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L'Oiseau bleu d'Erzeroum tome 1 sur 2
EAN : 9782253107705
640 pages
Le Livre de Poche (24/08/2022)
4.37/5   564 notes
Résumé :
L’odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien.

1915, non loin d’Erzeroum, en Arménie turque. Araxie, dix ans, et sa petite soeur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs. Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leu... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (132) Voir plus Ajouter une critique
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Ian Manook, Patrick Manoukian, que j'avais adoré lire dans sa trilogie de polars - Yeruldelgger, Les Temps sauvages et La mort nomade – est un fameux romancier.
Cette fois, il s'est lancé un grand défi : raconter l'histoire de ses grands-parents en s'inspirant de ce que lui racontait sa grand-mère. de 1915 à 1939, d'Erzeroum aux rives du lac Baïkal, je me suis laissé prendre par L'oiseau bleu d'Erzeroum, cette ville d'Arménie occidentale, située dans le nord-est de la Turquie, à 1945 mètres d'altitude, là où tout commence.
Araxie et Haïganouch, sont deux soeurs âgées de dix et six ans. Elles vivent avec leur mère, Gaïanée, seule depuis que Vartan, son mari, est parti à la guerre. À la campagne, pas loin d'Erzeroum, la vie est paisible quand arrivent trois cavaliers turcs, des tchété, supplétifs de l'armée turque, des pillards. Et c'est la première scène de violence qui me plonge d'emblée dans l'épuration, l'élimination programmée des Arméniens, leur génocide.
Ayant de peu échappé à la mort, Araxie et Haïganouch sont recueillies par des cousins, à Erzeroum, dans le quartier arménien situé hors les murs car la citadelle leur est interdite. Hélas, au cours de l'agression ôtant tragiquement la vie de sa mère, Haïganouch a perdu la vue. Araxie veille donc sur elle, heureusement, à chaque instant.
Leur oncle, Krikor Karakozian, sait que 55 000 personnes ont déjà été suppliciées et égorgées à Aykestan et à van et que bien d'autres horreurs ont été commises. Soudain, c'est sur leur communauté d'Erzeroum que s'abat le malheur. Obligés de partir très vite, de tout abandonner, de payer même une taxe, et déjà les premiers massacres, les premiers blessés.
C'est ainsi que, dans cette année 1915, Ian Manook m'emmène sur les chemins de la déportation décidée par la nouvelle République turque. Talaat pacha, le ministre de l'Intérieur, est le grand théoricien de l'épuration et l'ordonnateur de l'extermination des chrétiens. Il est soutenu par Enver pacha, le ministre de la guerre alors que le docteur Nazim a tout planifié pour faire disparaître les cadavres et déporter les survivants dans le grand désert de Deir-ez-Zor où ils ne pourront que crever de faim et de soif.
C'est vrai que dans cette première partie, il faut s'accrocher. J'ai beau avoir entendu parler de ce génocide, ce que raconte Ian Manook est atroce. Ce serait incroyable si tout n'était pas prouvé, avéré.
Des gendarmes encadrent la colonne puis on trie, séparant hommes et garçons de plus de douze ans des femmes et des enfants. Des Kurdes à cheval et d'autres supplétifs se chargent de faire obéir et abattent sans sommation homme, femme ou enfant qui traîne ou tente de résister. Tous les hommes sont tués puis, un peu plus loin, c'est un véritable abattoir humain qui est mis en place près d'une rivière.
C'est justement dans cette rivière que se baigne Hilde von Blitsch, la fille du consul d'Allemagne à Erzeroum, accompagnée d'un jeune citoyen américain, Christopher Patterson. Si Hilde perd la raison devant tous ces cadavres déversés par le courant, Christopher photographie cette abomination qui donne raison à toutes les rumeurs qu'il a entendues.
