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RIP Eddy Bellegueule, Edouard Louis veut célébrer les funérailles de cet ancien lui-même, trinquer et cracher sur sa tombe, être son propre fossoyeur pour être sûr que l'autre ne ressuscitera pas.
Hargne, revanche, détermination… tout l'être d'Edouard Louis, tout son corps n'ont qu'un seul mouvement, celui de la fuite en avant, toujours sur le qui-vive, prêt à tout laisser derrière lui. Abandonner la chrysalide de sa nouvelle métamorphose, pour sans cesse se réinventer, quitte à s'épuiser, se perdre, ne plus savoir qui il est.
Edouard Louis est un caméléon, sans cesse il s'adapte, change pour se fondre dans son nouvel environnement, son objectif est sans cesse de franchir un nouvel échelon de classe sociale. C'est d'ailleurs frappant quand on regarde les photos de l'auteur, sur certaines il apparaît avec une gueule d'ange, tandis que sur d'autres il ressemble à un ex-boxeur ou taulard.
Eddy est parti de tout en bas de l'échelle, même du sous-sol, là où la moisissure recouvre les murs. Régulièrement, sa mère l'envoyait quémander chez les voisins de quoi pouvoir les nourrir le soir, la télé était branchée nuit et jour, l'absence de calme pour faire ses devoirs, et puis, surtout, les questions inquiètes du père chuchotées à la mère. le fils est-il bien normal, pourquoi ces manières, cette façon de bouger les mains, cette voix aigüe ? le fils, il serait pas un peu pédé ?
Pour Eddy, l'enfer ça va vite êtres les autres, leurs moqueries, leurs insultes. Mais Eddy ne s'isole pas, il veut leur prouver sans cesse qu'il peut être un des leurs, en gommant ses gestes, ses manières, en essayant de faire croire qu'il est intéressé par les filles.
Eddy comprend vite que pour échapper aux autres qui le méprisent, l'insultent, son salut viendra d'un changement d'environnement, mais aussi que pour sortir de la misère, s'élever socialement, il devra faire des études. Alors, Edouard prend la problématique à bras le corps, comme tous les autres sujets, et après avoir changé son apparence, ses dents, son rire, son accent et j'en passe, il va rattraper un retard scolaire énorme en se mettant à lire abondement, presque nuit et jour pendant de nombreux mois pour passer le prestigieux concours de l'École Normale Supérieure …
Edouard Louis nous raconte ses mutations, ses métamorphoses et son insatisfaction perpétuelle de vouloir aller toujours plus haut, plus loin dans l'échelle sociale. Mais où mène-t-elle réellement cette échelle, vers le bonheur ou un paraître vide de sens, miroir des illusions dans lequel ce Narcisse magnifique aime se contempler...
A voleter autour de la lumière des hommes de pouvoir, dans un monde où l'argent coule à flot de bouteilles valant un smic, le papillon va-t-il finir par se bruler les ailes ?
Le propos, bien qu'intéressant a cependant fini par me lasser, car Edouard Louis poursuit son ascension assoiffée d'élévation dans l'échelle sociale, et j'ai eu l'impression de tourner en rond dans une vis sans fin, le schéma semblant se répéter à l'infini.
Si le parcours hors-norme d'Edouard Louis force l'admiration, le récit est très égocentrique, et l'auteur avoue avoir eu peu de reconnaissance pour ceux qui l'ont tant aidé à évoluer. J'ai de ce fait eu un peu de difficulté à entrer en empathie avec le personnage, qui reste finalement énigmatique malgré sa mise à nu. Combien de facettes d'Edouard Louis reste-t-il encore à découvrir ? qui est le vrai Edouard, mystère … A découvrir dans un prochain livre, sans nul doute…
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Je commence par faire un compliment à Édouard Louis. J'ai découvert dernièrement Breece D'J Pancake (1952-1979) et ils ont pour point commun d'y décrire la pauvreté financière et intellectuelle, ce besoin de s'échapper vers l'ailleurs, jeunes auteurs, sensibilité, intelligence et bonne analyse de ce qui les entoure. Je suis épaté par cet homme âgé de 29 ans aujourd'hui qui a déjà vécu tant de vies, d'avoir déjà connu l'extrême au point de vue social, d'avoir une telle combativité. Il nous parle de son enfance défavorisée, de sa souffrance, des insultes des autres enfants sur son homosexualité, de sa volonté de changer avec ce titre si bien choisi. Un parcours incroyable. Nous avons là un grand auteur français.
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« Changer mon nom (aller au tribunal ?), Changer mon visage, Changer ma peau (tatouage ?), Lire (devenir quelqu'un d'autre, écrire), Changer mon corps, Changer mes habitudes, Changer ma vie (devenir quelqu'un). »

Voilà en quelques mots toute l'histoire du récit de ce bouquin. C'est toute l'ambition d'Edouard Louis à laquelle il se consacrera corps et âme (si j'ose dire), avec une obstination et une abnégation qui forcent mon admiration, moi qui ai si peu de volonté et si peu de persévérance.

