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Critique de Sokleine


En 2014 Edouard Louis faisait une entrée fracassante dans le monde littéraire avec son premier ouvrage autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule. Il y crachait toute sa hargne refoulée. "De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux" écrivait-il dès la première page.

Presque huit ans plus tard il revient sur son incroyable odyssée, sur ses métamorphoses successives qui l'ont mené à la célébrité. L'auteur a muri et prend ici du recul pour raconter son enfance brisée, faite d'humiliations constantes dans un milieu d'extrême pauvreté et d'inculture dans un petit village de Picardie. Il raconte avec beaucoup de réalisme son parcours, son combat de tous les jours à partir de ses quatorze ans et son entrée au lycée d'Amiens, pour changer radicalement, renier sa famille et parvenir à s'élever dans la société. Les hasards de la vie et de nombreuses rencontres vont l'y aider comme par exemple son amie Elena puis le philosophe Didier Eribon. Dans ces périodes de transition, on sent chez Edouard Louis une détermination absolue, comme une obsession de transformation, ce qui ne le rend pas forcément sympathique. Il "profite" des conseils, des situations et des largesses qui lui sont offertes pour franchir de nouveaux paliers et assouvir ses ambitions de réussite et de célébrité. Mais une volonté à toute épreuve beaucoup d'efforts et de chemins parcourus pour prendre sa revanche sur son passé miséreux et arriver à ce qu'il est aujourd'hui.

Pourtant, au sommet de cette ascension sociale, l'auteur ressent comme un trouble, "la honte d'avoir eu honte" de sa famille et de l'avoir reniée voire blessée. Dans une scène bouleversante, il décrit une violente dispute avec sa mère où les mots dépassent (?) sa pensée "Arrête, arrête de me taper putain. T'es vraiment qu'une putain d'espère de folle, et je criais, je te déteste, je ne veux pas que tu sois ma mère..." Des mots douloureux que l'on regrette sûrement après coup.

Edouard Louis éprouve ici le besoin d'effectuer un retour sur lui-même. Après avoir longtemps effacé petit à petit les traces de son passé, certains souvenirs de son enfance lui reviennent en mémoire. "Je ne suis pas nostalgique de la pauvreté, mais des odeurs et des images". Lui qui a connu la misère, la classe moyenne et enfin les hautes sphères de la société, l'aristocratie qui "va dépenser en une soirée ce que son père manoeuvre ou balayeur gagnera en une année" ne peut que s'insurger sur l'injustice sociale, les origines qui malgré soi déterminent tout une vie.

Changer : méthode est une sorte de "manuel" dans lequel l'auteur se livre de façon très personnelle et raconte son odyssée sans complaisance. Il est prenant, bien écrit, utilisant toujours les mots justes. C'est un ouvrage intimiste bien sûr mais aussi puissant et politique.

#Challenge illimité des Départements français en lectures (80 - Somme)


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