AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de umezzu


Jean-Baptiste Malet propose un voyage autour du monde passionnant, autour d'un produit banal, présent dans toutes les cuisines : le concentré de tomate. La tomate cultivée à l'origine sur les contreforts andins de l'Amérique du Sud a été diffusée sur tous les continents. Dans notre imaginaire, elle est liée à la cuisine italienne, aux pizzas et aux sauces pour les pâtes. Un produit sain issu d'une production méditerranéenne ? Pas vraiment...

Précisons d'emblée que l'auteur ne s'intéresse qu'à la tomate industrielle. Un micro-secteur ? Pas du tout, cette industrie (car c'en est une) consiste en champs plantés en tomates sélectionnées pour résister aux chocs lors des récoltes mécaniques, transferts accélérés dans d'immenses usines où la peau est enlevée, la chair épépinée et chauffée pour obtenir un concentré, et même le plus souvent un triple concentré, pour diminuer les frais de transport. A partir de là, le concentré de tomate n'est plus qu'une matière première, vendue entre traders, distribuée partout dans le monde. Un marché de milliards de dollars. Plein de surprises… Oubliez l'Italie...

Le principal acheteur ? Heinz, une multinationale américaine, dont les fondateurs ont créé, avant même Henry Ford, le travail à chaîne dans de grandes usines. Une immense entreprise largement présente aux États-Unis et au Royaume-Uni à la fin du dix-neuvième devenue une machine marketing au vingt et unième siècle.

Le principal pays de production? La Californie, son soleil et ses usines de production géantes.

Le principal exportateur ? La Chine. Avec des milliers d'hectares cultivés dans le Xinjiang, ce territoire autonome, peuplé de Ouïghours, que la Chine a réduit à territoire de peuplement pour les Han. Pour assurer du travail à ces nouveaux arrivants, l'entreprise de l'armée, Chalkis, a favorisé les plantations, monté les premières usines, avec l'aide technologique des Italiens, qui s'en mordront ultérieurement les doigts.

La principale zone de consommation ? L'Afrique. D'abord alimentée par des boites tricolores, vert, blanc, rouge, avec des noms italiens comme Gino. Les boites venaient effectivement jusqu'au début des années 2000 quasi exclusivement d'Italie du Sud, produites à partir de concentré chinois, dans le cadre du régime douanier de perfectionnement actif, permettant de ne pas payer de droits de douane. Puis les Chinois ont compris qu'ils pouvaient produire ces conserves chez eux, à moindre coût, et les vendre directement en Afrique.
Accessoirement, à la demande des distributeurs, ils pouvaient encore faire baisser les prix en ajoutant des additifs à la préparation. Les conserves de concentré de tomate sur les marchés africains contiennent souvent moins de 50 % de tomates… Les quelques usines locales qui existaient, notamment au Sénégal, n'ont pas survécu à ces pratiques.

Les concentrés et sauces tomates vendues par nos magasins sont-elles de meilleure qualité ? Pour la plupart elles sortent des mêmes usines du Mezzogiorno qui livraient et continuent de livrer l'Afrique. Des usines où on trouve parfois des concentrés noircis par le temps. Quant aux productions locales, la récolte est assurée par des immigrés, amenés dans les champs de production par camionnettes entières par des exploiteurs.
Existe t-il de la qualité ? Peut-être en Toscane, dans le bio, et dans le nord de l'Italie autour de Parme. Mais on parle là de produits incapables de lutter sur les prix.

Cet essai part d'une petite boite de conserve et devient un cours d'économie sur les conséquences de la mondialisation et de l'industrialisation. Au passage, la géopolitique est là au Xinjiang. La mafia traîne dans les couloirs des usines napolitaines. le reportage tient de la partie de cache-cache pour parvenir à découvrir les secrets de production.
Cet ouvrage est une totale réussite dans son genre (bien difficile à qualifier d'ailleurs).
Commenter  J’apprécie          225



Ont apprécié cette critique (19)voir plus




{* *}