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Critique de gerardmuller


Poésies/Stéphane Mallarmé/ Éditions Gallimard-Poésie
Comme le disait jean Paul Sartre, « avec les hommes et avec lui-même, mallarmé conserva toujours une imperceptible distance et c'est cette distance qu'il voulut exprimer dans ses vers. »
Toute sa vie durant, mallarmé a pratiqué le culte de la poésie tel une religion. Cette noble attitude, cette exigence exaltante et hautaine expliquent la vénération dont il fut entouré tel un saint ou même un martyr de la poésie.
Dans un premier temps Baudelaire fut une révélation pour le jeune mallarmé qu'il influença tout comme le fit Edgar Allan Poe, et auquel il inocula le spleen baudelairien avec son appel du large et son rêve d'un mystérieux ailleurs.
Plus tard ce spleen prit une couleur plus métaphysique, influencé qu'il fut par l'occultisme. Plus hermétique encore devint la composition du poète avec le temps, l'hyperbole prenant une place prédominante pour chercher l'essence des choses. Une démarche proche de l'existentialisme qui pense que l'existence précède l'essence.
Hélas il arrive d'aventure que cela débouche sur le néant ou le chaos. Ou alors s'interroge le poète, l'harmonie de l'univers est peut-être intraduisible, ce qui conduit à l'absence et le vide avec la répétition de mots tels que « abolir » ou « inanité » (Aboli bibelot d'inanité sonore) ! En prononçant ce vers célèbre, en vérité, mallarmé nous fait percevoir une traduction pour l'oreille tout en teintant la sonorité d'un certain mystère et d'un évident ésotérisme. C'est tout l'art de la poésie de mallarmé qui au fil du temps devient plus hermétique, plus précieuse au sens littéraire, plus raffinée et concise, riche de formules hiératiques, plus subtile et toujours plus éloignée du banal, en un mot plus insaisissable. On a pu dire que mallarmé, prêtre de la poésie, refusait au profane l'accès au temple !
La technique de mallarmé est parfaitement mise au point, avec une structure de la phrase revue et corrigée, avec une dislocation de cette phrase avec appositions et ellipses alternant avec les périphrases. le choix des mots, rares, vieillis ou sibyllins complète cet art de la traduction. Et bien sûr, la musique et le rythme de la phrase en regroupant les mots habilement placés pour induire une suggestion des sons, les rimes apposant le point d'orgue.
On a pu dire aussi qu'en se complaisant dans l'hermétisme, mallarmé s'était coupé du grand public. Chacun aura son avis. Pour moi, la musique n'a pas toujours besoin d'être expliquée : il suffit qu'elle soit ressentie.
Pour illustrer mon propos, j'ai choisi un très célèbre sonnet publié en 1895, évoquant l'absence, le désastre, le naufrage et la fureur quand le rêve est symbole d'une création avortée. Appris par coeur jadis, sa musique m'en a épargné l'oubli à tout jamais. Musique des mots, rythme de la phrase : c'est tout l'art de mallarmé.
A la nue accablante tu
Basse de basalte et de laves
A même les échos esclaves
Par une trompe sans vertu

Quel sépulcral naufrage (tu
Le sais, écume mais y baves)
Suprême une entre les épaves
Abolit le mât dévêtu

Ou cela que furibond faute
De quelque perdition haute
Tout l'abîme vain éployé

Dans le si blanc cheveu qui traine
Avarement aura noyé
Le flanc enfant d'une sirène.

Bien sûr, on pourrait aussi citer « Brise marine » et son premier vers si célèbre :
La chair est triste, hélas ! et j'ai lu tous les livres.

Un dernier exemple extrait de « Apparition ».
La lune s'attristait. Des séraphins en pleurs
Rêvant, l'archet aux doigts, dans le calme des fleurs
Vaporeuses, tiraient de mourantes violes
De blancs sanglots glissant sur l'azur des corolles.
Magnifique.
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