Citations sur Préface à l'amour (12)
LEVÉE EN MASSE
Ne serait-ce qu’une fois, si tu parlas de liberté,
Tes lèvres, pour l’avoir connue, en ont gardé le goût du sel,
Je t’en prie,
Par tous les mots qui ont approché l’espoir et qui tressaillent,
Sois celui qui marche sur la mer.
Donne-nous l’orage de demain.
Les hommes meurent sans connaître la joie.
Les pierres au gré des routes attendent la lévitation.
Si le bonheur n’est pas au monde nous partirons à sa rencontre.
Nous avons pour l’apprivoiser les merveilleux manteaux de l’incendie.
Si ta vie s’endort,
Risque-la.
Le mal du temps
Tous les soirs
Parce que j’aime et je veux vivre
Tous les soirs
Parce que tant qu’on vit on vit d’espoir
Et que je sais ce que vivre veut dire
Tous les soirs
Ce poids tu temps je le dépose à terre
Comme un qui sait dormir
Comme un qui peut mourir
Mais qui ne veut le faire
TRESSE NOIRE
Extrait 3
Ample et sonore, moi, je ne sais où, demandant avec
insistance des nouvelles du beau temps, la dernière
adresse de l'aube, le goût fruité du printemps.
J'ai déjà en toi cette faim des choses sensibles. Aime et
surveille ma mémoire. Je me confie à ta vie. Je refuse
la mort et le sommeil.
La nuit se tait. C'est la nuit dans un hibou, un hibou
dans la nuit, et nous couchés, tournons à la vitesse
acquise de la terre, de saison en saison, boule qui
amasse la mousse, vivants qui cueillons les frissons.
La joie
Avec au bord des lèvres la vie surprise au moment où j’allais dire ton nom
Je m’avance, respire
Tu es ma femme et je te connais depuis cent ans
Tu es un château de feuilles
J’ai pris ta main au bout du soleil
Et le soleil m’a dit une longue histoire de soleil
Avec des radeaux sur la rivière
Et la rivière m’a parlé de ton corps
Et ton corps se termine par une main que j’ai rendue au soleil
C’est toi
Je suis fait d’ombre à tes côtés
Je suis fait des silences que tu aimes
Nous sommes jeunes et nos jours sont longs
Le plus beau jour
S’il pouvait faire un temps à mettre un chien dehors
Si je pouvais avoir un cœur à fendre pierre
Si l’amour devenait plus lâche que la mort
Si nous étions des morts pour parler de la vie
Si nous étions heureux pour ne plus rien nous dire
Si nous étions vivants pour pouvoir nous aimer
Si le monde n’était pas fait pour le refaire
Si tu n’existais pas pour pouvoir t’inventer.
TRESSE NOIRE
Extrait 1
Ma mort timide frappe à ma porte.
Toi, mon amie, seule, tu peux désormais dire le mot
secret qui permet aux passants d'envahir nos artères.
Notre innocence a fait rougir les mots. J'ai placé des
îles dans ton corsage et soulevé la tempête dans ta
hanche.
L'amour, la mort sonnent tout entiers comme la mer
tout entière dans n'importe quel débris de coquil-
lage.
TRESSE NOIRE
Extrait 2
Déjà nous penchons la tête l'un vers l'autre comme des
chevaux pour boire l'avenir. Il est temps de voir tes
yeux fermés dans les yeux ouverts du monde, quand,
avec mon nom, tes lèvres s'ouvrent et avec mes
lèvres tes lèvres sont fermées.
Je te demande quand je mourrai de vivre encore. J'au-
rai alors ton corps pour sentir et comprendre et,
penché sur le feuillage qui court sur le vent, je
n'aurai d'autre ressource qu'en toi, longtemps qu'une
seule ombre, toi, plus qu'une voix, toujours la tienne.
Tu diras notre vie à haute voix.
Nuit d’herbe
Extrait 3/3
L’oubli s’assied sur la montagne et nous avons le temps.
Beau temps, n’est-ce pas mégissier ? Le temps d’attendre l’amour.
La barque soulevée, la marée se retire. Le vent oublie qu’il est le
Vent. Tes lèvres sont le bout du monde.
Dans bien longtemps
Tu m’étouffais, tu m’as rejoint, je te retrouve.
Homme et femme nous serons morts.
Mais les astres qui nous ressemblent recommencent.
Nuit d’herbe
Extrait 2/3
Je gémis de toute plainte pour tous les hommes. Je psalmodie,
je crie, je murmure, je me tais.
Je n’ai rien dit, je n’ai rien fait.
Car tes cheveux comme les forêts brûlent avec ton odeur de
fruits lointains,
Car te répondent le sang lourd de ma race terrienne, mes
mains d’artisan, ma langue rude.
Farouche, depuis que je te connais, je fais l’amour. Je connais
toutes les heures de la nuit. Le ciel s’incline. Mourir n’est
rien. Vivre n’est plus. Je n’ai qu’une histoire. Une violente
patience.
…
Nuit d’herbe
Extrait 1/3
Nuit d’herbe, nuit mise à nu, nuit d’ignorance, nuit de refus,
Je gémis. La barque à l’ancre se soulève. Le dernier flot de la
marée accourt.
Ne crains rien des douleurs de l’amour. Les oiseaux dorment.
Le vent ne sait où se poser. Il se repose.
Et sans maître habité par la nuit, je suis aussi ce bateau-fou.
Beau temps, n’est-ce pas, timonier ?
Beau temps de minuit, beau temps de l’amour.
Les câbles et cabestans grincent. C’est le désir. Des vagues
s’épousent. Le port est au bout du monde, tes hanches,
tes seins, je ne sais.
…