Car oui le bonhomme en a fait, des sacrifices, pour arriver là où il est : changement de sa façon de parler, de manger, de rire, de se déplacer, … mais quelle violence vis-à-vis de lui-même, de son enfance, de ses origines, de ses parents ! Tout couper pour tout reconstruire, est-ce seulement faisable ? Et ensuite cet impossible retour vers son village d'enfance, cet impossible dialogue avec les parents, la famille, les connaissances. Loin d'en éprouver du chagrin, l'auteur en éprouve un certain réconfort, il y voit la preuve de la distance irréductible d'avec ses origines. Être soi, oui, mais à quel prix ? Mais peut-être que ce prix ne sera jamais assez fort ?

J'ai aimé les portraits sans concession (comme dans Eddy Bellegueule) de son milieu d'origine, de la petite bourgeoisie d'Amiens, des milieux homosexuels artistiques et intellectuels de la Capitale. J'ai aimé aussi la sincérité de l'auteur, vraiment, quand il évoque ses relations et les raisons, avouées ou non, assumées ou non, qui le poussent à côtoyer certaines personnes influentes ou puissantes ou juste extrêmement friquées, qui le mettront à l'abri une fois pour toutes.

Alors attention aux distraits : malgré le titre percutant et qui utilise les grosses ficelles du marketing, ceci n'est pas du tout un outil de développement personnel regorgeant de conseils judicieux pour changer, non mais un excellent témoignage sociologique (j'y ai trouvé une certaine parenté avec les récits d'Annie Ernaux), où d'ailleurs les sentiments n'ont pas beaucoup de place. Il y est peu question d'amour, ou même d'amitiés (en tout cas elles sont à peine évoquées, même la relation avec Elena n'est pas très creusée et reste factuelle), mais c'est plus un long soliloque dont les sentiments ont été écartés … Par pudeur, par réflexe de protection ou peut-être comme un dernier marqueur du milieu social d'origine où les émotions et les sentiments sont tout simplement tus, quand bien même ils sont reconnus ?
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Impressionnant parcours.
Que de volonté.
Eddy Bellegueule n'est plus, vive Édouard Louis.
Je suis bluffée par cette vie qu'il a su créer, tous ces efforts, cette détermination, comme un mantra douloureux, il faut qu'il change de vie et dire adieu à son enfance de misère.
C'est une redondance dans ce livre magnifique.
S'en sortir, coûte que coûte, s'éloigner du village comme il dit, lui tourner le dos définitivement, jeter ses oripeaux vulgaires, ses sanies dégoulinantes de pus.
Il a su s'entourer de belles personnes,
Philippe, Ludovic, Didier, Elena et les autres, ont su l'initier à cette nouvelle vie qui commence, une vie de bourgeois, à l'opposé de cette misère du Nord.
Le village, Amiens puis Paris, notre Rastignac (sans les dents qui rayent le parquet...) ambitieux, si ambitieux que ça en est touchant, quitte ces lieux comme si c'était une question de vie et de mort pour lui.
Le style. Je l'ai trouvé fluide et parfois sublime. Il s'adresse à son père durant la première partie, avec ce (tu) qui revient sans cesse, après il parle à la première personne (je) puis à la troisième personne (il) , enfin il parlera dans un long monologue à Elena en reprenant le "tu".
Ces changements de personne, grammaticalement, ne m'ont pas gênée.
Son parcours ? Incroyable au sens propre.
À force de volonté et de travail, il lira jour et nuit, nuit et jour, sur les conseils de Didier le fidèle, des livres pas toujours faciles, et il réussira le concours d'entrée de Normale Sup, l'une des plus grandes écoles, même Polytechnique est en dessous.
Tout ce qu'il fait, entreprend, c'est une revanche à prendre sur la vie, changer, changer, changer. Et s'éloigner du village (maison insalubre, père alcoolique, moqueries sur son orientation sexuelle).
Il est d'une ambition démesurée.
C'est le livre d'une métamorphose, parfois douloureuse, mais toujours courageuse.
Grâce à ses rencontres, il mangera dans les plus grands restaurants, il visitera le monde entier, il prendra sa revanche sur sa vie d'avant.
À la fin, quand il est devenu un écrivain célèbre, quand il a enfin réussi, comme il le dit, il a comme une nostalgie de son village.
Ça me rappelle un vers sublime d'Apollinaire" Tu pleureras l'heure où tu pleures".
Moi j'ai aimé lire ce livre et je n'ai pas rencontré une seule fois un Calimero (clin d'oeil à Block).
J'ai plutôt rencontré un être fragile et fragilisé, tantôt Eddy, tantôt Édouard.
Et j'ai été impressionnée par cette volonté chevillée au corps et au coeur, d'un petit bonhomme devenant enfin grand.
J en suis heureuse pour lui.
Il le mérite.
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magnifique, fort, bouleversant. l histoire d une resiliance d une volonté hors du commun. comme toujours avec Édouard son écriture est parfaite on est littéralement dans sa peau on vit ses nuits et ses jours, on est dans sa tête dans son coeur. j ai lu ce livre dbune traité et je regrette que ce soit déjà terminé. !
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En 2014 Edouard Louis faisait une entrée fracassante dans le monde littéraire avec son premier ouvrage autobiographique En finir avec Eddy Bellegueule. Il y crachait toute sa hargne refoulée. "De mon enfance je n'ai aucun souvenir heureux" écrivait-il dès la première page.

