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Citations sur Le cul de Judas (90)

De temps en temps, des visites inattendues arrivaient dans ce trou perdu : des officiers de l'État-Major de Luanda, conservés dans le formol de l'air conditionné, des quinquagénaires sud-africaines qui embrassaient mes malades dans une fureur de rut de ménopause, deux actrices de Revue en train d'agiter à contretemps leurs grosses jambes sur une scène faite de tables, accompagnées par un accordéon exténué ; elles ont dîné au mess des officiers à côté du commandant luisant d'orgueil dont la timidité s'embrouillait dans des sourires d'adolescent pris en faute, pendant que le lieutenant, celui de la bonniche, tournait autour d'elles, flairant leurs décolletés dans une extase muette. L'aumônier, contrit, baissait ses paupières vierges sur sa soupe-bréviaire.
« Quarante ans à accumuler du sperme, calculait le capitaine âgé, en le toisant de loin. Si ce mec jouit, il nous noie tous dans l'eau bénite de ses couilles. »

E.
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Jamais les mots ne m'ont semblé aussi superflus qu'en ces temps de cendre, dépourvus du sens que j'avais l'habitude de leur donner, privés de poids, de timbre, de signification, de couleur, à mesure que je travaillais sur le moignon pelé d'un membre ou que j'introduisais, à nouveau, dans un ventre les intestins qui en débordaient.

F.
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Si nous étions, Madame, par exemple, vous et moi, des tamanoirs, au lieu de causer l'un avec l'autre dans cet angle du bar, peut-être me ferais-je davantage à votre silence, à vos mains posées sur le verre, à vos yeux de colin vitreux flottant quelque part sur ma calvitie ou sur mon nombril, peut-être pourrions-nous nous entendre dans une complicité de trompes inquiètes reniflant de concert sur le ciment des regrets d'insectes inexistants, peut-être nous unirions-nous, sous le couvert de l'obscurité, en coïts aussi tristes que les nuits de Lisbonne.

A.
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« Ils sont aussi salauds les uns que les autres, docteur, mais qui est en train de se faire baiser la peau c'est nous, ici. Faites un effort pour me trouver une petite maladie comme il faut car j'en ai marre de cette putain de guerre. […] Une maladie, docteur, insistait le lieutenant, anémie, leucémie, rhumatisme, cancer, goitre, une maladie quelconque, une maladie merdique qui me foute à la réserve : qu'est-ce qu'on fait ici ? Vous vous êtes demandé ce qu'on fait ici ? Vous pensez que quelqu'un va vous remercier, eh, non, foutaises, vous pensez que quelqu'un nous remercie ? Par-dessus le marché, voyez ma déveine, j'ai reçu hier une lettre de ma femme qui m'annonçait que la bonne avait demandé son congé, qu'elle s'en était allée, qu'elle a foutu le camp : il n'y avait pas de gars pour la marquer, la nénette, et voilà le résultat. Croyez-moi docteur, une bonniche que le patron ne baise pas, n'arrive pas à s'attacher à une maison. Je lui avais acheté des bas en dentelle noire et des culottes rouges, les couleurs de l'Artillerie, ma femme partait tôt au travail, elle, elle m'apportait le petit déjeuner au lit avec ses bas et sa culotte croquante comme du maïs, elle levait le drap, regardait et disait Ah, mon lieutenant, c'est si grand aujourd'hui. »

J.
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Le restaurant du zoo, où l'odeur des bêtes s'insinuait en lambeaux dilués dans le fumet du pot-au-feu, assaisonnant d'une désagréable suggestion de poils de cochon la saveur des pommes de terre et conférant à la viande le goût pelucheux des moquettes, se trouvait rempli, habituellement en doses équivalentes, d'excursionnistes et de mères impatientes, qui éloignaient avec leur fourchette des ballons à la dérive comme des sourires distraits, traînant derrière eux des bouts de ficelle comme les fiancées volantes de Chagall traînent l'ourlet de leurs robes. Des dames âgées vêtues de bleu, des plateaux de gâteaux sur le ventre, offraient des millefeuilles plus poussiéreux que leurs joues feuilletées, poursuivies par le dégoût gluant des mouches. Des chiens squelettiques de retable médiéval hésitaient entre le bout de la chaussure des employés et les saucisses qui dépassaient des assiettes vers le plancher à la façon de doigts superflus, huilés et comme luisants de brillantine. Les bateaux qui pédalaient dans le bassin menaçaient à tout moment d'entrer en voguant par les fenêtres ouvertes, oscillant sur les vagues hostiles des serviettes en papier.
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Nous avons déjà trop vécu pour courir le risque idiot de tomber amoureux, de vibrer dans notre âme et nos tripes en exaltations d'aventure, de rester des après-midi entiers devant une porte fermée, un bouquet de fleurs au poing, ridicules et touchants, à avaler anxieusement notre salive. Le temps nous a apporté la sagesse de l'incrédulité et du cynisme, nous avons perdu la simplicité franche de la jeunesse à notre seconde tentative de suicide, […] et nous nous méfions autant de l'humanité que de nous-mêmes, car nous connaissons l'amer égoïsme de notre caractère occulte sous les fallacieuses apparences d'un vernis généreux.

R.
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La nuit surgit trop vite sous les Tropiques, après un crépuscule fugace et inintéressant comme le baiser d'un couple divorcé par consentement mutuel.

M.
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Quand on m'a appelé par radio pour m'annoncer, depuis Gago Coutinho, lettre à lettre, la naissance de ma fille, Fox, India, Lima, Lima, Echo, des murs tapissés de photographies de femmes nues pour la masturbation de la sieste, des seins énormes qui se sont mis subitement à avancer et à reculer, je me suis fortement tenu au dos de la chaise du caporal des transmissions et j'ai pensé Je vais avoir une merde quelconque et je suis foutu.

I.
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Comprenez-moi : nous appartenons à un pays où la vivacité tient lieu de talent et la dextérité celui de capacité créatrice, et je crois, fréquemment, que nous ne sommes en réalité que des débiles mentaux, très habiles, qui savent réparer les fusibles de l'âme à force d'expédients de fil de fer.

D.
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À chaque blessé dans une embuscade ou sur une mine, je me posais la même question angoissée […] : sont-ce les guérilleros ou Lisbonne qui nous assassinent, Lisbonne, les Américains, les Russes, les Chinois, les fils de putains qui se sont concertés pour nous baiser au nom d'intérêts qui nous échappent.

E.
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