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Critique de panurge


ET IL VÎNT BEAU COMME LE GENIE (C. BAUDELAIRE PARLANT D'E.A. POE)

Le roman a toutes sortes de peaux : nu-le Roman-, habillé selon le goût de l'auteur (policier, de science ficion, d'aventure, historique)...En France, Terre des Arts, des Armes et des Lois, l'hommage royal va à l'Ecrivaine ou l'Ecrivain, vénéré, adulé, détesté, haï (consonne, consonne-M,H)....

Les sous-genres distrayants flattent le goût du vulgum pecus mais ne peuvent prétendre exploser le plafond de verre que La Métropolis-République des Lettres a établi pour garder au Jockey-Club des Grands Ecrivains ceux dont le nom se nimbe de gloire, le front porte les lierres du Triomphe et le savoir-faire chalute impunément les Grands Prix Littéraires...

Au-delà des affaires de Goût, une vérité incontournable, ennuyeuse comme Charybde et Scylla, affichait impunément son postulat : "le polar français n'existe pas"...

Jusqu'au début des années 1970, à part Léo Malet et son Nestor Burma (dans un style java/Balajo/Paris populaire et populeux) rien ne valait...J'en savais quelque chose...Je trempais jour et nuit dans la Série Noire... j'avais lu Hammett, Chandler, Mc Bain, Himes et tout ce que mon paternel ramenait (et il en ramenait)...Qu'est ce pouvaient les polardeux de Fleuve Noir face à des seconds couteaux comme Henry Kane, Ed Lacy, Carter Brown, à des Grands comme Thompson, Mc Donald, Mc Coy.....Nitchevo, nada...C'était zéro, nul, ne valant même pas le prix du papier sur lequel c'était imprimé...en plus, l'ORTF de l'époque diffusait des polars américains..Que faire contre "Le Faucon Maltais", " Une femme à abattre" ou "Key Largo" ? En face on alignait des trucs besogneux avec Robert Hossein en méchant, Michèle Mercier en femme fatale et Paul Meurisse en commissaire...

Vînt Manchette....

Des histoires dures, sanglantes, politisées où ça ne commence pas bien, ça tourne à l'aigre et finit mal...Des héros mal insérés (de Tarpon l'ancien gendarme à ce cadre qui roule sur le "périph" toutes les nuits)...L'Esprit du Ploicier américain retravaillé, remouliné, recréé, réinventé...Un vrai écrivain qui écrivait des Romans où on meurt violemment...Une fusion réussie entre un "sous genre" et l'Art Romanesque...

Trop de tabac tout le temps. Jean-Patrick Manchette rend le ticket le 3 juin 1995 à l'âge de 53 ans.

Son journal est publié chez Folio...On rencontre un travailleur cachetonneur à la limite permanente de la rupture financière, extraordinaire cinéphile et lecteur acharné, attaché à son ban de galérien, produisant sans arrêt...Bref un type dur au mal qui bosse sans discontinuer..Situationniste, il note de féroces critiques qui font vraiment rigoler ; il taille, cogne, pourfend..Il insère des extraits de journaux d'époque (quotidiens et hebdos) traitant de sujets toujours d'actualité (à se demander ce qu'on a foutu pendant 40 ans à part laisser les choses aller à vau-l'eau)...Il y note des tas de choses dont on pressent qu'elles nourrissent les soubassements de son oeuvre...

Lire ce journal,...pour celles et ceux de ma génération, retrouver vivantes la fin des années 60 et début 70 en France, ...partager le quotidien difficile, incertain, compliqué d'un grand écrivain et surtout voir comment des matériaux divers, venant de toutes sortes de recoins de la vie et du cerveau de Manchette se met en place le travail préalable à l'écriture...

Ceux qui ont lu ou lisent Manchette retrouveront un type très fréquentable bien que copieusement cinglé, ceux qui n'ont pas encore lu Manchette liront d'abord ses romans. C'est à l'Ecrit qu'on jauge l'écrivain, pas à ses centres d'intérêts....

En tout cas, il y avait un "avant Manchette"...Nous vivons dans l'Ere dont Manchette fût le Père Fondateur...Baudelaire avait raison !
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