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Critique de belcantoeu


Auteur aussi des Chansons de Bilitis, Pierre Louÿs (1870-1925), nous livre ici, en 1898, un roman qui rappelle fort Carmen de Mérimée («Si tu m'aimes prends garde à toi»), porté à l'opéra par Bizet, tandis que La Femme et le pantin l'a été par Zandonai (Conchita, 1911) et a aussi été porté plusieurs fois à l'écran, notamment avec Brigitte Bardot. le rapprochement avec Carmen vient très vite: «Il est deux sortes de femmes qu'il ne faut connaitre à aucun prix: d'abord celles qui ne vous aiment pas, et ensuite celles qui vous aiment». À l'époque, l'Espagne est vue comme le pays des passions et des excès. Ainsi, on parle d'une jeune «honnête femme. Elle n'a pas eu plus de quatre ou cinq amants. À l'époque où nous vivons, c'est une chasteté».
Comme pour Carmen, la scène se passe à Séville, pendant le carnaval, et on y entend l'accent andalou (Muchisima grasia, cavayero). Une jeune fille, Concha, a tapé dans l'oeil d'un Français, André Sévenol, et elle lui a donné rendez-vous le lendemain. Il se renseigne à son sujet auprès de Mateo Diaz, qui ne la connait que trop bien, et lui donne le conseil de la fuir, et de toutes façons, «Il ne faut jamais aller au premier rendez-vous que donne une femme – Et pourquoi ? - Parce qu'elle n'y vient pas».
Comme Carmen, Concha, travaille à la fabrique de cigares. C'est l'été, il fait torride. «Les plus vêtues n'avaient que leur chemise autour du corps (c'étaient les prudes). Presque toutes travaillaient torse nu... Il y avait de tout dans cette foule, excepté des vierges probablement».
Mateo raconte donc à André que chaque fois, elle se promet et le provoque, et chaque fois, quand il espère enfin atteindre au but, la réponse est «Plus tard» ou «Après demain», ou encore «Ouvre (mon corsage). Tu verras comme je suis belle. Si je le lui avais demandé, elle ne l'eût sans doute pas permis, car je commençais à douter que cette nuit d'entretiens s'achevât jamais en nuit d'amour... Les seins que j'avais mis à nu en ouvrant ce corsage, étaient des fruits de Terre Promise». Elle lui demande si elle lui plait, mais le scénario se reproduit: «Non, tout à l'heure... Et elle referma son corsage... À demain».
Lors d'un autre rendez-vous, «elle se déshabilla... je me persuadais que cette jeune peau rebelle allait enfin se livrer – Eh bien, ai-je tenu ma promesse ? dit-elle... Cette fois-ci encore, je fus ridicule et joué... – Alors, ce n'est pas moi que tu aimes, mais ce que je te refuse?... Une promesse, c'est tout ce que j'obtins d'elle... Voilà donc le degré de servitude où cette enfant m'avait amené (je passe sur les perpétuelles demandes d'argent auxquelles je cédais toujours)».
Nouvelle promesse encore, mais «comme elle avait reçu de moi la veille une somme de mille douros pour payer les dettes de sa mère, je trouvai la maison vide».
C'en est trop. Il part «pour Madrid, décidé à prendre pour maitresse, au hasard, la première femme qui attirerait mes yeux. C'est le stratagème classique, celui que tout le monde invente et qui ne réussit jamais... Elle fit de son mieux. Elle était affectueuse. Elle m'apprit des vices de Naples dont je n'avais nulle habitude et qui lui plaisaient plus qu'à moi... mais je n'éprouvais rien pour elle».
Il revient à Séville et la retrouve danseuse nue de flamenco dans un salon particulier. Fureur. Jalousie. «Après ce qui s'était passé, je n'avais que trois partis à prendre : la quitter, la forcer, ou la tuer. Je pris le quatrième, qui était de la subir».
Nouvelle promesse, ferme cette fois. En échange, il lui offre un hôtel privé qu'elle décore amoureusement pour abriter leurs amours futurs, mais quand il arrive, elle lui fait baiser ses pieds à travers la grille qui reste fermée, «et maintenant, allez-vous-en». On aperçoit Morenito, qu'elle dit être son amant. «Jamais, je ne serai à toi... Je te hais». Cette fois, c'est est trop. Il la retrouve, la frappe encore et encore, et elle répond finalement «Tu m'aimes donc tellement ? Pardon Mateo, je t'aime aussi... Que tu m'as bien battue. Que c'était bon. Pardon pour tout ce que je t'ai fait». Elle s'offre enfin: «Et en effet, Monsieur – dit Matteo à André Stévenol – elle était vierge». Mais un matin, elle a disparu et n'a laissé qu'une lettre.
«Je me suis levée pendant ton sommeil et j'ai été retrouver mon amant, hôtel X., chambre 6. Tu peux me tuer là si tu veux, la serrure restera ouverte. Je prolongerai ma nuit d'amour jusqu'à la fin de la matinée. Viens donc. J'aurai peut-être la chance que tu me voies pendant une étreinte. Je t'adore. Concha».
Il s'y rend. Il la reprend, mais les querelles se multiplient. Il s'en va, la vie brisée, et met André Stévenol en garde contre elle, mais celui-ci est envoûté de même. Il rentre chez lui. Concha le hèle et l'emmène dans une maison. «Ils dormirent». André l'emmène à Paris. Il sut plus tard que Mateo lui avait écrit : «Je te pardonne... Reviens... Je baise tes pieds nus. Mateo». Voilà, ce n'est qu'un résumé, mais le tout le roman en vaut la peine.
Le titre du roman fait allusion à une toile de Goya au Musée du Prado, où l'on voit quatre femmes tendre un châle par les quatre bouts, et y faire sauter en riant un pantin grand comme un homme.
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