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"Apprendre l'Allemand (...), c'était être tôt ou tard, volontairement ou malgré soi, confronté aux souvenirs du nazisme."

Dans ce court mais intense récit, Olivier Mannoni revient sur son expérience singulière de traducteur de "Mein Kampf" ; on se souvient sans doute des débats enfiévrés qui ont suivi l'annonce du projet autour d'une prose qui sent le soufre, la haine et la mort. Au cours de ses années d'exercice, le traducteur s'était déjà frotté aux textes de certains dignitaires ou sympathisants du régime nazi qui constituent pour les historiens des sources documentaires nécessaires. Exercice douloureux qui atteint bien sûr ici son paroxysme. L'auteur raconte donc la genèse du projet, l'équipe d'historiens chargés d'encadrer et d'expliciter le texte comme autant de balises jusqu'au titre de l'ouvrage "Historiser le mal" qui montre ainsi qu'il ne s'agit pas d'une simple traduction le texte initial étant noyé sous les notes et les commentaires.

"Non, traduire Hitler, Goebbels, Himmler, Rosenberg et les autres ce n'est pas traduire de l'allemand. C'est traduire une langue forgée pour et par un totalitarisme meurtrier, une langue destinée à faire peur (...). Une langue faite pour tromper, mentir et, nous allons le voir, abrutir"

Mais l'intérêt de son témoignage réside dans son aptitude à se confronter aux mots et à leur sens parfois multiple, notamment dans la langue allemande comme il l'explique très bien. Il plaide avec talent pour la mise au jour, l'explication qui mène à la compréhension grâce à l'analyse fine de la langue, de la syntaxe, du vocabulaire, de la mécanique... cette même analyse qui permet ensuite de retrouver ailleurs, dans d'autres discours bien plus proches de nous les ingrédients identifiés chez les promoteurs de haine. C'est effroyable et fascinant. C'est aussi un témoignage rare et fort de ce que représente réellement le métier de traducteur, bien loin de l'exercice de transposition d'une langue à une autre. Les mots prennent ici toute leur dimension.

"Parce qu'il permet le dialogue et la prise de décision commune, le langage est la force de la démocratie. Que ce langage soit perverti, et c'est la démocratie elle-même qui se distord, s'atrophie et perd sa raison d'être."
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TRADUIRE HITLER
Olivier Mannoni
@DORMESSON

OLIVIER MANNONI est traducteur de l'allemand, spécialisé dans les textes sur le IIIe Reich.

Lors d'une de vos lectures, est ce que vous vous êtes déjà interressés au traducteur ?

Pour ma part, j'avoue que non, mais j'avais à plusieurs reprises vu mes cousins, cousines, amis lecteurs turcs, regarder avant toute autre chose, le nom du traducteur d'un livre (souvent les classiques) avant de regarder le résumé, le prix ou la maison d'édition. Cet acte m'a toujours intrigué.

Voici entre mes mains, un livre qui sera lu, relu et re-relu, offert, présenté dès que j'en aurai l'occasion.
Olivier Mannoni traducteur de beaucoup d'ouvrages comme le journal de Gobbels, Himmler d'autres personnages du Reich et surtout Mein kampf...
Dans ce livre l'auteur, traducteur nous exprime ses sentiments, son travail qui peut s'étaler sur des années et surtout le choc de découvrir certains écrits qui ne sont que haine, violence, projet de détruire, exterminer.
Pouvez vous imaginez un instant, la psychologie même du traducteur qui doit changer ces mots, expressions, caractères de l'auteur avec ses mots à lui qui seront le plus proche, le plus exacte, pour exprimer au plus juste, l'horreur qui est devenue une idéologie sanguinaire inhumaine.

Je n'ai jamais pensé, à ce que le traducteur pouvais vivre, Et pendant cette lecture, on se rend compte, que ce n'est pas seulement un travail de traduction, mais une analyse, un décodage, des recherches qui va nous permettre à nous lecteurs de comprendre, analyser à notre tour et malheureusement comparer avec notre époque.

Je ne peux que vous pousser, conseiller, et si je pouvais vous obliger à le lire 🙏.
Il est d'une intelligence d'analyse, et très intéressant, ce livre m'a fait longuement réfléchir.

