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Critique de 5Arabella


Le sujet est connu, le titre parle de lui-même. Un voyageur français en Espagne croise une femme, et un homme lui raconte leur passion commune. Passion qui lui a fait connaître toutes les humiliations, toutes les cruautés, frustrations et jalousies, dispensées par une femme, Concha, qui semblait ne prendre plaisir qu'à le faire souffrir de toutes les manières imaginables, sans qu'il puisse sans détacher. Avant de trouver peut être la clé lui permettant de s'en faire aimer.

Une sorte d'histoire où le chemin de l'amour et du plaisir est la souffrance, morale et psychologique pour Mateo, physique pour Concha. C'est un peu l'époque dans laquelle ce genre de récits, femme fatale tirant plaisir de la souffrance et l'humiliation de son partenaire, fleurissent, comme L'esprit de la terre de Wedekind ou le professeur Unrat d'Henrich Mann, qui seront repris un peu plus tard par le cinéma, et immortalisés par Louise Brooks et Marlène Dietrich (qui joua aussi dans l'adaptation de la femme et le pantin de Sternberg). Même si l'image de la femme dangereuse et destructrice, jouant de ses charmes pour mieux annihiler l'homme, semble présente depuis que l'humanité existe (rien que dans la Bible, on en trouve pléthore, on peut citer Judith et salomé, cette dernière étant d'ailleurs reprise par Oscar Wilde, à peine cinq ans avant la parution de la femme et le pantin), la charnière fin du XIXe et le début du XXe siècle semble avoir particulièrement développé cette thématique.

Une thématique interrogeante si on la replace dans une réalité sociale, historique ou même actuelle, dans laquelle ce sont les femmes qui sont infiniment plus victimes des violences, dominations ou sujétions de tout ordre de la part des hommes. Et pourtant l'image de la femme forte, dominatrice et dangereuse, hante, ou fait fantasmer l'imaginaire masculin.

La femme et le pantin propose un cadre très intéressant à cette question. Mateo est un homme, à l'aise sur le plan matériel, sans doute instruit, visiblement dans une position sociale privilégiée qui lui permet de ne pas travailler, de voyager à sa guise, de satisfaire ses envies. Concha est une toute jeune fille, pauvre, en bas de l'échelle, qui n'a pas du vraiment fréquenter les écoles. La scène de la manufacture où elle travaille à un moment est peut être la plus forte pour poser l'opposition entre eux. Toutes ces femmes, à la fois soumises aux contraintes d'un travail difficile et mal payé, et en quelque sorte offertes comme des objets aux désirs masculins, enfin aux désirs de ceux qui sont suffisamment riches et reconnus pour pouvoir pénétrer dans ce lieu, regarder et éventuellement faire leur choix. Et pourtant c'est Concha qui va mener le jeu.

Le roman de Pierre Louÿs se distingue peut être quelque part par une absence de fin tragique, Mateo ne peut se passer de Concha et elle ne peut se passer de lui. Simplement ils ont un fonctionnement que n'est pas celui que la plupart des gens vont adopter. Mais quelque part, ils trouvent une manière d'équilibre, tout en ruptures et violences, faisant intervenir d'autres protagonistes, pour Mateo en récusant le plaisir qu'il en tire (Concha est au final moins hypocrite).

Intéressant et vraiment bien écrit, d'une façon très ramassée, sans superflu.
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