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Ian Manook, Patrick Manoukian, que j'avais adoré lire dans sa trilogie de polars - Yeruldelgger, Les Temps sauvages et La mort nomade – est un fameux romancier.
Cette fois, il s'est lancé un grand défi : raconter l'histoire de ses grands-parents en s'inspirant de ce que lui racontait sa grand-mère. de 1915 à 1939, d'Erzeroum aux rives du lac Baïkal, je me suis laissé prendre par L'oiseau bleu d'Erzeroum, cette ville d'Arménie occidentale, située dans le nord-est de la Turquie, à 1945 mètres d'altitude, là où tout commence.
Araxie et Haïganouch, sont deux soeurs âgées de dix et six ans. Elles vivent avec leur mère, Gaïanée, seule depuis que Vartan, son mari, est parti à la guerre. À la campagne, pas loin d'Erzeroum, la vie est paisible quand arrivent trois cavaliers turcs, des tchété, supplétifs de l'armée turque, des pillards. Et c'est la première scène de violence qui me plonge d'emblée dans l'épuration, l'élimination programmée des Arméniens, leur génocide.
Ayant de peu échappé à la mort, Araxie et Haïganouch sont recueillies par des cousins, à Erzeroum, dans le quartier arménien situé hors les murs car la citadelle leur est interdite. Hélas, au cours de l'agression ôtant tragiquement la vie de sa mère, Haïganouch a perdu la vue. Araxie veille donc sur elle, heureusement, à chaque instant.
Leur oncle, Krikor Karakozian, sait que 55 000 personnes ont déjà été suppliciées et égorgées à Aykestan et à van et que bien d'autres horreurs ont été commises. Soudain, c'est sur leur communauté d'Erzeroum que s'abat le malheur. Obligés de partir très vite, de tout abandonner, de payer même une taxe, et déjà les premiers massacres, les premiers blessés.
C'est ainsi que, dans cette année 1915, Ian Manook m'emmène sur les chemins de la déportation décidée par la nouvelle République turque. Talaat pacha, le ministre de l'Intérieur, est le grand théoricien de l'épuration et l'ordonnateur de l'extermination des chrétiens. Il est soutenu par Enver pacha, le ministre de la guerre alors que le docteur Nazim a tout planifié pour faire disparaître les cadavres et déporter les survivants dans le grand désert de Deir-ez-Zor où ils ne pourront que crever de faim et de soif.
C'est vrai que dans cette première partie, il faut s'accrocher. J'ai beau avoir entendu parler de ce génocide, ce que raconte Ian Manook est atroce. Ce serait incroyable si tout n'était pas prouvé, avéré.
Des gendarmes encadrent la colonne puis on trie, séparant hommes et garçons de plus de douze ans des femmes et des enfants. Des Kurdes à cheval et d'autres supplétifs se chargent de faire obéir et abattent sans sommation homme, femme ou enfant qui traîne ou tente de résister. Tous les hommes sont tués puis, un peu plus loin, c'est un véritable abattoir humain qui est mis en place près d'une rivière.
C'est justement dans cette rivière que se baigne Hilde von Blitsch, la fille du consul d'Allemagne à Erzeroum, accompagnée d'un jeune citoyen américain, Christopher Patterson. Si Hilde perd la raison devant tous ces cadavres déversés par le courant, Christopher photographie cette abomination qui donne raison à toutes les rumeurs qu'il a entendues.
Pendant ce temps, Araxie et Haïganouch sont arrivées à Diarbekir bien aidées par Chakée, une femme qui les a prises sous son aile. C'est là qu'elles sont vendues comme esclaves auprès d'Assina qui va devenir la seconde épouse d'un riche propriétaire, à Alep.
Lorsqu'elles arrivent dans cette nouvelle résidence, leurs prénoms sont changés et on leur tatoue un petit oiseau bleu entre le pouce et l'index pour marquer leur appartenance à la maison. Araxie dit alors à sa soeur que c'est L'oiseau bleu d'Erzeroum.
Bien des aventures suivent, des événements le plus souvent dramatiques, rarement heureux. Deux jeunes gens hardis et courageux interviennent : Haïgaz et Agop. Ils sont Arméniens et tentent de venger leurs frères lâchement massacrés.
D'Istamboul à Smyrne qui deviendra Izmir suite à l'intervention brutale des troupes de Mustapha Kemal, en 1922, de Berlin à Beyrouth, d'Erevan à Moscou mais aussi de Pont-de-Chéruy à Meudon, l'auteur m'a fait beaucoup voyager et vivre d'importants moments d'Histoire. J'ai croisé des personnages importants pour la suite de l'Histoire et c'est passionnant de bout en bout.
L'attitude des pays européens et des États-Unis d'Amérique devant cet immense massacre d'un peuple est d'une lâcheté immense mais nous savons que cela s'est déjà produit et se reproduira hélas ensuite avec, entre autres, la Shoah et le Rwanda.
Toute cette histoire est bien racontée, réservant des moments de bonheur, de plaisir simple, de délices gastronomiques subtilement détaillés. Impossible de cacher que les grands-parents de l'auteur se retrouveront en France, à Pont-de-Chéruy (Isère) d'abord, puis à Meudon (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine aujourd'hui) où le racisme, la haine des étrangers est bien réelle.
Heureusement, la diaspora arménienne agit et obtient des résultats pour aider les survivants des massacres à refaire leur vie.
Si la Seconde guerre mondiale se profile juste après que le Front Populaire ait obtenu les congés payés et fait reconnaître les droits des travailleurs, en Union soviétique dont fait partie l'Arménie et sa capitale, Erevan, la terreur stalinienne fait des ravages et Ian Manook le détaille très bien.
L'oiseau bleu d'Erzeroum aura-t-il réussi à réunir ces deux soeurs séparées brusquement alors qu'elles étaient encore à Alep ? Pour savoir et vivre intensément comme je l'ai vécu dans ce roman historique et familial, il faut lire L'oiseau bleu d'Erzeroum.