Extrait :
" Rassenhygiene, hygiène raciale, Oberjude, "juif supérieur" qualifiant les individus importants d'une communauté, Untermensh, sous homme, qualifiant les individus racialement inférieurs, Rassenschande, le fait pour un Juif ou une Juive d'avoir des relations avec un individu aryen, Sonderbe scamps handlung, traitement spécial, autre manière de désigner l'assassinat, Selektion, terme utilisé à l'entrée des d'extermination pour décider ceux qui iraient tout de suite à la chambre à gaz et ceux qui pourraient survivre quelques jours ou quelques semaines en travaillant. Un ample lexique parfois difficile à déchiffrer et dont le but était d'une part de désigner clairement, pour ses artisans, les rouages de la machine d'extermination, et d'autre part de la dissimuler aux personnes extérieures, y compris en Allemagne. L'usage de l'euphémisme, du détournement de termes courants, de la création de mots polysémiques, tout cela permit de cacher longtemps au monde et à une partie de la population allemande le massacre que perpétrait le pouvoir nazi en Europe "
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Traducteur spécialisé en langue allemande, Olivier Mannoni avait déjà à son actif la traduction de plusieurs textes rédigés par des dignitaires nazis, lorsqu'il fut approché par les éditions Fayard pour traduire « Mein Kampf » d'Adolf Hitler. Publication qui serait rigoureusement commentée par une équipe d'historiens chevronnés.
On comprend aisément que cette « plongée dans l'esprit torturé du Führer » fut très éprouvante. L'auteur dut, au bout de deux ans de travail, revoir l'intégralité de son texte, ce dernier étant finalement « trop bien » rédigé ce qui le rendait clair et intelligible à tout lecteur, comme devrait l'être une traduction « classique ». Pourtant, dans ce cas précis, le but était en fait que ce livre soit, je cite l'auteur: « exactement dans l'état, si j'ose dire, où Hitler l'avait laissé en 1925: bourbeux, criblé de fautes et de répétitions, souvent illisible, doté d'une syntaxe hasardeuse et truffé de tournures obsessionnelles » (extrait p. 34)
En outre, ce projet suscita de nombreuses polémiques, des voix s'élevant contre l'idée même de cette publication, arguant qu'un tel texte ne devait plus être « disponible » et risquait d'enthousiasmer une certaine catégorie de lecteurs, essentiellement d'extrême droite.
Pourtant, la nature de la traduction ainsi que la richesse et l'érudition des commentaires qui l'accompagnent ont pour but d'expliquer que ces envolées lyriques, gonflées d'un vocabulaire alambiqué et étant censées donner l'impression que leur auteur disposait d'une intelligence exceptionnelle et d'un vocabulaire qui l'était tout autant, étaient en fait des phrases sans fondement ni réflexion, dont le seul but était d'étourdir et d'impressionner.
J'ai énormément apprécié cet essai dont l'écriture fine et intelligente explique parfaitement le mécanisme linguistique utilisé dans de tels écrits, tout en citant nombre d'exemples contemporains démontrant que ce procédé est encore utilisé par certaines personnalités politiques et s'immisce insidieusement dans leurs discours et leurs déclarations.
Un ouvrage que l'on ne peut que conseiller tant il est passionnant et presque nécessaire face à certaines « tentations politiques » actuelles!
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Quand il se lance en 2011 dans ce travail dantesque de traduction de Mein Kampf, écrit en 1924, Dominique Mannoni ne se doute pas de l'opprobre qu'il va s'attirer au sein des milieux intellectuels, durant les 9 ans que durera cette entreprise.



Dans cet essai, il soulève des interrogations passionnantes, comme celle d'adapter ou non le texte à la langue et à la compréhension du lecteur français. Car cet essai d'Hitler est tellement simpliste et confus que le traducteur hésite entre retrouver le propos lisible derrière le verbiage ou laisser telle quelle, la parole alambiquée et dévoyée du futur dictateur. C'est l'éditeur Fayard qui tranchera.

Viennent ensuite les détracteurs qui l'accusent de remettre en avant, alors qu'il semblait être tombé dans l'oubli, un ouvrage nocif, symbole de la doctrine nazie. Mais qui sont les lecteurs susceptibles d'être convaincus par ce « bourbier verbal » ?

L'auteur, traducteur d'une quarantaine d'études et de témoignages historiques, analyse également la linguistique nazie qui, en usant d'allusions confuses et de répétitions obsessionnelles, détourne la langue allemande.

Dans la dernière partie de son ouvrage, il examine tout ce qui, dans le discours de l'extrême droite contemporaine et dans les tendances complotistes, est inspiré du livre d'Hitler. Car on sait aujourd'hui où conduit la banalisation d'une parole haineuse et raciste et c'est glaçant.



