Existe-t-il une frontière entre l'imaginaire et le réel ?
Je laisse donc mon amour parler. Je pose mes paumes sur les siennes, séparées par la vitre en verre, et lui adresse un sourire, comme pour la réconforter. Puis, lentement pour qu’elle comprenne, alors que le gaz anesthésiant se répand dans mon cercueil, je murmure:
-Même loin des yeux, toujours près du cœur. Je t’aime Killy. À dans dix ans.
Je fais mine de réfléchir alors que mon cerveau est aussi vide que la coquille d'une huître qu'on vient de gober.
- Même loin des yeux, toujours près du cœur.
Je regarde cet homme qui ne me laisse décidément pas insensible un instant à lui dire ce que j'ai sur le cœur. Mais je sais pertinemment que ce serait égoïste de ma part, que je dois garder tout cela pour moi... Pour l'instant. Je sais que ces mots qui flottent entre nous sont partagés, mais qu'ils doivent rester silencieux.
- [...] C'est fini maintenant, plus personne ne te fera de mal.
Je prends mon café et lui souris.
- Je crois que tu te trompes. On n'a pas fini de me blesser, comme moi, je n'ai pas fini de faire souffrir les autres. Mais c'est la vie et on n'y peut rien. Tout ce que je veux, c'est avoir toutes les cartes en main.
Je me rends compte avec une certaine horreur que la femme que j'étais a été amoureuse de cet homme. Vraiment amoureuse. Et même si elle ne ressent plus que de la peur et du dégoût pour cet homme, les sentiments qu'elle a un jour éprouvés ne sont pas loin. C'est pour ça que j'ai l'air aussi convaincante. [...] Tout mon être est bouleversé. Je ne sais plus ce que je désire le plus au monde : qu'il meure ou qu'il me rende mon étreinte. Je m'aperçois malgré moi que ça m'avait manqué. Comme s'il était une drogue dure et dangereuse et que j'étais une junkie accro à sa dose quotidienne. C'est ça, l'amour ?
Je n'ose pas ouvrir les yeux ni me déboucher les oreilles pour autant. Je me sens plus en sécurité dans ma bulle d'ignorance.
- Je vous l'avais dit, Sam.
Il s'arrête et se retourne vers moi, furieux.
- Dit quoi ?
- C'est facile d'entendre, ça l'est moins d'écouter. Quant à comprendre, c'est rare qu'on y arrive. Je ne m'attendais pas à ce que vous acceptiez la situation un sourire aux lèvres. Mais j'espérais au moins que vous compatiriez.
- [...] Je ne suis pas né de la dernière pluie.
Non, tu n'es pas né du tout, d'ailleurs.