le révéler ne peut qu'aboutir à l'isolement.

Les événements fictifs qui font le coeur du récit sont hautement vraisemblables, et l'analyse psychologique des conséquences de la fuite quand elle est devenu inévitable pour rester en vie et finement décrite. On souffre avec ces personnages malmenés et condamnés à se cacher.


Roman riche d'une actualité que l'on aimerait désuète, ce qui est loin d'être le cas, l'écriture est juste et sensible.
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C'est le second roman d' Anaïs LLOBET. » Des hommes couleur de ciel « est le récit de la douleur de l'exil, publié aux éditions de l'Observatoire en ce début d'année 2019.
Anaïs Llobet est journaliste. En poste à Moscou pendant cinq ans, elle a suivi l'actualité russe et effectué plusieurs séjours en Tchétchénie, où elle a couvert notamment la persécution d'homosexuels par le pouvoir local.
La Haye – Pays-Bas – 2017
L'innommable vient de se produire. le pays est sous le choc. Un attentat vient d'avoir lieu au sein d'un lycée.
p. 11 : » Pendant un instant, Hendrik ne put détacher son regard du téléphone. Les notifications s'enchaînent. Un attentat. À La Haye, sa ville. Il se prit la tête entre les mains. Une bombe. Dans le lycée où travaillait Alissa. «
Mais ce que Hendrik ne sait pas, c'est que Alissa, sa fiancée, a pris le nom d'Alice à son arrivée en France. Elle n'est pas d'origine russe, comme elle le prétend. Elle est tchétchène. Elle est Alissa Zoubaïeva.
p. 86 : » Mais Hendrik ne savait pas qu'Alice s'appelait Alissa, qu'elle venait d'une petite enclave saignée à blanc par deux guerres. Avec lui, elle était hollandaise, d'origine russe. «
Vingt-deux enfants tués et deux professeurs. La ville s'est arrêtée. Ses habitants anéantis par la douleur.
p. 17 : » Les Pays-Bas avaient fermé leurs portes, ils avaient barricadé leurs fenêtres. le coeur des gens s'était glacé malgré la chaleur. On avait tué leurs enfants. «
L'auteur de cet acte est un lycéen, scolarisé dans ce même lycée. En apprenant qu'il est d'origine tchétchène, Alissa fait immédiatement le rapprochement : Kirem Akhmaïev. Ils partageaient la même origine, même si Alissa le cachait. Malgré ses airs de tolérance et d'ouverture, les Pays-Bas était comme tous les pays européens depuis les attentats terroristes perpétrés par des islamistes radicaux : méfiants et suspicieux envers toute la communauté musulmane.
p. 25 : » C'était un enfant étrange, la copie inversée de son frère, Oumar, qu'elle avait eu en cours deux ans auparavant. Ils avaient beau se ressembler comme deux gouttes d'eau, leurs personnalités étaient diamétralement opposées. Autant son frère était solaire, affectueux, toujours prêt à participer et à distribuer les copies, autant Kirem se faisait très vite oublier, et détester. «
Professeure de russe, Alissa est rapidement interrogée par les autorités, comme traductrice d'une part, puis suspectée de ne pas avoir décelé les projets de son élève Kirem en ne signalant pas son comportement étrange.
Oumar est arrêté devant les yeux de son nouveau petit ami, Alex, alors qu'ils partagent innocemment un café en terrasse. Alex est impuissant devant cette arrestation musclée. Il ne comprend pas pourquoi les forces de l'ordre l'appellent Oumar. Il s'est présenté à lui sous le nom d'Adam, d'origine jordanienne.
En salle d'interrogatoire il reconnait son ancienne professeure de russe : Madame Zoubaïeva. Elle leur sert d'interprète. Mais comment leur expliquer qu'il est innocent ? Que ce n'est pas lui qui est à l'origine de cet acte atroce ?
p. 56 : » Il pourrait leur dire qu'il a un alibi : cette main sous la table. Mais s'il parle de l'homme avec qui il a bu un café, il risque plus que des années perdues dans une cellule étouffante. La honte pour toujours, la mort à coup sûr. «
Lorsque l'on est un « homme couleur de ciel » en Tchétchénie, on risque sa vie. C'est pourquoi leur mère, Taïssa, a préféré s'exiler en Europe, pour protéger son fils. Maltraité depuis son plus jeune âge par son cousin Makhmoud, Oumar devait quitter le pays, pour vivre. Mais son jeune frère est resté des années sous l'influence de ce cousin violent.
p. 141 : » Kirem disait souvent à son frère :
-Oumar, tu ne peux pas comprendre Makhmoud. Tu n'as pas vécu la même chose que nous. Tu n'as pas connu l'injustice de l'occupation russe, la brutalité des milices du nouveau président tchétchène. Tu n'as pas vu nos mosquées pilonnées, tu ne vois pas les bombes qui continuent à tomber sur nos frères syriens, tu n'entends pas leurs hurlements. Non, tu ne sais rien. Alors tais-toi et écoute Makhmoud. «
Le lecteur est immédiatement plongé dans l'horreur, dès les premières lignes. Anaïs Llobet fait évoluer ses personnages de telle sorte qu'une ambiguïté s'installe. La responsabilité de cet acte est multiple, et c'est qui donne toute la puissance au récit. L'écriture journalistique est efficace et crée une tension permanente. L'expérience du terrain de l'auteure apporte une vision très concrète du conflit opposant la Tchétchénie et la Russie, et les conséquences d'un exil douloureux. C'est également l'histoire d'une famille musulmane aux multiples cicatrices et gangrenée par l'islamisme. Une lecture très forte et marquante, et un témoignage assez rare pour être souligné, des conséquences de ce conflit, vite oublié par les pays occidentaux.
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Conter le droit à la différence de manière romanesque est une gageure difficile. L'auteure relève ce défi de décrire l'amour et son revers le plus cruel : la haine. de soi, de l'autre. Deux frères, deux visions d'un monde pour l'un où tout est possible, pour l'autre sans issue.