Débattant de tous ces dilemmes et de sa façon de les appréhender, Olivier Mannoni, nous éclaire, avec ce court essai, sur l'importance de cette nouvelle traduction du livre fondateur du nazisme. Il détaille l'apport essentiel que représente, pour les générations actuelles et à venir, l'étude Historiciser le mal qu'en ont fait les historiens, en développant pour chaque chapitre, une analyse critique et une déconstruction scientifique de Mein Kampf.

Alors à la question « Fallait-il traduire Hitler ? » la réponse est oui, absolument oui et je n'ai pas le moindre doute que cet essai vous en persuadera.
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Personne ne pense jamais au traducteur ... moi la première ...
Un petit ouvrage qui nous ouvres les yeux , sur ce que peu vivre le traducteur , tout au long de sont écrit : les bons cotés comme les très mauvais cotés surtout quand les politiciens s'en mêlent ou les journalistes .Ou bien encore sur le côté psychologique que cela peu crée .
On ne ce doute pas non plus sur le temps qu'il faut pur traduire un livre ... ici le temps de traduction ma laissé sur les fesses (pour rester polie).
J'ai appris tellement de choses a travers cet essaie , moi qui suis curieuse , autant vous dire que la je suis gâtée , je pensais savoir beaucoup de chose sur le III e Reich et ben non , loin de la !!

Un petit ouvrage que l'on peu pas posé !