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Un jour, je suis entrée dans une librairie et mes pas m'ont menée tout droit vers ce livre dont je n'avais jamais entendu parler, pas plus que de son auteur du reste.
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Et puis je vois le bandeau, et le mot Arménie me saute aux yeux. Forcément, je regarde la 4e et j'y apprends que l'héroïne n'est autre que la grand-mère de l'auteur, lequel a couché sur le papier le vécu de son aÏeule, à savoir la sinistre déportation de sa communauté organisée par l'État turc en 1915.
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Tout comme Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, je suis d'origine arménienne, et tout comme sa grand-mère, la mienne a vécu les mêmes événements, les mêmes horreurs, et au même âge.
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Ma grand-mère aussi avait une petite soeur, Anna.
La différence entre les destins relatés, c'est que mon arrière-grand-mère n'a pas été tuée et qu'elles ont été déportées ensemble, contrairement à Araxie et Haïganouch, orphelines.
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Leur père était parti à la guerre depuis 8 mois, comme mon arrière-grand-père et aucun d'entre eux n'en est revenu, tous les hommes et jeunes garçons ayant été massacrés, y compris le petit frère de ma grand-mère.
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La déportation a duré des mois, ponctuée de drames, de maltraitances et d'assassinats en masse, chaque journée étant pire que la précédente.
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Survivre aux coups, à la faim, à la soif, aux insultes, aux viols... le tout sous l'inexorable fournaise... contrairement à l'auteur, je n'ai pas les mots.
Comment décrire l'horreur quand elle a existé, pendant que le reste du monde regardait ailleurs.
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On fait aussi la connaissance d'Haïgaz et de son meilleur ami Agop, engagés dès leurs 14 ans chez les fedaï, les milices d'autodéfense arméniennes qui luttaient contre les bourreaux ottomans.
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La diaspora arménienne n'a pas fait couler beaucoup d'encre, le génocide arménien étant resté longtemps méconnu.
Pour exemple, il n'a été officiellement reconnu par la France que le 16 avril 1984 et si la Turquie reconnaît les massacres, elle évoque une guerre civile en Anatolie mais refuse le terme de génocide.
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Le récit se poursuivant jusqu'aux prémices de la Seconde Guerre mondiale, l'auteur, qui nous propose un livre très complet, s'épanche sur les événements politiques dans divers pays et nous croisons certains personnages clés de l'Histoire.
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Pour exemple, nous rencontrons Adolf Hitler... mais je vous laisse découvrir.
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Que puis-je ajouter pour essayer de restituer mon émotion à la lecture de ces témoignages multiples ?
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J'ignorais beaucoup de choses, ma grand-mère ne m'ayant pas raconté grand-chose.
Les Arméniens sont très pudiques et n'évoquent pas toutes ces années d'insupportables souffrances. Et j'avoue ne pas vraiment avoir posé de questions. Je l'ai regretté quand il était trop tard.
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Je conseille fortement la lecture de L'oiseau bleu d'Erzeroum. Bien sûr, ce n'est pas un texte facile à appréhender, les cent premières pages étant glaçantes, mais bon, c'est L Histoire et l'auteur n'a pas fait dans la surenchère. Il a notamment retiré deux passages où il décrivait comment les tueurs égorgeaient à l'arme blanche jusqu'à mille personnes par jour, sous les ponts, à la demande de son éditeur.
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Mais il n'y a pas que de la souffrance, dans ce livre. Il y est aussi question d'amour, d'amitié, de résilience, de courage.
Et au-delà de l'horreur, c'est un véritable page turner que nous avons entre les mains.
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Ô pays que j'aime et quitte à la fois
Dans ma tête un sabre éteint le soleil
L'exil est une mort à nulle autre pareille
Je t'aime dans le noir, et te quitte malgré moi
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Des scarabées dorés sous les eucalyptus
Ne reste qu'un bâton tombé dans la poussière
Maman est morte, dans la cour, sans prière
À leur rage qu'aurions-nous pu donner de plus ?
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De viols en abattoirs, à manger l'immonde
De haines en offenses, sans pitié ni remords
On nous a chassés loin, on nous a voulus morts
Sous le même ciel que le reste du monde.
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Haïganouch
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Araxie, 10 ans, prend soin de sa petite soeur aveugle, Haïganouch. Leurs parents arméniens sont morts, le père à la guerre, la mère massacrée par les turcs dans sa ferme. Tous les membres de la proche famille chez laquelle elles s'étaient réfugiées à Erzeroum décédent au cours de la déportation massive des chrétiens d'Arménie.
Dans la colonne de déportés, les deux fillettes sont prises en charge par Chakée, une vieille femme qui ne manque pas de ressources. Lorsqu'elles arrivent à la forteresse de Diarbekir, Chakée organise, avec l'aide d'un officier turc, la vente des deux fillettes comme esclave d'Assina, 15 ans, la fille d'un médecin local. Cette dernière doit bientôt épouser, mariage arrangé, un riche notable d'Alep.
La vielle femme espère ainsi sauver les deux petites filles...