Pendant ce temps, Araxie et Haïganouch sont arrivées à Diarbekir bien aidées par Chakée, une femme qui les a prises sous son aile. C'est là qu'elles sont vendues comme esclaves auprès d'Assina qui va devenir la seconde épouse d'un riche propriétaire, à Alep.
Lorsqu'elles arrivent dans cette nouvelle résidence, leurs prénoms sont changés et on leur tatoue un petit oiseau bleu entre le pouce et l'index pour marquer leur appartenance à la maison. Araxie dit alors à sa soeur que c'est L'oiseau bleu d'Erzeroum.
Bien des aventures suivent, des événements le plus souvent dramatiques, rarement heureux. Deux jeunes gens hardis et courageux interviennent : Haïgaz et Agop. Ils sont Arméniens et tentent de venger leurs frères lâchement massacrés.
D'Istamboul à Smyrne qui deviendra Izmir suite à l'intervention brutale des troupes de Mustapha Kemal, en 1922, de Berlin à Beyrouth, d'Erevan à Moscou mais aussi de Pont-de-Chéruy à Meudon, l'auteur m'a fait beaucoup voyager et vivre d'importants moments d'Histoire. J'ai croisé des personnages importants pour la suite de l'Histoire et c'est passionnant de bout en bout.
L'attitude des pays européens et des États-Unis d'Amérique devant cet immense massacre d'un peuple est d'une lâcheté immense mais nous savons que cela s'est déjà produit et se reproduira hélas ensuite avec, entre autres, la Shoah et le Rwanda.
Toute cette histoire est bien racontée, réservant des moments de bonheur, de plaisir simple, de délices gastronomiques subtilement détaillés. Impossible de cacher que les grands-parents de l'auteur se retrouveront en France, à Pont-de-Chéruy (Isère) d'abord, puis à Meudon (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine aujourd'hui) où le racisme, la haine des étrangers est bien réelle.
Heureusement, la diaspora arménienne agit et obtient des résultats pour aider les survivants des massacres à refaire leur vie.
Si la Seconde guerre mondiale se profile juste après que le Front Populaire ait obtenu les congés payés et fait reconnaître les droits des travailleurs, en Union soviétique dont fait partie l'Arménie et sa capitale, Erevan, la terreur stalinienne fait des ravages et Ian Manook le détaille très bien.
L'oiseau bleu d'Erzeroum aura-t-il réussi à réunir ces deux soeurs séparées brusquement alors qu'elles étaient encore à Alep ? Pour savoir et vivre intensément comme je l'ai vécu dans ce roman historique et familial, il faut lire L'oiseau bleu d'Erzeroum.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Un jour, je suis entrée dans une librairie et mes pas m'ont menée tout droit vers ce livre dont je n'avais jamais entendu parler, pas plus que de son auteur du reste.
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Et puis je vois le bandeau, et le mot Arménie me saute aux yeux. Forcément, je regarde la 4e et j'y apprends que l'héroïne n'est autre que la grand-mère de l'auteur, lequel a couché sur le papier le vécu de son aÏeule, à savoir la sinistre déportation de sa communauté organisée par l'État turc en 1915.
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Tout comme Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, je suis d'origine arménienne, et tout comme sa grand-mère, la mienne a vécu les mêmes événements, les mêmes horreurs, et au même âge.
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Ma grand-mère aussi avait une petite soeur, Anna.
La différence entre les destins relatés, c'est que mon arrière-grand-mère n'a pas été tuée et qu'elles ont été déportées ensemble, contrairement à Araxie et Haïganouch, orphelines.
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Leur père était parti à la guerre depuis 8 mois, comme mon arrière-grand-père et aucun d'entre eux n'en est revenu, tous les hommes et jeunes garçons ayant été massacrés, y compris le petit frère de ma grand-mère.