"Est-ce que les gens naissent égaux en droits
À l'endroit où ils naissent"

La force du récit est de décrire la culpabilité de ceux qui n'ont rien vu à force de se nier eux-mêmes, loin d'imaginer que parfois l'intégration est impossible tant ils se battent eux-mêmes pour y parvenir. Conter l'indicible de ce qui a été laissé derrière soi parfois dans l'espoir d'un avenir meilleur, d'un monde meilleur. L'humain reste ce qu'il est : complexe face à ses contradictions, capable d'empathie, de jugements à l'emporte-pièces. du meilleur comme du pire.

Le texte est court, dense, fort en émotions. Il interroge sur l'identité, les origines, l'espoir et sa perte, l'amour, sa force, son impuissance à endiguer la rage, la peur, la frustration de ceux qui ne trouvent pas leur place.

C'est un roman touchant, troublant. Combien de Oumar se rêvant Adam ? Simplement jeunes, heureux, rêvant d'insouciance, sont ramenés à l'entrave que peut-être parfois la culture. Ces jeunes hommes, transfuges d'une culture où il est question d'honneur pour les hommes, de force et de larmes pour les femmes, tentent de s'ancrer dans un nouveau sol, nourris aux valeurs de celui qui leur a donné vie.

Peut-on se choisir une patrie, oublié d'où l'on vient ? le hasard choisi où l'on voit le jour, en est-il de même en ce qui concerne la voie que l'on choisit pour se construire ailleurs ?

Trois personnages liés par un destin tragique, leur exil, leurs choix pour s'intégrer. Ne pas se révolter devant les clichés, les incompréhensions, adopter la bonne attitude pour s'intégrer, douloureux parcours que celui du migrant qui doit renoncer à ce qui l'a construit. Alissa devient Alice, Oumar créé Adam, Kirem s'accroche à son histoire, refuse le monde qui l'entoure.

Un roman bouleversant qui se lit d'une traite, vous emporte dans un tourbillon d'émotions. L'existence n'est pas que grisaille, les hommes couleurs de ciel ont choisi l'amour de la vie.
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****

Des bombes viennent d'exploser dans un lycée de la Haye. A l'heure du déjeuner, tous les élèves se ruaient à la cantine quand l'horreur a frappé. Une vingtaine de morts, des élèves, des professeurs... Mais qui a bien pu commettre un tel massacre ? Quel monstre a pu ôter la vie à des êtres innocents ? Alice, professeur de russe dans ce même lycée se rend sur place et va découvrir une catastrophe bien plus grande encore que ce que toutes les caméras divulguent...

Les hommes couleur de ciel est le deuxième roman fort réussi d'Anais Llobet. Journaliste, on sent dans son écriture l'urgence et l'essentiel d'un récit choc. Avec des mots choisis, elle a un style épuré et direct.