Ian Manook abandonne (temporairement ?) le polar pour le roman historique ; un roman inspiré par l'histoire de sa grand-mère, réfugiée arménienne. Un changement de genre littéraire particulièrement bien réussi !
L'auteur met ses talents de conteur et de journaliste touristique, ainsi que son passé de grand voyageur, au service d'une véritable épopée en deux parties :
- La première est la lutte pour la survie de fillettes et adolescentes au coeur du massacre des arméniens par les turcs et les kurdes au milieu des années 1910, puis des violences qui accompagnent la décomposition de l'empire ottoman après la guerre perdue de 14-18 ;
- La seconde est le début de la reconstruction personnelle et familiale des jeunes femmes qu'elles sont devenues, avec son lot d'espoir et de réussite, mais aussi de restes de violence.
Le récit est dur, malgré la suppression de certaines scènes de massacre, et poignant, mais il est porté par un espoir : survivre puis se reconstruire et vivre pleinement sa vie.
L'écriture est celle de l'auteur de polar : simple et directe, sans trop de fioritures, mais taillant les scènes au cordeau. Si l'on doit arrêter de temps en temps la lecture, ce n'est pas pour assimiler la complexité du texte, mais pour laisser passer l'émotion ou pour accepter l'idée que oui, des hommes ont été capables de faire ça...
Le roman se termine à l'aube de la seconde guerre mondiale, et appelle donc une suite...
Lien : http://michelgiraud.fr/2021/..
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Ian Manook revient sur l'enfance de sa grand-mère Araxie et de sa petite soeur Haïganouch. Les deux fillettes arméniennes ont survécu au génocide arménien perpétré en 1915 par les turcs et les kurdes. Avec quelques bribes de l'histoire de ses grands-parents mêlés à la fiction, l'auteur a tissé une grande saga romanesque et historique.
Bien sûr, on ne peut parler du génocide arménien, jamais reconnu par la Turquie, sans évoquer ces massacres en masse, ce peuple affamé, violé, battu et, pour ceux qui ont survécu à toutes ces horreurs, déportés vers le désert syrien de Deir-ez-Zor.