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La déportation a duré des mois, ponctuée de drames, de maltraitances et d'assassinats en masse, chaque journée étant pire que la précédente.
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Survivre aux coups, à la faim, à la soif, aux insultes, aux viols... le tout sous l'inexorable fournaise... contrairement à l'auteur, je n'ai pas les mots.
Comment décrire l'horreur quand elle a existé, pendant que le reste du monde regardait ailleurs.
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On fait aussi la connaissance d'Haïgaz et de son meilleur ami Agop, engagés dès leurs 14 ans chez les fedaï, les milices d'autodéfense arméniennes qui luttaient contre les bourreaux ottomans.
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La diaspora arménienne n'a pas fait couler beaucoup d'encre, le génocide arménien étant resté longtemps méconnu.
Pour exemple, il n'a été officiellement reconnu par la France que le 16 avril 1984 et si la Turquie reconnaît les massacres, elle évoque une guerre civile en Anatolie mais refuse le terme de génocide.
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Le récit se poursuivant jusqu'aux prémices de la Seconde Guerre mondiale, l'auteur, qui nous propose un livre très complet, s'épanche sur les événements politiques dans divers pays et nous croisons certains personnages clés de l'Histoire.
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Pour exemple, nous rencontrons Adolf Hitler... mais je vous laisse découvrir.
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Que puis-je ajouter pour essayer de restituer mon émotion à la lecture de ces témoignages multiples ?
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J'ignorais beaucoup de choses, ma grand-mère ne m'ayant pas raconté grand-chose.
Les Arméniens sont très pudiques et n'évoquent pas toutes ces années d'insupportables souffrances. Et j'avoue ne pas vraiment avoir posé de questions. Je l'ai regretté quand il était trop tard.
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Je conseille fortement la lecture de L'oiseau bleu d'Erzeroum. Bien sûr, ce n'est pas un texte facile à appréhender, les cent premières pages étant glaçantes, mais bon, c'est L Histoire et l'auteur n'a pas fait dans la surenchère. Il a notamment retiré deux passages où il décrivait comment les tueurs égorgeaient à l'arme blanche jusqu'à mille personnes par jour, sous les ponts, à la demande de son éditeur.
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Mais il n'y a pas que de la souffrance, dans ce livre. Il y est aussi question d'amour, d'amitié, de résilience, de courage.
Et au-delà de l'horreur, c'est un véritable page turner que nous avons entre les mains.
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*******
.
Ô pays que j'aime et quitte à la fois
Dans ma tête un sabre éteint le soleil
L'exil est une mort à nulle autre pareille
Je t'aime dans le noir, et te quitte malgré moi
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Des scarabées dorés sous les eucalyptus
Ne reste qu'un bâton tombé dans la poussière
Maman est morte, dans la cour, sans prière
À leur rage qu'aurions-nous pu donner de plus ?
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De viols en abattoirs, à manger l'immonde
De haines en offenses, sans pitié ni remords
On nous a chassés loin, on nous a voulus morts
Sous le même ciel que le reste du monde.
.
Haïganouch
.
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Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face aux autres générations
Je déclare avec Aragon
La femme est l'avenir de l'homme

