AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de 5Arabella


Ce livre est une sorte de road moavie. le personnage principal, Yasin ressemble par certains aspects à l'auteur, il est issu comme lui d'un couple mixte, père soudanais et mère anglaise. Il a vécu son enfance au Soudan et fait ses études en Grande-Bretagne, il s'y est marié, il a un fils. Il travaille comme journaliste littéraire à la radio, il a publié un roman. Nous le rencontrons au moment d'une grande crise dans sa vie. Son mariage traverse des moments difficiles, et au moment d'une réunion familiale au Danemark d'où sa famille est originaire, Hélène sa femme annonce publiquement son intention de divorcer. Elle demande à Yasin de prendre leur fils et de partir, pour lui permettre de retrouver ses racines et de réfléchir. Yasin va traverser une partie de l'Europe en voiture avec son fils Léo, avec comme destination peu claire au début, puis de plus en plus évidente au fur et à mesure, l'Espagne, d'où il a reçu il y a quelques mois une carte postale de son frère, qu'il n'a plus vu depuis un moment, et avec qui ses relations étaient devenues très conflictuelles. Ce voyage sera aussi pour lui une façon de se remémorer sa vie, son enfance au Soudan, son mariage, le décès de ses parents, sa vie professionnelle, son éloignement progressif de son frère et de sa soeur. Et aussi une occasion de se rapprocher de son fils, dont il sent qu'il risque de s'éloigner après le divorce. Yasin fait le bilan de sa vie, de ses choix, des valeurs qui ont mené sa vie, et aussi il fait le constat de l'état du monde, dont il est un observateur privilégié de par ses origines multiples.

J'ai été très séduite par ce roman, et par son personnage principal Yasin. Jamal Mahjoub nous fait le portrait d'un homme en pleine incertitude, qui se pose des questions sur lui et sur le monde dans lequel il vit. Il évoque son père, journaliste que s'est engagé pour l'indépendance de son pays, et qui ensuite s'est battu pour dénoncer la corruption et toutes les dérives du régime en place au Soudan, qui voulait faire de ses enfants des personnes cultivées et prêtes à défendre les mêmes valeurs que lui. Or son pays se trouve plongé de plus en plus dans le chaos, la dictature politique et l'intégrisme. Sa fille épouse le fils d'un riche homme d'affaires et devient ultra religieuse. Son plus jeune fils devient drogué et dealer. Et l'aîné Yasin, semble à ses yeux avoir gâché sa vie et toutes ses possibilités, avec un petit travail confortable et dépourvu d'ambition, très loin des urgences du monde. En fait le grand malheur de Yasin est d'être dépourvu de toutes les certitudes qui semblent guider les autres et donner sens à leur vie, la religion, la politique, l'appartenance à une groupe, qu'il faut défendre à tout prix. Il entrevoit toutes les illusions et les mensonges de tous les camps, et se retrouve seul.

Jamal Mahjoub soulève la plupart des questions brûlantes qui traversent notre société, celle de l'identité dans un monde de plus en plus mélangé, mais pas plus tolérant à l'autre pour autant. La question de la laïcité, de la place et du rôle de la religion, de la culture, de la démocratie et de l'évolution des pays du tiers monde.
Mais sans qu'à aucun moment cela ne devienne pesant ni ennuyeux, le voyage de Yasin est un voyage ouvert à l'aventure, à l'inconnu, au cocasse et à l'inattendu. Et s'il évoque un certain nombre de références comme Joseph Roth par exemple, il reste aussi sensible à un paysage, à une ambiance, aux sensations.

Un très beau voyage, d'où l'on sort un peu triste, un peu inquiet à l'idée du monde qui s'annonce, mais en même temps heureux d'avoir partagé toutes ces idées et toutes ces sensations de voyage. C'est le deuxième roman de l'auteur que je lis après le très beau le Télescope de Rachid, et j'ai bien intention de continuer à découvrir son univers.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}