« J'ai vu la mort, Nazli, la mort et son cortège. Depuis les terrasses de Mardin on domine la plaine sur plus de vingt kilomètres et je les ai vus. Ils étaient des milliers. Dix mille peut-être. … Mon dieu, Nazli, ce que j'ai vu ! Ils étaient là comme un troupeau errant, avec pour vacher des gendarmes qui les battaient. Que des femmes et des enfants, et quelques vieillards. J'ai vu des gendarmes tuer des retardataires à coup de sabre. Tu te rends compte, Nazli ? Mais que sommes-nous devenus ? »

Araxie et Haïganouch auront la vie sauve grâce à un médecin turc humaniste. Il les achète pour en faire les esclaves de sa fille qui va se marier.
Les évènements vont se précipiter pour les deux soeurs qui finiront par être séparées. Au cours de leurs tribulations, elles trouveront de l'aide et du réconfort mais aussi la haine.
A travers le destin d'Agop et Haïgaz, jeunes fédaï qui résistent, on découvre la volonté d'un peuple qui ne veut pas se soumettre. Leur chemin va croiser celui des deux soeurs ainsi que de beaucoup d'autres.
D'autres personnages viennent étoffer cette fresque historique.
Ces péripéties, long parcours aventureux et romanesque, permet à Ian Manook de plonger son lecteur dans les méandres de cette époque de l'après-guerre.
Avec cette tuerie monstrueuse de toute une population, on assiste au déclin de l'Empire ottoman qui suscite de nombrées convoitises.
Avec le consul allemand en Turquie, on approche un Hitler encore inconnu et on assiste aux bouleversements d'une Europe divisée.
Il y aura aussi l'incendie de la ville de Smyrne où se sont réfugiés de nombreux arméniens, les purges staliniennes en Russie et la montée du front populaire en France.