La femme est l'avenir de l'homme
et qu'en fait-il ?

des guerres, toujours et encore des guerres,
de combats de coqs en marquages de territoires
de massacres en génocides, d'éliminations en exterminations,
au nom de la religion, au nom du profit économique, au nom de l'agrandissement du royaume, au nom de la politique, au nom de l'idéologie.
Tant et tant de aux noms que l'homme en perd le sien et sa raison.

Les 47 chapitres de ce roman sont comme autant de fenêtres ouvertes sur le monde et son Histoire de 1915 (Erzeroum, Arménie turque) à 1939 - provisoirement avec ce tome 1, quelque part sur la terre.

Nous y traversons d'est en ouest, de l'Orient à l'Occident, mers, océans, peuples, religions, traditions, champs de bataille, charniers, morts, d'une guerre à l'autre, d'un massacre à un autre, quand l'un finit commence un nouveau ou s'annoncent les prémisses du suivant.

Un immense sentiment de découragement et d'accablement face à cette photographie du monde et de notre histoire à tous, au-delà même de celle du peuple arménien. Répétitions, générale, première, représentations et attention Mesdames et Messieurs, dans un instant, cela va (re) commencer.

Reprendre respiration avec les mots de l'auteur qui souhaite simplement:
"Aux enfants de toutes les diasporas, qui enrichissent de leur culture celle qui les accueille. Que leurs différences s'ajoutent plutôt que de s'exclure."

L'enfant est l'avenir du monde. Une évidence
- Ah si c'était si simple. La terre tournerait rond et nous arrêterions de nous cogner à ses arêtes. - tais-toi mauvaise langue ou nous te la couperons -

L'oiseau bleu d'Erzeroum est une fresque historique riche et très bien documentée (enjeux politiques, économiques, sociétaux, sociaux, religieux, en Orient, en Occident, USA, URSS, Europe), une saga romanesque, un roman dense en émotions et en couleurs intenses.

L'auteur a eu l'épicurienne inspiration de parsemer son roman de textes (via Haïganouch et différents poètes arméniens et russes), de plats aux saveurs de là-bas, de paysages et de femmes belles comme le soleil ou comme les étoiles, les oiseaux, ---- les chants, les murmures ---

- Elle sourit dans le noir, ils ne peuvent la voir.
Une autre guerre, ma soeur. Une autre guerre.
Où que tu sois, prends soin de toI.
Je demande à la lune ---

- Elle reste longtemps silencieuse, dans la fraîcheur d'une nuit qu'elle devine immense et étoilée au-dessus du Baïkal.
Une autre guerre, ma soeur. Une autre guerre
Où que tu sois, prends soin de toi.
Je demande à la lune ---

La pléiade de personnages, de continents, de coutumes, de religions, d'océans, de traditions, de couleurs, de senteurs, de saveurs, de poésies souvent (merci auteur(s)), de guimauve un peu loukoum par moments sont ici autant de respirations bienvenues et nécessaires pour nous permettre de digérer (parfois) toutes les atrocités endurées par le peuple arménien dont la population fut massacrée à plusieurs reprises, méthodiquement, systématiquement et qui n'eut comme solution que de se battre pour certains (Fedaïs), de mourir pour beaucoup, de se faire secourir pour quelques uns, de s'enfuir pour les plus 'chanceux' et d'essaimer à travers le monde en espérant s'y reconstruire une vie où Eros serait à nouveau présent et Thanatos renvoyé aux enfers dont ils s'étaient sortis.

Retrouvons-nous en 1939 pour le second volet de cette trilogie.
Enfin, je crois moi que j'y serai à ce rendez vous bleu entre le pouce et l'index pour le voir encore l'oiseau --
Alors. Trinquons à ces retrouvailles
Guenatz !
- Guenatz !

La lecture de ce roman m'a pris du temps comme j'aime parfois en prendre autant qu'apprendre. Il est rare qu'un auteur interpelle autant sur un sujet, ici ses interpellations étaient tellement nombreuses et diverses que si je le connaissais personnellement, je lui chuchoterais au creux de l'oreille: Auteur, pourrais-tu joindre à ton roman une quatrième partie reprenant les textes, les poésies, les recettes, les paysages comme autant d'hommages à ton peuple et au mien et au sien, ...


Scénario original:
1915, non loin d'Erzeroum, en Arménie turque.
Araxie, dix ans, et sa petite soeur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs.
Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leur laissant la vie sauve. Jusqu'à ce que L Histoire, à nouveau, les précipite dans la tourmente.
Séparées, propulsées chacune à un bout du monde, Araxie et Haïganouch survivront-elles aux guerres et aux trahisons de ce siècle cruel ? Trouveront-elles enfin la paix et un refuge, aussi fragile soit-il ?

C'est autour de l'enfance romancée de sa propre grand-mère que Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, a construit cette inoubliable saga historique et familiale.
L'odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien.

