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Critique de PetiteBichette


L'oiseau m'a emportée sur son dos à tire d'aile, il a viré à droite, à gauche, a fait des piqués. Ce bel oiseau bleu m'a fait voyager des contrées lointaines d'Arménie, à la Sibérie, l'Allemagne, puis j'ai vu ma maison en passant au-dessus de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Meudon, l'hôpital militaire de Percy…
Des noms de villes familiers aux oreilles de nombreux arméniens, ainsi qu'aux miennes. Missakian, Manoukian (le véritable nom de Ian ManookManook Ian), … ces personnes avec un nom de famille en -ian, j'en connais plusieurs, croisés pour beaucoup sur les bancs de l'école.
Mais de leur histoire, celle de leur famille, je ne savais rien, si ce n'est qu'ils étaient nombreux à posséder des entreprises de textile et de tricots, et qu'ils avaient réussi à organiser une filière économique florissante dans les années 1980. Las, aujourd'hui, de tout cela, il ne reste plus qu'un seul tricoteur qui vivote en attendant de tirer sa révérence, l'âge d'or n'est plus, tout se passe en Chine désormais. Mais, nulle amertume, les Arméniens ont envoyé leurs enfants à l'école, à l'université et se sont insérés en France, brillement pour la plupart.
Quel chemin parcouru pour ce peuple de revenants, avec une résilience à toute épreuve face au nombre incroyable d'atrocités subies, et qui m'a fait penser, la technologie en moins, à ce que subissent à leur tour aujourd'hui les civils Ukrainiens et plus particulièrement les femmes qui payent toujours de lourds tributs dans ces conflits.
J'ai été saisie par l'horreur de la scène inaugurale du livre, d'une violence inouïe, mais à la suite de laquelle Ian Manook nous replonge dans un autre bain de terreur sans même nous laisser le temps d'une petite respiration.
L'auteur s'est inspiré de la vie de sa grand-mère Araxie, et de celle d'autres Arméniens qu'il a connus pour bâtir son récit. Il révèle avoir, à la demande de son éditeur, supprimé deux scènes du fait de leur extrême violence, alors que les faits rapportés étaient pourtant véridiques.
Ian Manook dénonce avec talent la violence extrême subie par le peuple Arménien lors de ce génocide et les actes barbares et haineux d'un peuple envers un autre (d'ailleurs y compris par les Turcs envers ceux de leur propre communauté qui auront l'audace de porter secours aux Arméniens), qui se répètent inlassablement d'une époque à l'autre, d'un pays à l'autre…
La partie la plus marquante du livre est la première, elle me laissera un souvenir indélébile, elle concerne tous les évènements se déroulant en Arménie du temps de l'enfance d'Araxie et de sa petite soeur devenue aveugle Haïganouch. Araxie et Haïganouch, vendues comme esclaves à une famille turque, ce qui leur évitera une agonie certaine dans le désert de Deir-er-Zor, dans lequel des milliers de déportés arméniens mourront de faim et de soif sous l'oeil au mieux indifférent ou cruel de l'armée turque.
La seconde partie avec l'installation en France puis en région parisienne, si elle nous apprend plein de faits historiques très instructifs et intéressants, perd en intensité et en tension. Les multiples et récurrents personnages entre lesquels on navigue sans cesse ont moins capté mon attention, et j'ai trouvé certaines invraisemblances dans le fait que trop de personnages ont des liens entre eux sans le savoir. Ian Manook peine un peu à trouver des rebondissements dans cette partie du récit qui aurait gagné à être un peu plus condensé.
Un livre très dur, mais salutaire qui permet de découvrir l'Histoire du peuple arménien.
Je serai bien sûr au rendez-vous de la suite, le chant d'Haïganouch, à paraître en septembre 2022.
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