Pour tisser sa saga historique, Ian Manook multiplie les personnages de tout bord et les fait se rencontrer dans des situations rocambolesques où ils rebondissent sans cesse et cette surabondance de rebondissements finit par lasser.
Je n'ai pas retrouvé le souffle épique qui traversait son roman d'aventure « Ravage ». L'écriture, malgré ses accents lyriques, ne m'a pas séduite. Si le roman est magistralement documenté et son intrigue bien construite, le récit est trop souvent cousu de fil blanc.
Ce que j'ai le plus apprécié dans ce long roman, c'est cette traversée de l'histoire du début du XXe siècle et la découverte de ces évènements que je connaissais mal.
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L'oiseau m'a emportée sur son dos à tire d'aile, il a viré à droite, à gauche, a fait des piqués. Ce bel oiseau bleu m'a fait voyager des contrées lointaines d'Arménie, à la Sibérie, l'Allemagne, puis j'ai vu ma maison en passant au-dessus de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Meudon, l'hôpital militaire de Percy…
Des noms de villes familiers aux oreilles de nombreux arméniens, ainsi qu'aux miennes. Missakian, Manoukian (le véritable nom de Ian ManookManook Ian), … ces personnes avec un nom de famille en -ian, j'en connais plusieurs, croisés pour beaucoup sur les bancs de l'école.
Mais de leur histoire, celle de leur famille, je ne savais rien, si ce n'est qu'ils étaient nombreux à posséder des entreprises de textile et de tricots, et qu'ils avaient réussi à organiser une filière économique florissante dans les années 1980. Las, aujourd'hui, de tout cela, il ne reste plus qu'un seul tricoteur qui vivote en attendant de tirer sa révérence, l'âge d'or n'est plus, tout se passe en Chine désormais. Mais, nulle amertume, les Arméniens ont envoyé leurs enfants à l'école, à l'université et se sont insérés en France, brillement pour la plupart.
Quel chemin parcouru pour ce peuple de revenants, avec une résilience à toute épreuve face au nombre incroyable d'atrocités subies, et qui m'a fait penser, la technologie en moins, à ce que subissent à leur tour aujourd'hui les civils Ukrainiens et plus particulièrement les femmes qui payent toujours de lourds tributs dans ces conflits.
J'ai été saisie par l'horreur de la scène inaugurale du livre, d'une violence inouïe, mais à la suite de laquelle Ian Manook nous replonge dans un autre bain de terreur sans même nous laisser le temps d'une petite respiration.
L'auteur s'est inspiré de la vie de sa grand-mère Araxie, et de celle d'autres Arméniens qu'il a connus pour bâtir son récit. Il révèle avoir, à la demande de son éditeur, supprimé deux scènes du fait de leur extrême violence, alors que les faits rapportés étaient pourtant véridiques.
Ian Manook dénonce avec talent la violence extrême subie par le peuple Arménien lors de ce génocide et les actes barbares et haineux d'un peuple envers un autre (d'ailleurs y compris par les Turcs envers ceux de leur propre communauté qui auront l'audace de porter secours aux Arméniens), qui se répètent inlassablement d'une époque à l'autre, d'un pays à l'autre…
La partie la plus marquante du livre est la première, elle me laissera un souvenir indélébile, elle concerne tous les évènements se déroulant en Arménie du temps de l'enfance d'Araxie et de sa petite soeur devenue aveugle Haïganouch. Araxie et Haïganouch, vendues comme esclaves à une famille turque, ce qui leur évitera une agonie certaine dans le désert de Deir-er-Zor, dans lequel des milliers de déportés arméniens mourront de faim et de soif sous l'oeil au mieux indifférent ou cruel de l'armée turque.
La seconde partie avec l'installation en France puis en région parisienne, si elle nous apprend plein de faits historiques très instructifs et intéressants, perd en intensité et en tension. Les multiples et récurrents personnages entre lesquels on navigue sans cesse ont moins capté mon attention, et j'ai trouvé certaines invraisemblances dans le fait que trop de personnages ont des liens entre eux sans le savoir. Ian Manook peine un peu à trouver des rebondissements dans cette partie du récit qui aurait gagné à être un peu plus condensé.
Un livre très dur, mais salutaire qui permet de découvrir l'Histoire du peuple arménien.
Je serai bien sûr au rendez-vous de la suite, le chant d'Haïganouch, à paraître en septembre 2022.
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Le poète a toujours raison
Qui voit plus haut que l'horizon
Et le futur est son royaume
Face aux autres générations
Je déclare avec Aragon
La femme est l'avenir de l'homme

La femme est l'avenir de l'homme
et qu'en fait-il ?

des guerres, toujours et encore des guerres,
de combats de coqs en marquages de territoires
de massacres en génocides, d'éliminations en exterminations,
au nom de la religion, au nom du profit économique, au nom de l'agrandissement du royaume, au nom de la politique, au nom de l'idéologie.
Tant et tant de aux noms que l'homme en perd le sien et sa raison.