L'oiseau bleu d'Erzeroum, T 1, est sorti le 7 avril 2021 chez Albin Michel.

'Un roman plein d'humanité où souffle le vent furieux de l'Histoire, une galerie de personnages avides de survivre à la folie des hommes, et le portrait poignant des enfants de la diaspora arménienne'

L'auteur:
Bourlingueur, journaliste, patron d'une société de communication... On ne compte plus les métiers exercés par Ian Manook. Pas plus que les nombreux prix (Polar SNCF, Elle Polar, Quais du polar....) qui ont couronné sa trilogie de « thrillers mongols » : Yeruldelgger, Les temps sauvages et La mort nomade (Albin Michel), traduits dans près de 10 langues... plus ceux publiés sous le pseudo de Roy Braverman.

- Roman acheté le 9 avril 2021 -
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L'oiseau m'a emportée sur son dos à tire d'aile, il a viré à droite, à gauche, a fait des piqués. Ce bel oiseau bleu m'a fait voyager des contrées lointaines d'Arménie, à la Sibérie, l'Allemagne, puis j'ai vu ma maison en passant au-dessus de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Meudon, l'hôpital militaire de Percy…
Des noms de villes familiers aux oreilles de nombreux arméniens, ainsi qu'aux miennes. Missakian, Manoukian (le véritable nom de Ian ManookManook Ian), … ces personnes avec un nom de famille en -ian, j'en connais plusieurs, croisés pour beaucoup sur les bancs de l'école.
Mais de leur histoire, celle de leur famille, je ne savais rien, si ce n'est qu'ils étaient nombreux à posséder des entreprises de textile et de tricots, et qu'ils avaient réussi à organiser une filière économique florissante dans les années 1980. Las, aujourd'hui, de tout cela, il ne reste plus qu'un seul tricoteur qui vivote en attendant de tirer sa révérence, l'âge d'or n'est plus, tout se passe en Chine désormais. Mais, nulle amertume, les Arméniens ont envoyé leurs enfants à l'école, à l'université et se sont insérés en France, brillement pour la plupart.
Quel chemin parcouru pour ce peuple de revenants, avec une résilience à toute épreuve face au nombre incroyable d'atrocités subies, et qui m'a fait penser, la technologie en moins, à ce que subissent à leur tour aujourd'hui les civils Ukrainiens et plus particulièrement les femmes qui payent toujours de lourds tributs dans ces conflits.
J'ai été saisie par l'horreur de la scène inaugurale du livre, d'une violence inouïe, mais à la suite de laquelle Ian Manook nous replonge dans un autre bain de terreur sans même nous laisser le temps d'une petite respiration.
L'auteur s'est inspiré de la vie de sa grand-mère Araxie, et de celle d'autres Arméniens qu'il a connus pour bâtir son récit. Il révèle avoir, à la demande de son éditeur, supprimé deux scènes du fait de leur extrême violence, alors que les faits rapportés étaient pourtant véridiques.
Ian Manook dénonce avec talent la violence extrême subie par le peuple Arménien lors de ce génocide et les actes barbares et haineux d'un peuple envers un autre (d'ailleurs y compris par les Turcs envers ceux de leur propre communauté qui auront l'audace de porter secours aux Arméniens), qui se répètent inlassablement d'une époque à l'autre, d'un pays à l'autre…
La partie la plus marquante du livre est la première, elle me laissera un souvenir indélébile, elle concerne tous les évènements se déroulant en Arménie du temps de l'enfance d'Araxie et de sa petite soeur devenue aveugle Haïganouch. Araxie et Haïganouch, vendues comme esclaves à une famille turque, ce qui leur évitera une agonie certaine dans le désert de Deir-er-Zor, dans lequel des milliers de déportés arméniens mourront de faim et de soif sous l'oeil au mieux indifférent ou cruel de l'armée turque.
La seconde partie avec l'installation en France puis en région parisienne, si elle nous apprend plein de faits historiques très instructifs et intéressants, perd en intensité et en tension. Les multiples et récurrents personnages entre lesquels on navigue sans cesse ont moins capté mon attention, et j'ai trouvé certaines invraisemblances dans le fait que trop de personnages ont des liens entre eux sans le savoir. Ian Manook peine un peu à trouver des rebondissements dans cette partie du récit qui aurait gagné à être un peu plus condensé.
Un livre très dur, mais salutaire qui permet de découvrir l'Histoire du peuple arménien.
Je serai bien sûr au rendez-vous de la suite, le chant d'Haïganouch, à paraître en septembre 2022.
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Ian Manook revient sur l'enfance de sa grand-mère Araxie et de sa petite soeur Haïganouch. Les deux fillettes arméniennes ont survécu au génocide arménien perpétré en 1915 par les turcs et les kurdes. Avec quelques bribes de l'histoire de ses grands-parents mêlés à la fiction, l'auteur a tissé une grande saga romanesque et historique.
Bien sûr, on ne peut parler du génocide arménien, jamais reconnu par la Turquie, sans évoquer ces massacres en masse, ce peuple affamé, violé, battu et, pour ceux qui ont survécu à toutes ces horreurs, déportés vers le désert syrien de Deir-ez-Zor.