Presque huit ans plus tard il revient sur son incroyable odyssée, sur ses métamorphoses successives qui l'ont mené à la célébrité. L'auteur a muri et prend ici du recul pour raconter son enfance brisée, faite d'humiliations constantes dans un milieu d'extrême pauvreté et d'inculture dans un petit village de Picardie. Il raconte avec beaucoup de réalisme son parcours, son combat de tous les jours à partir de ses quatorze ans et son entrée au lycée d'Amiens, pour changer radicalement, renier sa famille et parvenir à s'élever dans la société. Les hasards de la vie et de nombreuses rencontres vont l'y aider comme par exemple son amie Elena puis le philosophe Didier Eribon. Dans ces périodes de transition, on sent chez Edouard Louis une détermination absolue, comme une obsession de transformation, ce qui ne le rend pas forcément sympathique. Il "profite" des conseils, des situations et des largesses qui lui sont offertes pour franchir de nouveaux paliers et assouvir ses ambitions de réussite et de célébrité. Mais une volonté à toute épreuve beaucoup d'efforts et de chemins parcourus pour prendre sa revanche sur son passé miséreux et arriver à ce qu'il est aujourd'hui.

Pourtant, au sommet de cette ascension sociale, l'auteur ressent comme un trouble, "la honte d'avoir eu honte" de sa famille et de l'avoir reniée voire blessée. Dans une scène bouleversante, il décrit une violente dispute avec sa mère où les mots dépassent (?) sa pensée "Arrête, arrête de me taper putain. T'es vraiment qu'une putain d'espère de folle, et je criais, je te déteste, je ne veux pas que tu sois ma mère..." Des mots douloureux que l'on regrette sûrement après coup.

Edouard Louis éprouve ici le besoin d'effectuer un retour sur lui-même. Après avoir longtemps effacé petit à petit les traces de son passé, certains souvenirs de son enfance lui reviennent en mémoire. "Je ne suis pas nostalgique de la pauvreté, mais des odeurs et des images". Lui qui a connu la misère, la classe moyenne et enfin les hautes sphères de la société, l'aristocratie qui "va dépenser en une soirée ce que son père manoeuvre ou balayeur gagnera en une année" ne peut que s'insurger sur l'injustice sociale, les origines qui malgré soi déterminent tout une vie.

Changer : méthode est une sorte de "manuel" dans lequel l'auteur se livre de façon très personnelle et raconte son odyssée sans complaisance. Il est prenant, bien écrit, utilisant toujours les mots justes. C'est un ouvrage intimiste bien sûr mais aussi puissant et politique.