Les 47 chapitres de ce roman sont comme autant de fenêtres ouvertes sur le monde et son Histoire de 1915 (Erzeroum, Arménie turque) à 1939 - provisoirement avec ce tome 1, quelque part sur la terre.

Nous y traversons d'est en ouest, de l'Orient à l'Occident, mers, océans, peuples, religions, traditions, champs de bataille, charniers, morts, d'une guerre à l'autre, d'un massacre à un autre, quand l'un finit commence un nouveau ou s'annoncent les prémisses du suivant.

Un immense sentiment de découragement et d'accablement face à cette photographie du monde et de notre histoire à tous, au-delà même de celle du peuple arménien. Répétitions, générale, première, représentations et attention Mesdames et Messieurs, dans un instant, cela va (re) commencer.

Reprendre respiration avec les mots de l'auteur qui souhaite simplement:
"Aux enfants de toutes les diasporas, qui enrichissent de leur culture celle qui les accueille. Que leurs différences s'ajoutent plutôt que de s'exclure."

L'enfant est l'avenir du monde. Une évidence
- Ah si c'était si simple. La terre tournerait rond et nous arrêterions de nous cogner à ses arêtes. - tais-toi mauvaise langue ou nous te la couperons -

L'oiseau bleu d'Erzeroum est une fresque historique riche et très bien documentée (enjeux politiques, économiques, sociétaux, sociaux, religieux, en Orient, en Occident, USA, URSS, Europe), une saga romanesque, un roman dense en émotions et en couleurs intenses.

L'auteur a eu l'épicurienne inspiration de parsemer son roman de textes (via Haïganouch et différents poètes arméniens et russes), de plats aux saveurs de là-bas, de paysages et de femmes belles comme le soleil ou comme les étoiles, les oiseaux, ---- les chants, les murmures ---

- Elle sourit dans le noir, ils ne peuvent la voir.
Une autre guerre, ma soeur. Une autre guerre.
Où que tu sois, prends soin de toI.
Je demande à la lune ---

- Elle reste longtemps silencieuse, dans la fraîcheur d'une nuit qu'elle devine immense et étoilée au-dessus du Baïkal.
Une autre guerre, ma soeur. Une autre guerre
Où que tu sois, prends soin de toi.
Je demande à la lune ---

La pléiade de personnages, de continents, de coutumes, de religions, d'océans, de traditions, de couleurs, de senteurs, de saveurs, de poésies souvent (merci auteur(s)), de guimauve un peu loukoum par moments sont ici autant de respirations bienvenues et nécessaires pour nous permettre de digérer (parfois) toutes les atrocités endurées par le peuple arménien dont la population fut massacrée à plusieurs reprises, méthodiquement, systématiquement et qui n'eut comme solution que de se battre pour certains (Fedaïs), de mourir pour beaucoup, de se faire secourir pour quelques uns, de s'enfuir pour les plus 'chanceux' et d'essaimer à travers le monde en espérant s'y reconstruire une vie où Eros serait à nouveau présent et Thanatos renvoyé aux enfers dont ils s'étaient sortis.

Retrouvons-nous en 1939 pour le second volet de cette trilogie.
Enfin, je crois moi que j'y serai à ce rendez vous bleu entre le pouce et l'index pour le voir encore l'oiseau --
Alors. Trinquons à ces retrouvailles
Guenatz !
- Guenatz !

