Howard Philip
Lovecraft est au même titre que
Tolkien sur la Fantasy, l'inventeur d'un genre imaginaire, d'un univers visuels et thématique. Si le fantastique existe avant
lui, la création d'un Mythe moderne et surtout son influence sur des générations "d'imaginateurs" (cinéastes, illustrateurs, musiciens, écrivains,...) est proprement sidérante et dépasse de très loin la portée propre de ses écrits. C'est bien le pouvoir d'évocation de ses textes qui a fasciné et continue de fasciner ces créateurs qui pour certains ont digéré
le Mythe de Cthulhu pour en accoucher autre chose. le fait que
Lovecraft n'ait jamais été adapté au cinéma autrement que par des nanar est illustratif: il y a tellement de
Lovecraft dans une multitude d'oeuvres que les auteurs doivent se sentir à la fois incapables d'une adaptation "officielle" maisdoivent aussi se demander s'il y a toujours lieu d'une telle adaptation. Comme le fait d'adapter encore la légende arthurienne peut interroger, un univers passé dans l'imaginaire culturel commun n'a plus forcément de raison d'être.
En BD les auteurs directement influencés par
Lovecraft sont impressionnants: je citerais Lauffray, Ledroit, Bec, Sorel, mais aussi une bonne partie des auteurs américains ayant bossé sur Batman (Gotham, Arkham et son bestiaire rappellent évidemment les thèmes de la folie et du passé enfouis),... Un Godzilla comme un King Kong peuvent être vus comme les enfants de Cthulhu et a peu près tous les réalisateurs fantastiques ont l'univers de
Lovecraft en livres de chevet.
La parution chez Bragelone d'une version illustrée et très grand format de la nouvelle initiale "
L'appel de Cthulhu" est l'occasion rêvée pour tous les amateurs de fantastique de retourner aux sources, au matériau d'origine. La préface de
John Howe (
lui-même créateur avec
Alan Lee de l'univers visuel du Seigneur des Anneaux, totalement intégré aux films de
Peter Jackson) explique parfaitement le pouvoir visuel de ces textes et l'appréciation idéale de
François Baranger de ce qu'est le fantastique: improbable, indicible, le Mythe doit rester tapis, esquissé, lointain et nappé de voiles. Les dimensions colossales des lieux et créatures du Mythe ne peuvent être appréhendés dans leur entièreté, comme
Lovecraft rappelle sans cesse l'impossibilité de l'homme à cohabiter avec ces forces primaires.
Ainsi, si le texte (relativement court, environ 18 pages sans les images) pourra faire sourire par le style redondant et insistant d'un vocabulaire de l'impossible et incommensurable, il n'en demeure pas moins très puissant dans son côté épique et archétypal. Et c'est là que les illustrations de
Baranger viennent produire un effet démultiplicateur, par leur qualité graphique d'abord (les allergiques à la peinture numérique risque néanmoins d'être frustrés), par leur puissance brute ensuite. L'illustrateur a travaillé comme designer pour le cinéma (l'Attaque des Titans avec le fameux Kraken, les films de
Christophe Gans, Harry Potter et pas mal de blockbusters du jeu vidéo) et cela se voit dans les cadrages extrêmement cinématographiques des images pleine page. le format est très confortable et permet d'apprécier la démesure du Grand Ancien et des structures cyclopéennes dont il sort. Accompagnant le texte sur les premiers chapitres, l'image prends le dessus ensuite en vous transportant littéralement dans un film sur grand écran et laissant imaginer ce qu'un
Guillermo del Toro aurait produit sur son projet des Montagnes Hallucinées avec Tom Cruise et en imaginant ce que ses Kaiju de Pacific Rim ou le Godzilla de
Gareth Edwards aurait été dans l'univers de
Lovecraft.
La force de ce Mythe est de convoquer autant l'aventure dans des terres inconnues à la Indiana Jones que la hantise du fantastique caché et de la conspiration mondiale. Cet ouvrage est vraiment magnifique, de qualité et je ne saurais que le conseiller pour un shoot d'imaginaire pur.
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