L'histoire qu'elle a décidé de nous raconter est dure, émouvante et elle donne juste.
On ressent tout autant la peur d'Oumar que la haine de Kirem. On accepte l'ambivalence de ces jeunes réfugiés, perdus entre la liberté et les valeurs anciennes, entre un avenir possible et des racines à respecter.

Oumar est particulièrement attachant. Ce jeune garçon, écartelé entre une enfance traumatisante et un avenir incertain, nous entraîne avec lui sur le long chemin de l'exil. de ses blessures, de ses silences, on comprendra qu'être soi-même est une richesse, qu'elle se gagne parfois au prix d'une vie, d'une cellule de prison ou d'un mensonge...

Merci aux 68 premières fois pour ce magnifique partage !
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Un attentat dans un lycée de la Haye a fait une vingtaine de morts.
Parmi les acteurs du drame, bourreau et victimes, une professeure de russe qui cherche à s'intégrer de toutes ses forces et à tout prix, et deux frères Tchétchènes.

Anaïs Llobet nous propose une lecture différente, troublante, de ces attentats qui nous sont devenus si douloureusement familiers ces dernières années.
En nous faisant saisir la difficulté immense d'échapper totalement à sa culture d'origine, le poids des valeurs et du regard de ceux qui nous ont précédés, son livre permet de se mettre à la place de l'autre, même si l'autre est à l'opposé de ce que nous sommes, de comprendre les mécanismes, de saisir ce qui aurait pu nous demeurer à jamais hérmétique.
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Un attentat meurtrier vient d'être commis dans un lycée de la Haye : vingt-deux élèves et deux professeurs sont morts sous les fracas de deux bombes posées dans le réfectoire.

Un tchétchène est suspecté d'être à l'origine du massacre...Pourrait -il que ce soit Adam (qui s'appelait Oumar dans son pays d'origine) ou bien Kirem, son jeune frère, qui s'est volatilisé ? Alissa, professeure de russe, est chargée de traduire les interrogatoires d'Adam, qui fut son élève, mais aussi les rédactions que Kirem s'obstinait à écrire en tchétchène va tenter de résoudre ce mystère et cette question : pourquoi diable Adam garde-t-il le silence alors qu'il pourrait très bien se disculper ?

La journaliste Anaïs Llobet a longuement écumé la Russie et la Tchétchénie, ce pays tristement célèbres pour avoir persécuté des milliers d'homosexuels. l'homosexualité , tabou passible de mort dans la communauté tchétchène.

Au lieu de se lancer dans la rédaction d' un essai ou bien d' un récit didactique de ces terribles agissements, elle a préféré tisser une bien belle fiction autour de trois individus d'origine tchétchènes vivant à La Haye : les deux frères Oumar et Kreml, et leur professeur de russe, Alissa, qui tente de cacher ses origines, notamment à son compagnon.

Cet exil aux Pays-Bas, pays des libertés et des institutions européennes est-il vraiment le graal, d'autant que rien ne préparait ces protagonistes à cette liberté.

Avec une intrigue pleine de rebondissements et parfaitement construite, Anaïs Llobet aborde plusieurs thématiques passionnantes autour de l'exil et de l'arrachement à ses racines, comme la quête d'identité, la tolérance, l'intégration stigmatisation des différences culturelles, la fragilité de la vie face à la violence des actes et bien évidemment d'homosexualité, le sujet et moteur principal de la souffrance de cet Adam / Omar , obligé de cacher à ses proches ce qui fait partie intégrante de lui.

Sans pathos ni didactisme, Anaïs Llobet fait de ces "hommes couleur de ciel "(le nom que l'on donne aux homosexuels en Tchétchénie) le témoignage percutant et intense d'une (in)humanité dans son ensemble.

Un des livres profondément marquants de cet hiver littéraire, et qui pourrait bien faire réfléchir tous ceux qui auront le courage et la chance de le lire …
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Après Les mains lâchées, un premier roman remarqué à propos d'un tsunami qui dévastait les Philippines, voici Des hommes couleur de ciel qui nous fait vivre un attentat perpétré par des Tchétchènes à La Haye et confirme le talent d'Anaïs Llobet.