#Challenge illimité des Départements français en lectures (80 - Somme)


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Édouard Louis est ce que l'on appelle communément un « transfuge de classe » : né dans une famille très pauvre du nord de la France, il parvient à s'extraire de son milieu grâce à l'école. En effet, pour suivre une option théâtre qui n'est pas enseignée dans le lycée le plus proche de son domicile, il doit quitter la maison et devenir pensionnaire, ce qui l'a « sauvé », serais-je tentée d'écrire. Il rencontre alors Elena, une jeune fille de bonne famille qui lui fait découvrir la façon dont on vit chez les bourgeois. Il s'imprégnera de tous les mots qu'elle prononce, imitera ses moindres gestes, retiendra le plus petit conseil. Avide de s'éloigner de ce milieu dans lequel il ne se reconnaît pas, il amorce une métamorphose acharnée et volontaire qu'il poursuivra longtemps jusqu'à l'ultime perfection. Tout son être sera ainsi soumis à une révision : il lui faudra mesurer ses gestes, se tenir correctement à table, parler moins et moins fort, manger mieux, plus léger, plus sain, s'habiller, marcher, rire autrement… le corps aussi devra passer à la moulinette de l'embourgeoisement : les dents d'abord qui devront être alignées, les cheveux dont il faudra redessiner l'implantation… Quant à l'esprit, autant dire que tout est à construire : il faut avaler Derrida et tous les autres, forcer si ça ne rentre pas, mettre le paquet, lire et relire, inlassablement… le concours de l'ENS réussi, on entre alors dans la cour des Grands. On a les codes, le pass, le sésame ouvre-toi…
Comme l'indique le titre, le changement est méthodique, systématique, organisé, discipliné, minutieux, volontaire, obstiné. Un travail de chaque instant.
Jusqu'au nom. Eddy Bellegueule n'est plus. Vive Édouard Louis.
« Changer : méthode » est un récit fascinant et terrible. Fascinant parce qu'il montre à quel point nous ne sommes que constructions, produits de notre milieu, de là où l'on vient. Terrible parce que finalement, on a beau tout changer, devenir un autre, s'éloigner le plus possible de notre point de départ, il semble que quelque chose (des racines peut-être ?) nous retienne à jamais prisonniers de nos origines…
Un texte essentiel, extrêmement fort et très touchant : le portrait d'un homme qui mesure l'écart entre ce qu'il était et ce qu'il est devenu : un étranger à lui-même et dans le fond, un être malheureux.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Calimero a encore frappé !
Sa méthode a peut-être réussi à le faire changer, elle a certainement réussi à l'enrichir.
Il donne des conférences à l'étranger, on adapterait une de ses oeuvres à la télévision, on ne sait quoi encore.
Et il a parfaitement réussi son intégration dans le petit milieu intellectuel parisien qui fait et défait les réputations.
Une belle carrière l'attend. Et si vous ne l'aimez pas, c'est par mépris de classe, comme dit la nouvelle gauche qui est la première à mépriser le prolétariat qu'elle a abandonné au profit d'un conglomérat de minorités, et à le stigmatiser parce qu'il vote mal.
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A presque trente ans, Édouard Louis en a peut-être fini avec cette rage de changer, de quitter, de fuir qui l'obsède dès qu'il a pris conscience de sa différence et qu'elle la rejette

Le récit autobiographique, Changer : méthode, témoigne de blessures qui forcent l'enfant puis le jeune adulte à refuser son statut social et le détermine à tout tenter pour le quitter et pour s'en construire littéralement un autre en imitant les caractéristiques de chaque classe sociale qu'il a fréquentée. Puis, enfin, arrivée dans les palaces cinq étoiles, avec des voyages dans le monde entier, Édouard Louis comprend combien son ambition est vaine puisqu'il n'est que ce qu'il est !

Car dans Changer : méthode, Édouard Louis explique toute la honte qu'il a ressenti vis à vis de son milieu social. Mais cette honte dirigée vers ses parents est en fait celle qu'il ne pouvait diriger vers lui-même sans se perdre complétement. La scène du dentiste, ou d'autres, sont édifiantes de ce corps, malgré tous les maquillages dont on le pare, qui témoigne de ses origines sociales.

Depuis qu'il écrit, Édouard Louis ne cesse de dénoncer la violence de classe. Celle qui assigne à la place que la société a donné une fois pour toute. Et, il a eu beau tenter d'imiter la démarche, la voix, le vocabulaire, et même la façon de respirer, il reste à jamais ce petit gars de son village de Picardie obligé par sa mère d'aller à l'épicerie quémander la nourriture avec la promesse de payer bientôt !

