Ce qu'il y a de pire quand on détient les souvenirs, ce n'est pas la douleur. C'est la solitude dans laquelle on se trouve. Les souvenirs sont fait pour être partagés.
La vue de cet enfant lui rappelait soudain que les yeux pâles n’étaient pas seulement une rareté, mais qu’ils donnaient aussi à celui qui les avait un air (…) profond (…) ; comme si l’on regardait dans l’eau limpide d’une rivière, jusqu’au fond, là où gisaient peut-être des choses qui n’avaient pas encore été découvertes.
- Le contrôle climatique. La neige rendait les cultures difficiles, elle limitait les - périodes agricoles. Et l irrégularité du temps rendait parfois les transports impossibles. Ce n était pas pratique et c'est tombé en désuétude quand nous en sommes venus à l Identique. Et les montagnes aussi, ajouta t il. Elles rendaient les transports peu commodes. Les camions, les bus, ça les ralentissait. Et donc...
Il agita la main, comme si c était un geste de ce type qui avait entraîné la disparition des montagnes
- L Identique, conclut il. (P.140)
Il ne savait pas ce que signifiait sa sélection. Il ne savait pas ce qu'on attendait de lui.
Ou ce qui l'attendait.
Le passeur l'attrapa fermement par les épaules. Jonas se tut et le regarda.
- Écoute-moi, Jonas. Ils n'y peuvent rien. Ils n'y connaissent rien.
- Vous me l'avez déjà dit une fois.
- Je te l'ai dis parce que c'est vrai. C'est leur façon de vivre. C'est la vie qu'on leur a fabriquée. C'est la vie que tu mènerais si tu n'avais pas été choisi pour être mon successeur.
- Mais il m'a menti, reprit Jonas en pleurant.
- C'est ce qu'on lui a appris, il ne connait rien d'autre.
Il se mettait souvent en colère maintenant ; une colère irrationnelle contre ses camarades de groupe parce qu'ils se satisfaisaient de leurs vies qui n'avaient rien de l'intensité que la sienne était en train de connaître. Et il était en colère contre lui-même de ne rien pouvoir pour eux.
- Si tout est pareil, on n'a plus le choix. Je veux pouvoir me lever le matin et faire des choix. Une tunique bleue ou une tunique rouge ?
- Mais je les veux ! dit Jonas en colère. Ce n’est pas juste que rien n’ait de couleur ! - Pas juste ? Le passeur regarda Jonas avec curiosité. - Explique-moi ce que tu veux dire. - Eh bien … Jonas dut s’arrêter pour réfléchir à la question. - Si tout est pareil, on n’a plus le choix. Je veux pouvoir me lever le matin et faire des choix. Une tunique bleue ou une tunique rouge ? Il baissa les yeux sur le tissu terne de son habit. - Mais c’est toujours la même chose.
La plupart des gens qui formaient les équipes de nuit n'avaient pas de conjoint parce qu'il leur manquait aussi la capacité fondamentale de communiquer avec les autres, capacité requise pour pouvoir créer une cellule familiale.
Un jour, lorsqu'il était un quatre ans, il avait dit, juste avant le repas de midi de l'école : "Je meurs de faim."
On l'avait immédiatement pris à part pour un petit entretien en précision du langage.
Il ne mourrait pas de faim, n'était jamais mort de faim et ne mourrait jamais de faim dans la communauté. Dire qu'il mourrait de faim était un mensonge. Un mensonge involontaire, bien sûr. Mais la précision du langage permettait de s'assurer que personne ne dise jamais de mensonges involontaires.