La scène s'est malheureusement répétée ces dernières années. Un homme pénètre dans un établissement scolaire lourdement armé. Il fait exploser sa bombe au milieu de la cantine provoquant des dizaines de morts. Comme à chaque fois qu'une telle nouvelle arrive, chacun cherche à savoir s'il ne connaît personne susceptible de compter parmi les victimes. C'est le cas d'Adam qui fréquente cet établissement de la Haye, aux Pays-Bas et qui découvre l'horreur devant un écran de télévision. « Chacun y allait de sa rumeur, consultant avec frénésie les réseaux sociaux, assurant que la police avait trouvé plusieurs bombes dans les poubelles du Parlement, qu'on déminait à l'instant un tram entier. Ils parlaient pour ne pas entendre les rues silencieuses. Adam envoyait convulsivement des messages à Kirem, à sa mère, et même à Makhmoud. Il imaginait le pire. Il commençait à accepter le pire. »
Le pire n'étant pas en l'occurrence qu'il connaisse des victimes, mais que Kirem soit impliqué dans l'attentat. Kirem, ce frère qu'il n'arrive pas à joindre.
L'autre personne qui s'inquiète en apprenant la nouvelle est Alissa, la prof de russe. Également d'origine tchétchène, elle ne peut imaginer une seconde que ce soit son élève qui ait commis l'irréparable. Certes Kirem était «un enfant étrange, la copie inversée de son frère, Oumar, qu'elle avait eu en cours deux ans auparavant. Ils avaient beau se ressembler comme deux gouttes d'eau, leurs personnalités étaient diamétralement opposées. Autant son frère était solaire, affectueux, toujours prêt à participer et à distribuer les copies, autant Kirem se faisait très vite oublier, et détester. Il avait un regard coulissant, furtif. »
L'enquête, qui va vite progresser, mène directement à eux. Alors qu'Alissa est «réquisitionnée pour assurer les traductions, Oumar est arrêté et incarcéré. Quant à Kirem, il demeure introuvable. le filet va aussi se resserrer autour du cousin Makhmoud. Quand il arrive à la prison, ce garant des traditions familiales va découvrir un «autre» homme, maquillé, portant un jean moulant et un tee-shirt violet presque rose.
Depuis qu'il arrivé aux Pays-Bas, Oumar a découvert un monde occidental bien différent de ce qu'on lui avait raconté, à la fois plus dur, sans concessions, et plus ouvert, plus libre. À mesure qu'il s'intégrait, il ressentait la soif de laisser son orientation sexuelle s'épanouir. Se faisant appeler Adam, sa gueule de beau ténébreux avait enchaîné les relations, même s'il savait parfaitement que ces «hommes couleur de ciel» étaient non seulement rejetés par leur famille, mais condamnés à mort.
Alors que les interrogatoires commencent, l'appartement d'Alissa est perquisitionné. «Lorsqu'elle arriva devant son palier, elle fit immédiatement un pas en arrière. Il n'y avait plus de porte. le sol était jonché de débris. le sol était jonché de débris. Un petit carré en plastique reflétait la lumière du plafonnier: c'était son prénom internationalisé et son nom impossible à changer. Alice Zoubaïeva. Fardeau et héritage, peine et honneur. Elle imagina les policiers défoncer sa porte, marcher sur son nom sans s'en rendre compte.»
Anaïs Llobet a trouvé un angle très original pour traiter de la question des attentats en mettant en scène ces différentes «strates d'intégration». de l'enseignante qui entend gommer ses origines et répond non quand ses élèves demandent si elle est d'origine tchétchène à ceux qui ont fui le pays sans jamais oublier ni leur religion, ni leurs traditions, ni même leurs code d'honneur familial et voient l'occident comme une zone où mécréants et déviants s'épanouissent. On se rappelle alors des frères Tsarnaïev posant leur bombe durant le marathon de Boston.
Au-delà de l'explosion dans l'établissement scolaire, ce sont bien les déflagrations sur la famille et les proches que la romancière met en avant. Loin de tout manichéisme, elle nous fait toucher du doigt la complexité du problème, nous rappelle que tout exil est un déchirement et nous démontre brillamment qu'au «nom d'Allah, de l'Islam, de nos pères, de la justice et des morts à venger, des enfants qui meurent dans les caves de Tchétchénie et sous les bombes de Syrie», ou encore de «cette déviance occidentale» on peut très vite s'aveugler.
Un roman fort, en droite ligne de Les mains lâchées et qui conforme tout le talent d'Anaïs Llobet.


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