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Critique de micetmac


Nan ! La fantasy n'est pas forcément aussi palpitante qu'une après midi télévisuelle devant Public Sénat.
Nan ! La fantasy ce ne sont pas fatalement des personnages tout d'un bloc, sans nuances : l'elfe est hautain et outrageusement beau, le nain est petit et paillard, le sorcier est vieux et pontifiant...
Nan ! La fantasy ce n'est pas obligatoirement Tolkien.

Dans la ville de Camorr, les « Gens Biens », les criminels de la ville, sont sous la protection du capa Barsavi qui fait figure de parrain.
Les Salauds Gentilshommes, une petite bande dirigée d'abord par Chains, puis par Locke Lamora (surnommé la Ronce de Camorr), s'attaque aux plus grosses proies, les nobles, en les escroquant, malgré la paix secrète normalement en vigueur entre le capa et le duc de Camorr.
On découvre alors comment Locke et ses amis vont être plongés, après l'arrivée en ville du Roi Gris, mystérieux assassin de voleurs, dans une sombre aventure…

Oui ! On est là bien loin de ce brave vieux John Ronald Ruel.
Si l'on devait convoquer les mânes d'un glorieux ancêtre Alexandre Dumas f'rait bien la jointure. Car cette trilogie dégage un furieux fumet de capes et épées, estoc et botte secrète ; alors même que son principal protagoniste est un bien piètre bretteur.
Là ou Papy Tolkien s'attarde (bien trop) sur la description de son monstre monde, Scott Lynch le survole tout en apportant ci et là quelques touches de couleurs pour finir par composer un tableau, d'abord impressionniste pour finir réaliste.
Le premier tome se déroule à Camorr, principale ville de cet univers fantastique qui nous épargne (pour l'instant) le bestiaire obligé de la Fantasy tradi... Ce ne sont là que des bipèdes hominidés qui se débattent dans une violence quotidienne, où la mortalité avoisine celle d'un Afro-Américain égaré en un relais routier du fin fond de l'Alabama.
Nos compères, les Salauds Gentilshommes, s'attaquent à la Noblesse la plus fortunée. On pourrait les définir comme des mi-Robin Hood. Ils prennent aux riches ok mais ignorent soigneusement la seconde partie du slogan de campagne : ils ne refilent rien aux pauvres. Pour le rêve marxiste du grand soir de la redistribution, on repassera.
Cette escouade d'escrocs charmants et bondissants sont menés par Locke Lamora. Personnage génial, contradictoire, tout à la fois profondément agaçant par son égocentrisme forcené, déroutant par son intelligence aiguë et son sens de l'improvisation proprement prodigieux et attachant par sa conscience qui vient le tarauder et finit par lui faire revêtir le costume inconfortable du sauveur malgré lui...
C'est la récurrence de ce livre : les arnaques sophistiquées, inventives, échevelées de Locke se trouvent toujours compromises par des événements extérieures qui vont le mettre en fâcheuse posture...
Locke n'est pas le seul dans ces mésaventures. Il est impeccablement secondé par son frère de larcin Jean Tannen, colosse ventru expert en close combat, une sorte de Frère Tuck en mode ninja. Désarmant de gentillesse mais n'omettant jamais de réduire des os en poudre quand le sens du business bien compris l'exige.
Le soin apporté à ces deux personnages est le gros gros plus de cette cavalcade trépidante imaginée par Scott Lynch. Plus que les rebondissements légions, plus que la structure narrative maligne mêlant présent et flash-back dans un mouvement incessant, ce sont le devenir, les joies et les peines de nos deux compères qui nous cadenassent aux pages des ces trois pavés juteux.
Et la plume ! "Par les couilles desséchées du Gardien Véreux !" alerte, crue, avec une science du dialogue hilarant...
Cette première trilogie (d'autres doivent suivre ) fait irrésistiblement songer au phénoménal GAGNER LA GUERRE de Jean Philippe Jaworski pour ce côté spadassin épée au fourreau, ce sens du tempo, ce même univers merveilleux et glauque tout à la fois, étrangement et immédiatement accessible
Mais là où le Don Buenovito se distinguait par son adresse à la rapière et son aptitude à pourfendre ses adversaires, Locke et Jean s'extirpent de la bouse calamiteuse dans laquelle ils ne manquent jamais de patauger jusqu'aux chausses, par leur seule ingéniosité.
Si vous souhaitez voir l'intelligence triompher de la force brute...
Si si vous pensez qu'une morale, certes élastique et aléatoire, a quand même le mérite d'exister face à la totale absence d'un quelconque scrupule infinitésimal...
Si vous n'aviez aucune idée de ce que pourrait donner Arsène Lupin en cape de velours dans une Venise fantasmée...
Si vous aimez entendre souffler le vent de l'aventure, trembler et rire parfois.
Ces SALAUDS GENTILSHOMMES sont fait pour vous.
Ou je vous rembourse...
Avec votre propre argent que je vous aurai subtilisé préalablement.
'Évidemment...

Lien : https://micmacbibliotheque.b..
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