Dormir avec toi.
extrait 3
Dormir avec toi.
Ne me laisse jamais seul. Un cheval tourne dans ma tête.
Dormir avec toi pour assouvir la vie.
Le nom secret
Un signe dans l’été
24
(…)
Les allées du jardin, une à une, sortent de l’ombre, et le premier
oiseau et la première abeille
Encore mal dégagés de la chevelure des ténèbres et des rumeurs
Dans leur vol liquide se cognent contre les étoiles et les fleurs.
Poète, à mon métier, tandis que se défait l’immense toile d’araignée
céleste, la page du cahier où je travaille et que j’oubliais sur l’écritoire
Fut un miroir à son dernier quartier où toute la nuit s’est penchée, où
vinrent boire,
Écartant les souffles lascifs des roseaux, les bêtes nocturnes, la source nue
Et je n’ai, sur le calque de leurs traces, qu’à repasser à l’encre par-dessus.
J’écris avec les pattes des lièvres qui n’ont cessé de courir dans les prés,
Avec le frôlement de la sauvagine et des astres, et tout ce qu’ils auront à
me dire je ne le saurai que bien après.
J’écoute la joie de vivre et de sentir battre un cœur universel dans ma
poitrine.
Et l’aube me reçoit debout, pasteur des mots, comme un à qui l’on
confia un troupeau et qui se réveille le gardien des collines. (…)
p.167
La vallée des rois
JE ME SUIS HABITUÉ …
Je me suis habitué à cette terreur lente,
À la défaite acceptée, au profil de la mort.
Dans ma voix se dessinent des îles,
Mais les amis ne savent pas que je converse avec les
morts.
Heureux d'une journée, d'une rencontre au bord des
routes
Avec le cantonnier, ou, appuyé sur un bâton,
Avec quelqu'un qui est déjà plus qu'un berger…
La chair à une odeur de soufre.
Mon poids s'est augmenté de ma fatigue et de sagesse.
Il y a des portes dans les airs naufragés
Et nous marchons, serrant au poignet
Cette paresse, cette présence, une habitude,
Cette vie qui cache la nôtre et que nous n'avons pas
connue.
Tu m'auras enivré d'avoines…
Un cri signale une présence. La table se rapporte toujours à sa
forêt et continue à bourgeonner sous des apparences
mortes.
Le fruit apporte ses lunaisons qui veut nourrir l'espace de ten-
dresse.
Caillou, nous t'avons aimé, choisi au bord du chemin, pour la
lueur que tu jetas et ton odeur de poudre sèche.
Espérance, tu nous peuplas. Des races d'hommes marchent
dans nos reins, ensemenceurs des champs à labourer.
C'est toujours l'heure du départ et nous savons l'entendre.
L'âme plie, ne lutte pas.
Ainsi la goutte d'eau s'ouvre dans l'océan et rend à l'étendue
ce qui lui fut confié.
Les premiers âges du monde commencent.
Mon pays préféré
Mon pays préféré est cette gorge de montagne
Que dévalent les arbres grêles, maladifs,
Où la bruyère croit, où l’ombre,
Quand le soleil s’en va derrière les sommets,
Tombe avec le bruit de l’ombre.
A mourir, autant que ce soit là.
Cinq heures du soir me conviennent,
Epoque où il fait clair encore, mais la vitre allumée
griffe l’ombre.
L’âme vacille comme la flamme des bougies dans
la cuisine assiégée.
Mais les pierres et les poutres sont mes amies.
Le front à la vitre obscurcie,
J’attends le veilleur qui va crier
Alerte.