La société s'entiche d'un nouveau terme : transfuge de classe ! Je refuse cette expression ! Elle révèle la condescendance du milieu accueillant l'autre comme un déserteur, un mystificateur qui ose prétendre à changer de classe sociale. Exactement, ce que sous-entend Édouard Louis dans Changer : méthode !
Un récit à découvrir !

Avec ce récit de fuite pour vivre, Édouard Louis décrit la honte de sa sexualité, sa quête pour la découvrir et même son utilisation pour en vivre. Terrible est cette expérience dès le plus jeune âge où il faut cacher ses penchants, se faire violence et même accepter le rejet qui murit une rage à la hauteur de l'affront.

Ce récit est à découvrir tant est bouleversant et émouvant la parole d'un fils à son père qui comprend au fil des pages combien cette quête était à la fois aussi indispensable à sa survie qu'elle reste vaine ! Pourtant, c'est grâce à celle-ci qu' Édouard Louis a la capacité de transformer sa colère en littérature ! Une voix que j'aime toujours retrouver à chaque fois avec autant de plaisir !

https://vagabondageautourdesoi.com/2021/10/21/edouard-louis/
Lien : https://vagabondageautourdes..
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Edouard Louis n'en a toujours pas fini avec Eddy Bellegueule, et depuis Qui a tué mon père, avec la forme de l'adresse à son père (double énonciation dont le lecteur est le vrai destinataire) non plus. L'auteur reprend des pans un peu elliptiques de ces précédents récits, les "angles morts" qui méritaient d'être connus et compris dans leur détail, par exemple le rôle qu'Elena, la camarade de classe-amoureuse du Lycée, et sa famille, ont joué dans la transfugue (je crois que le mot n'existe pas et je l'espère presque) sociale opérée frénétiquement par le jeune homme incompris. C'est à travers différentes "adoptions" et modèles issus de classes sociales plus élevées (ses camarades de classe au Lycée et leurs familles, puis des mentors ou des amants) et/ou ayant fait des études, que l'auteur s'est construit un intérieur et un extérieur adéquats pour un autre destin.

Dans Qui a tué mon père, l'auteur posait la thèse que c'est son homosexualité comme copie d'un comportement féminin (soumission, obligation d'être avenant, de prendre sur soi) habituellement propice à la discipline scolaire, qui expliquait sa réussite dans les études. On pouvait trouver cela un peu rapide (et le contre-exemple de l'échec de sa mère dans l'enfance, ainsi que des autres femmes du village) mais ce volume approfondit et achève de me convaincre. Pour fuir le rejet dans la cour de récréation, voire les persécutions, le refuge du jeune garçon va être le CDI (où il ne lit pas tout de suite mais parle avec la documentaliste, cultivée, engagée) puis la bibliothèque du village avec une bibliothécaire de même profil. Puis "la grande ville", puis Paris.

Le fil conducteur du roman, son leitmotiv, est un sentiment de culpabilité ; au sommet de la gloire, comment tout remettre en question, quand on ne ressent qu'amère satisfaction ? Considérer les étapes pour des trahisons, les adjuvants abandonnés pour des victimes et plaider la pulsion ambitieuse irrépressible. Vis-à-vis de son père, l'affirmation parfois désespérée, qu'il fallait le fuir, ne surtout pas lui ressembler, une réaction phobique avec tout ce que cela implique de déplaisant pour celui qui comprend qu'il en est l'objet, surtout. Un livre de Natacha Calestrémé m'a révélé que nos blessures (de rejet, d'humiliation...) nous rendaient susceptibles d'infliger les mêmes aux autres... Cette autobiographie illustre aussi cela. Me souvenant que le père de l'auteur s'est mis à lire les livres de son fils et à les offrir, je me dis que, même si probablement il y a plus que l'exploitation d'une matière à succès, l'urgence de reprendre ou plutôt de construire une communication qui n'a jamais pu avoir lieu avec son père, je ne vois pas comment le père en question ne pourrait pas être personnellement blessé par cette lecture même en étant assez intelligent pour comprendre qu'il s'agit paradoxalement d'amour et d'une tentative de réparation du lien. L'auteur ne se fait pourtant pas de cadeaux, on sent souvent une honte terrible d'avoir les apparences contre lui, d'avoir seulement le crédit de son propre déni.
Cf. suite de la note de lecture sur mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..
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