« J'ai vu la mort, Nazli, la mort et son cortège. Depuis les terrasses de Mardin on domine la plaine sur plus de vingt kilomètres et je les ai vus. Ils étaient des milliers. Dix mille peut-être. … Mon dieu, Nazli, ce que j'ai vu ! Ils étaient là comme un troupeau errant, avec pour vacher des gendarmes qui les battaient. Que des femmes et des enfants, et quelques vieillards. J'ai vu des gendarmes tuer des retardataires à coup de sabre. Tu te rends compte, Nazli ? Mais que sommes-nous devenus ? »

Araxie et Haïganouch auront la vie sauve grâce à un médecin turc humaniste. Il les achète pour en faire les esclaves de sa fille qui va se marier.
Les évènements vont se précipiter pour les deux soeurs qui finiront par être séparées. Au cours de leurs tribulations, elles trouveront de l'aide et du réconfort mais aussi la haine.
A travers le destin d'Agop et Haïgaz, jeunes fédaï qui résistent, on découvre la volonté d'un peuple qui ne veut pas se soumettre. Leur chemin va croiser celui des deux soeurs ainsi que de beaucoup d'autres.
D'autres personnages viennent étoffer cette fresque historique.
Ces péripéties, long parcours aventureux et romanesque, permet à Ian Manook de plonger son lecteur dans les méandres de cette époque de l'après-guerre.
Avec cette tuerie monstrueuse de toute une population, on assiste au déclin de l'Empire ottoman qui suscite de nombrées convoitises.
Avec le consul allemand en Turquie, on approche un Hitler encore inconnu et on assiste aux bouleversements d'une Europe divisée.
Il y aura aussi l'incendie de la ville de Smyrne où se sont réfugiés de nombreux arméniens, les purges staliniennes en Russie et la montée du front populaire en France.