Une chose est sur je verrais d'un autre oeil les traducteurs ... chapeau pas !!
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Olivier Mannoni dans ses travaux de traducteur d'allemand a très souvent été confronté au mal sous toutes ses formes. Dans ce livre il nous raconte ses interrogations, ses difficultés, les critiques rencontrées pour la traduction de Mein Kampf. Un livre avec une aura maléfique et qui suscite une curiosité malsaine.
La traduction s'intitule Historiciser le mal et non Mein Kampf. le texte est accompagné d'un appareil critique qui confine à l'exhaustivité et s'attache à décortiquer et à dénoncer point par point tous les mensonges, les affabulations et les délires racistes de son auteur, tout en les replaçant dans leur contexte. C'est un travail monumental du traducteur et des nombreux historiens spécialistes du nazisme.
L'auteur a passé dans 10 ans dans la tête d'Hitler. Il raconte comment la charge émotionnelle fut terrible pour lui mais aussi pour ses proches.
Outre la violence des propos Hitler écrit dans un style décousu et incohérent. Bref un livre mal écrit et pénible à lire. le traducteur a eu pour mission de restituer la nature brute du texte original allant à l'encontre des règles de traduction qui veulent que le traducteur rende un texte lisible et fluide.
Tout au long du livre de Mannoni nous relate son chemin de croix.
L'auteur dans sa dernière partie s'inquiète du sillage laissé par Hitler notamment quand les politiques avides de pouvoir simplifient et pervertissent le langage.
En conclusion je vous suggère de lire cet essai très intéressant et qui nous invite à la réflexion.
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Fallait-il retraduire Mein Kampf ?
Le débat a été houleux, car, avec la montée des extrêmes droites dans le monde, la question se posait. La réponse : un ouvrage ne portant pas son nom accompagné de nombreuses notes de bas de page, rendant plus abordable et compréhensible cet ouvrage polémique de 600 pages écrit en prison en 1924, porté à presque 900 pages.
En juin dernier, donc, sortait Historiciser le Mal, chez Fayard, une édition critique de Mein Kampf, portée par une équipe de chercheurs pendant neuf années. Olivier Mannoni, qui l'a traduit, savait dès le début que ce livre était un symbole, un objet à part dans le monde du livre.
Après une première version, l'éditeur lui demande de retravailler son texte afin de rendre, fidèles à l'original, la complexité, la lourdeur, les incorrections de langage, bref, tous les défauts rendant la lecture confuse et difficile, mais surtout restituer la réalité de l'original : un verbiage parfois obscur permettant de glisser de nombreuses idées que l'on connaît mieux aujourd'hui.
C'est là que l'on prend la mesure de l'importance du traducteur et de l'accompagnement littéraire de l'éditeur. Nous lisons souvent des traductions et nous sommes en droit de nous poser la question quant à la qualité du texte. Les lourdeurs, les imperfections, à nos yeux, viennent de l'auteur ou du traducteur ?
Dans cet essai, Olivier Mannoni exprime toutes les phases par lesquelles il est passé devant un tel labeur relevant de l'historique et du travail de mémoire.
S'il semble aisé, ou pour le moins courant, de traduire une fiction, pour laquelle la priorité repose dans le style à respecter, à transcrire les non-dits, les silences… là, il s'agit de « baigner » dans l'horreur du texte, entrer dans l'esprit d'un certain Adolphe Hitler ! Je ne suis pas sûr que les volontaires à cette épreuve soient légion.
Nous découvrons dans ce livre tout le processus pour arriver à l'édition de l'ouvrage, mais, ce que j'attendais, c'était le lien avec le présent. L'auteur nous décrit les stratégies d'écriture, qu'elles soient pour un livre ou un discours, et nous découvrons, malheureusement, le lien entre les textes liés à la naissance du nazisme et ceux d'aujourd'hui retrouvés dans le camp de l'extrême droite : mots-clés répétés à l'envi, réduction du vocabulaire pour pouvoir entrer en tête comme un mantra, en opposition à de longues phrases absconses côtoyant des mensonges grossiers, mais exprimés avec fermeté.
Si cet essai, clair, fluide, simple, court, ne donne pas vraiment envie de lire Historiciser le Mal, il éclaircit de nombreuses questions et remplit donc très bien sa fonction.
Lien : https://dominiquelin.overblo..
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Olivier Mannoni, né en 1960, est un traducteur spécialiste de l'allemand, journaliste et biographe français. Il est le fils d'un professeur d'allemand et de Nicole Casanova, femme de lettres, traductrice et critique littéraire française. de 2007 à 2012 il a été président de l'Association des traducteurs littéraires de France (ATLF) puis il s'est chargé de concevoir l'école de traduction littéraire créée par le Centre national du livre (CNL/ETL), qui a ouvert ses portes en avril 2012, et la dirige depuis cette date. Traduire Hitler, un très court essai vient de paraître.
Au printemps 2021, les éditions Fayard ont publié une nouvelle traduction du Mein Kampf de qui vous savez. L'affaire fit grand bruit avant que le livre ne soit disponible, Jean-Luc Mélenchon et la presse attisèrent le buzz avant d'en rabattre une fois l'ouvrage édité : le bouquin n'est disponible à la vente que sur commande (impossible de le feuilleter en librairie) et il est vendu sous le titre Historiciser le mal, accompagné d'un énorme appareil critique proposant une analyse critique, une mise en contexte, une déconstruction, ligne par ligne. Réédition conçue avec la participation de nombreux historiens et spécialistes, la traduction en étant réalisée par Olivier Mannoni.
L'auteur de cet essai revient dans son ouvrage sur cette éprouvante épreuve, un travail d'une dizaine d'années, une première version qui l'avait occupé six ans ayant été retoquée : il ne s'agissait pas ici d'une traduction banale, de celle où le traducteur tente d'améliorer le texte quand il est trop mauvais pour le rendre compréhensible au lecteur lambda, il fallait tout au contraire, rendre en français ce verbiage sans style, ces développements confus quasi illisibles, ces syllogismes et dérapages, bref un fatras « littéraire » et porteur d'idées répugnantes.
Olivier Mannoni élargit son analyse aux autres livres écrits par des nazis ou à leurs discours, démontrant qu'ils utilisaient sciemment la langue allemande pour manier « les ressources du langage pour dissimuler d'abord leurs intentions puis leurs crimes. »
Dans un dernier chapitre, l'auteur alerte, les nazis ont utilisé le langage pour tromper, cacher leurs projets dans un premier temps, or c'est exactement ce que l'on peut observer de nos jours, depuis les années 90, avec les le Pen et les mouvements d'extrême droite, Eric Zemmour, ou plus récemment encore avec Trump, des mots, des expressions qui étaient jusqu'alors tabous, à force d'être répétés dans des discours sont repris par les médias et par un effet de boule de neige, deviennent des éléments du langage courant (le « grand remplacement » etc.). « Parce qu'il permet le dialogue et la prise de décision commune, le langage est la force de la démocratie. Que ce langage soit perverti, et c'est la démocratie elle-même qui se distord, s'atrophie et perd sa raison d'être. »
Glaçant.
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Un livre essentiel ! On pénètre dans le quotidien d'un traducteur, et pas n'importe lequel : celui qui traduit le livre le plus abject qui ai jamais été écrit. Olivier Mannoni aborde toutes les questions sans jamais se défausser. Je regrette juste que le livre soit si court. J'aurais aimé passer un peu plus de temps avec Olivier. Un livre à lire de toute urgence
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