La lecture de ce roman m'a pris du temps comme j'aime parfois en prendre autant qu'apprendre. Il est rare qu'un auteur interpelle autant sur un sujet, ici ses interpellations étaient tellement nombreuses et diverses que si je le connaissais personnellement, je lui chuchoterais au creux de l'oreille: Auteur, pourrais-tu joindre à ton roman une quatrième partie reprenant les textes, les poésies, les recettes, les paysages comme autant d'hommages à ton peuple et au mien et au sien, ...


Scénario original:
1915, non loin d'Erzeroum, en Arménie turque.
Araxie, dix ans, et sa petite soeur Haïganouch, six ans, échappent par miracle au massacre des Arméniens par les Turcs.
Déportées vers le grand désert de Deir-ez-Zor et condamnées à une mort inéluctable, les deux fillettes sont épargnées grâce à un médecin qui les achète comme esclaves, les privant de leur liberté mais leur laissant la vie sauve. Jusqu'à ce que L Histoire, à nouveau, les précipite dans la tourmente.
Séparées, propulsées chacune à un bout du monde, Araxie et Haïganouch survivront-elles aux guerres et aux trahisons de ce siècle cruel ? Trouveront-elles enfin la paix et un refuge, aussi fragile soit-il ?

C'est autour de l'enfance romancée de sa propre grand-mère que Ian Manook, de son vrai nom Patrick Manoukian, a construit cette inoubliable saga historique et familiale.
L'odyssée tragique et sublime de deux petites filles rescapées du génocide arménien.

L'oiseau bleu d'Erzeroum, T 1, est sorti le 7 avril 2021 chez Albin Michel.

'Un roman plein d'humanité où souffle le vent furieux de l'Histoire, une galerie de personnages avides de survivre à la folie des hommes, et le portrait poignant des enfants de la diaspora arménienne'

L'auteur:
Bourlingueur, journaliste, patron d'une société de communication... On ne compte plus les métiers exercés par Ian Manook. Pas plus que les nombreux prix (Polar SNCF, Elle Polar, Quais du polar....) qui ont couronné sa trilogie de « thrillers mongols » : Yeruldelgger, Les temps sauvages et La mort nomade (Albin Michel), traduits dans près de 10 langues... plus ceux publiés sous le pseudo de Roy Braverman.

- Roman acheté le 9 avril 2021 -
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A partir du récit de sa grand-mère qui a vécu l'horreur du génocide arménien et la diaspora qui a suivi pour les quelques survivants, Ian Manook a dû faire d'importantes recherches historiques pour nous offrir ce roman d'un très grand intérêt et d'une grande qualité.

Le récit débute en 1915 dans un village près d'Erzeroum, en Aménie turque, avec le massacre de la famille de deux petites filles, Araxie et Haïganouch par les kurdes et les turcs.
On a beau savoir que ce génocide a existé, on n'imagine pas l'horreur qu'ont vécue les arméniens et la violence des exactions commises. L'auteur nous les fait découvrir, le début du roman est très dur mais ce livre est indispensable pour que la mémoire de cette tragédie demeure et pour nous faire prendre pleinement conscience de ce qui a existé.

Miraculeusement sauvées par le hasard de leurs rencontres et leur immense courage, Araxie et Haïganouch vont traverser les épreuves et les pays jusqu'en 1939 dans le premier tome de cette trilogie.

C'est un livre d'Histoire que nous propose l'auteur. de l'Orient à l'Occident, on redécouvre les grands moments qui ont marqué non seulement les arméniens mais les peuples d'Europe, des Etats-Unis d'Amérique, d'Union Soviétique.
L'auteur présente les enjeux politiques, économiques, religieux, sociaux, tout ce qui fait la société de cette époque et qui représente les prémices de guerres et de nouveaux massacres à venir.
On apprend beaucoup ou on se remémore ce passé pas si lointain. le roman est très dense mais toute cette Culture nous est apportée naturellement, on la reçoit facilement, c'est riche tout en restant très accessible. A travers ses mots, l'auteur a su nous embarquer dans cet enchaînement de circonstances et de manigances politiques qui mènent les peuples à toujours plus de guerres, toujours plus de conflits où les victimes sont les bourreaux de demain et ainsi de suite...

