Vade retro dessin satanique et colorisation illicite, s'écrieront les fidèles d'une conviction plus traditionnelle. Alléluia hurleront les brebis égarées, gambadant de préférence en dehors des sentiers battus et n'hésitant jamais à croquer les pommes scintillantes qui se présentent à eux. Peu importe finalement car, l'homme ayant déjà maintes fois prouvé sa capacité à s'adapter à tous genres d'environnements hostiles, le lecteur persévérant finira finalement par prendre goût au fruit défendu et par se sentir chez lui au sein de ce graphisme post-apocalyptique. Bienvenue en enfer !
Si le dessin aux visages peu détaillés, à la colorisation assez brute et au trait dynamique de Mako rebutera certainement de nombreux lecteurs, il colle cependant plutôt bien au scénario et permet assurément au jeune dessinateur de sortir du lot pour son premier album.
Wilfrid Lupano ("Alim le tanneur", "L'ivresse des fantômes" et "
Célestin gobe-la-lune" chez Delcourt) livre un scénario légèrement trop confus, à l'image de ce monde futuriste à l'agonie qu'il pose sans véritable introduction. Cependant, tout comme "James Dieu" ou "Preacher", le récit va utiliser la religion comme source d'inspiration afin de livrer une satire efficace au sein d'un univers totalement décalé. Sur fond de violence et d'humour, les deux protagonistes principaux, le père Bruno et son compagnon au nom prédestiné (Angel), oeuvrent à faire reculer les ténèbres en essayant d'éduquer cette communauté de profanes. Armé de bien plus que sa foi et distribuant des pains non-figurés à l'image du Messie, le duo amusant n'hésite pas à emballer la parole divine dans une avalanche d'insultes ou à envoyer les mécréants les plus coriaces directement ad patres.
Ce premier tome à la narration efficace et prolongeant le délire jusque sur la page de garde aura pour mission de trouver suffisamment de fidèles pour venir communier avec cette série prévue normalement en trois tomes.