Pour tisser sa saga historique, Ian Manook multiplie les personnages de tout bord et les fait se rencontrer dans des situations rocambolesques où ils rebondissent sans cesse et cette surabondance de rebondissements finit par lasser.
Je n'ai pas retrouvé le souffle épique qui traversait son roman d'aventure « Ravage ». L'écriture, malgré ses accents lyriques, ne m'a pas séduite. Si le roman est magistralement documenté et son intrigue bien construite, le récit est trop souvent cousu de fil blanc.
Ce que j'ai le plus apprécié dans ce long roman, c'est cette traversée de l'histoire du début du XXe siècle et la découverte de ces évènements que je connaissais mal.
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critiques presse (1)
LaCroix
25 juin 2021
Un envoûtant roman consacré au destin de deux orphelines rescapées du génocide de 1915.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Citations et extraits (195) Voir plus Ajouter une citation
De la victoire, aucun des Alliés n’attendait la paix. La Russie ne voulait que le contrôle d’Istamboul et des détroits pour ouvrir son commerce à la Méditerranée. L’Angleterre s’était réservé, dès le début du conflit, l’Arabie et les lieux saints musulmans pour assurer la sécurité de sa route des Indes. La France, elle, s’était octroyé par avance de grands territoires avec une façade sur la Méditerranée dans l’espoir de fructueuses concessions commerciales. Mais dans leur précipitation à se partager l’Empire turc, les Alliés avaient négligé deux choses : consulter leurs autres alliés méditerranéens grecs et italiens, et surtout désarmer l’armée vaincue. Ce qui permit à un géant blond aux yeux clairs de reprendre le flambeau nationaliste. Oublié des Alliés, Mustapha Kemal repartit aussitôt au combat. Une fois massacrés les derniers Arméniens du Caucase sous les yeux des nouveaux Russes, puis ceux de Cilicie sous les yeux des Français hypocrites, il ne lui resta plus qu’à se débarrasser de ceux qui, à l’ouest, soutenaient l’invasion grecque.
(pages 264-265)
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À l’approche de la côte, ils s’accoudent au bastingage, émerveillés par la découverte du golfe de Smyrne qu’ils remontent encore pendant deux heures. Quand la ville apparaît au pied du mont Pagos, étageant en amphithéâtre ses maisons claires aux tuiles orangées, l’émotion les saisit face à tant de beauté harmonieuse. Entre les bâtiments se devinent des jardins ombragés aux rondes canopées épaisses et verdoyantes, que percent les minarets bleus des cyprès. C’est une ville grecque de cœur. Blanche et lumineuse comme n’en ont encore jamais vu les trois garçons.
(page 230)
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Quand Heinrich von Blitsch sort du consulat, la foule, par réflexe, élargit son cercle d'un bon pas prudent. Même s'il ne veut rien en laisser paraître le vieil officier à la retraite reçoit l'élégance de cette automobile française comme une offense à toute la rationnelle puissance de l'industrie allemande.
_ Ce n'est donc que ça, lâche-t-il désabusé. Ça me rappelle un peu les motoscafi de Venise quand j'y étais en poste.
_ Excusez-moi, Votre Honneur, mais il ne s'agit pas ici de simple bois verni. La coque de l'habitacle est faite de trois couches d'acajou croisées sur une ossature en cœur de frêne et le tout est solidarisé par dix mille rivets en cuivre.
Von Blischt raidit sa nuque pour marquer son indifférence. Plus encore que les voitures françaises, il méprise l'arrogance infantile et matérialiste des Américains.
Commenter  J’apprécie          230
La guerre est une histoire de défaites et de victoires, mais la paix n’est faite que de mensonges et de trahisons. On va vous mentir et vous trahir encore et encore, ceux qui vous ont massacrés et ceux qui les ont laissés faire, de nouveau copains comme cochons. Vrais ennemis et faux alliés.
(page 240)
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Il a déjà vu avec inquiétude Beria devenir premier secrétaire du Parti en Géorgie. Puis celui du Parti en Transcaucasie. Puis entrer au Comité central. La presse rappelle qu’en 1924 sa « bravoure bolchevique » a conduit à l’exécution de dix mille nationalistes géorgiens. Tout le monde sait qu’il organise les grandes purges en Transcaucasie pour lesquelles personne n’ose donner de bilan tant il semble monstrueux. Cet homme est allé jusqu’à faire assassiner celui qui avait aidé sa propre mère à financer ses études, histoire de se réinventer un passé plus glorieux et sans témoin.
(pages 482-483)
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Videos de Ian Manook (39) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ian Manook
À l'occasion de la 33ème édition du festival "Étonnants Voyageurs" à Saint-Malo, Ian Manook vous présente son ouvrage "Ravage" aux éditions Paulsen.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2799018/ian-manook-ravage
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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