Ce livre est édifiant à plus d'un titre !
Premièrement, il raconte l'enfer quotidien vécu par l'auteure et ses frères et soeurs au sein d'une famille violente et perverse. Un quotidien fait de viols et de pratiques sexuelles incestueuses, d'humiliations verbales et de rejet, de coups et de brimades, de privations alimentaires et affectives, d'isolement social tout en donnant, à l'extérieur, l'apparence d'une famille "normale" à qui l'on ne pouvait que faire confiance compte tenu de son aisance sociale et financière (c'est un lieu commun de dire que ce genre d'histoires ne se passent que dans les milieux défavorisés... mais la réalité est hélas tout autre).
Deuxièmement, il raconte le sacrifice de Betty (victime d'inceste dès l'âge de 8 ans et qui subira trois IVG) qui, pour sauver les autres membres de sa famille, va prendre le risque de quitter le domicile familial et dénoncer ces agissements à la face du monde et aux autorités censées les condamner. Une démarche qui se voulait salutaire et altruiste mais qui, in fine, se retournera contre elle, la détournera de tous les membres du clan et générera chez elle une grande culpabilité dont elle ne s'est, aujourd'hui encore, pas débarrassée.
Troisièmement, il évoque un point rarement évoqué dans ce genre d'histoires de vies : la complicité évidente de la mère qui, pour pouvoir dépenser sans compter l'argent du ménage, facilitera (et même organisera) les frasques sexuelles de son tyran de mari. Un "deal" passé entre deux monstres qui, on le verra, n'auront jamais le courage d'assumer, ce qui aurait été de nature à libérer leur fille de sa culpabilité.
Quatrièmement, il souligne en filigrane l'absence et le silence assourdissant des autres membres de la famille (comment ne pas voir que ce qui se passait là n'était pas normal ? comment ne pas voir que les enfants n'étaient pas heureux ?) ainsi que celui des référents habituels des enfants : le corps médical, le corps enseignant... A leur corps défendant, il faut dire que les parents Mannechez savaient bien y faire pour brouiller les pistes...
Enfin, il met en évidence la difficulté pour les autorités, les services sociaux, la justice d'investiguer comme il se doit dès lors qu'il y a doute, de protéger la plaignante, mais aussi de faire la part des choses entre des déclarations contradictoires faites par les uns et les autres. En effet, pas facile pour Betty de maintenir sa première version des faits, dès lors que son père, sa mère, sa soeur lui imposent un chantage affectif pour lequel elle n'est, de fait, pas armée. Comment pouvait-elle ne pas tomber dans les pièges tendus par son gourou de père ? Comment aurait elle pu faire face aux arguments fallacieux des ténors du barreau embauchés par celui-ci ? Au final, à la suite des déclarations mensongères des différents membres de la famille (y compris de Betty manipulée), il sera dit qu'il s'agit "d'inceste consenti" ! Un comble d'entendre cela dans un prétoire et de le retrouvé écrit dans les comptes-rendus.
Une histoire d'inceste de plus me direz-vous ?
Non, là, cette histoire est éclairante du niveau de perversité et de manipulation que peuvent avoir certains parents dès lors qu'ils ne sont pas confrontés à des garde-fous. Il montre bien le phénomène d'emprise psychologique et affective dans lequel les frères et soeurs sont enfermés, y compris l'aînée des soeurs qui croît vraiment aimer son père et revendique haut et fort de vivre en concubinage avec lui et de lui avoir fait un enfant "car elle l'aime" ! Enfermés dans un fonctionnement familial dysfonctionnel et systémique, les enfants n'avaient aucun moyen de confronter leur vie avec celle des autres enfants. Pour eux, c'était la normalité ! Mais, pour le lecteur, une réalité, une normalité des plus glaçantes !!!
Comme
Betty Mannechez n'a pas été entendue lors des différents procès qui se sont tenus sur environ dix ans, elle a décidé de coucher sur le papier son histoire, sa vérité, son ressenti pour rendre hommage à sa soeur décédée en 2014 (tuée par son père/compagnon), témoigner auprès de la société, et pour mettre en lumière la nécessité, pour tous, de mener le combat : IL FAUT QUE CELA CESSE.
Un livre difficile à lire mais qu'il faut lire. Il faut que tout un chacun cesse de mettre la tête dans le sable ! L'inceste est un vrai problème de société. Il est plus que temps que la France y mette un terme par tous les moyens utiles et nécessaires.