En France, par exemple, la galerie des références du journal de référence est une sorte d'EHPAD de la vie des idées (et ceci de manière tout à fait indépendante de l'âge des pensionnaires, bien sûr), la pensée consacrée y a le pouvoir de percussion d'une pantoufle ou d'un déambulateur.
L'obsession fossilotrope ou carbocentrique a en effet cette vertu de concentrer (réduire) la totalité du désastre écologique dans la seule question du CO2 et des objectifs de température. Pendant ce temps, par un mot de la question des déchets, de la pollution des nappes et des océans, de la prolifération des substances pénibles, de la destruction de la diversité, donc des grands équilibres biotopiques, de la banquise restée trop longtemps inexploitée — les volumes toujours.
Au vrai, les médias « progressistes », ou sens assez exact que le macronisme a donné à ce terme, ne sont que la pointe la plus visible derrière laquelle on trouve la masse compacte des inconséquences et des refus de voix, des intellects dissociés et des pratiquants de la dissonance. On y lutte de toutes ses forces pour PRÉSERVER. Pour préserver quoi ? L'idée qu'on s'en tirera à moindre frais — entendre : DANS le capitalisme. « Changer nos modes de vie », ça voudra dire trier encore plus soigneusement nos déchets, multiplier les kilomètres de pistes cyclables, prendre des objectifs solennels de compensation carbone quand on est chef d'entreprise, multiplier les numéros spéciaux « sobriété » quand on est un hebdo, reconvertir en hype le recyclage des vieux vêtements. Et quand on aura fait tout ça, quand on aura assimilé toutes les encyclopédies des « petits gestes », on aura modifié nos modes de vie et ça ira.
Ça fait des décennies que la science avertit de toutes sortes de risques, substances cancérigènes, réchauffement climatique, propagation pandémique maintenant — et qu'elle arrose le sable. Le quotidien-de-référence-très-engagé-dans-la-lutte-contre-la-crise-écologique (Le Monde, ses scientifiques, ses people, ses polices de caractère) peut donc interroger un spécialiste qui nous met assez explicitement en garde : « Si nous ne changeons pas nos modes de vie… », suivi d'une prévision assez terrifiante, ÇA N'IMPRIME PAS. Tout le reste des pages du Monde n'est qu'une gigantesque ratification implicite de « notre mode de vie », et jamais ne passe la première velléité d'en envisager le changement : il faut surveiller la dette, être attentif au marché, faire l'indispensable réforme des retraites, leur prévoir de justes compléments capitalisés (à ce propos consultez nos pages « Épargne–argent », mais aussi parce qu'il faut se détendre nos suppléments « Beaux-objets », le raffinement embellit la vie), encourager l'innovation, libérer les énergies, COMME D'HABITUDE.
Contrairement à ce qu’on croit spontanément, le pouvoir des actionnaires n’est pas un pouvoir de bailleurs. À l’envers de ce qui est répété par tous les appareils de l’idéologie néolibérale, les actionnaires apportent finalement si peu d’argent aux entreprises que celles-ci ne dépendent que marginalement d’eux pour leur financement.
Les forces de l’ordre physique produisent de la répression à proportion de ce que les forces de l’ordre symbolique échouent à produire de l’adhésion — pour continuer de disposer d’ « un pays qui se tient sage »
Les luttes contre les dominations sont entièrement légitimes — dit le capitalisme — tant qu’elles continuent de se couler dans la grammaire de la domination capitaliste. C’est vrai, dans notre histoire, nous ne nous sommes pas toujours très bien comportés, mais après tout rien ne s’oppose à ce que le noir soit un exploiteur comme les autres, et la femme tout autant, bienvenue à eux.
En réalité, c’est simple. Nous savons maintenant indubitablement que la manière dont nous avons vécu — la manière capitaliste — mène au désastre général. Par conséquent, nous devons en changer. Entièrement.