Dans cette Histoire, mondiale on peut dire, c'est l'histoire de sa famille que Ian Manook nous raconte, cette famille qui a traversé toutes les épreuves et toutes les horreurs, dans différents pays.
De nombreux personnages colorent ce roman, certains courageux comme Haïgaz et Agop, deux jeunes arméniens qui ne reculent devant rien pour venger et protéger leur famille. D'autres sont horribles, certains bienfaisants, là aussi le récit est très riche en personnalités différentes.

Et puis, au milieu de toute cette noirceur, l'auteur a su nous ménager des plages de poésie, notamment avec les poèmes d'Haïganouch et de ses amis intellectuels russes mais aussi avec ses descriptions de paysages tout en finesse, tout en beauté. La description des plats arméniens, de toute cette Culture que les rescapés perpétuent, en France notamment, sont autant de bonheurs qui permettent au lecteur de faire retomber la pression des abominations décrites.
Ces moments heureux subliment le roman et le rendent lisible malgré la violence du contexte.
Il faut du talent pour le faire, l'auteur n'en manque pas. Je serai au rendez-vous pour le 2ème tome !


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Il est rare que j'aie autant de mal à écrire un retour sur un livre que j'ai aimé, en général c'est plutôt ceux que j'ai très moyennement appréciés qui me donnent du fil à retordre. Mais celui-ci entre dans la catégorie qui vous tord les tripes et vous émeut au point qu'il est impossible d'en partager de suite son ressenti, il faut laisser reposer un peu avant. J'en ai relu quelques très belles critiques (celles de Sam ou de Gruz pour ne citer que ces deux-là, mais il y en a bien d'autres qui sont remarquables). Et je doute d'arriver à restituer aussi bien ce que j'ai éprouvé à cette lecture.
Ian Manook, je l'ai déjà rencontré sous d'autres noms, notamment celui de Roy Braverman dans la trilogie "Hunter", que j'avais beaucoup appréciée. Mais là...on passe à quelque chose de bien plus prenant, quelque chose qui prend racine dans la propre vie de l'auteur, puisque si cette histoire n'avait pas existé, l'auteur n'aurait pas pu l'écrire, il ne serait pas né.
En effet, Patrick Manoukian (son vrai nom) est le petit-fils d'Araxie, une des héroïnes de "L'oiseau bleu d'Erzeroum" mais également d'Haïgaz, un autre personnage crucial du récit. Araxie et sa petite soeur Haïganouch habitaient près d'Erzeroum avec leur maman quand l'horreur a déferlé sur elles, laissant Haïganouch aveugle et les fillettes orphelines dans cette Arménie turque qui ne veut plus de ses habitants chrétiens. Entre mensonges et spoliations, toute une population va être jetée sur les routes dans des conditions épouvantables vers une mort presque inéluctable dans le désert de Deir-ez-Zor, là où leurs bourreaux turcs ont décidé de les laisser crever. Grâce à l'aide d'une vieille femme rusée, Chakée, qui va les prendre sous sa protection, les deux petites vont échapper au pire, mais leurs épreuves sont loin d'être terminées pour autant. Et elles vont être séparées assez rapidement, sans espoir de se retrouver.
Dans le même temps, deux gamins des rues, arméniens également, tentent de s'en sortir par tous les moyens, même les plus audacieux et illégaux. Ce sont Haïgaz et Agop, qu'on suit également lors de péripéties parfois tragiques, mais aussi plus souriantes de temps en temps.
Ces quatre destins vont finir par se croiser, au gré de leurs rencontres avec des êtres parfois bienveillants, mais le plus souvent animés des pires intentions.
On comprendra comment quelques potentats ont décidé d'anéantir tout simplement une population entière, au simple motif que leurs dieux ne sont pas les mêmes. Bien sûr, l'histoire fourmille malheureusement d'exemples similaires, et d'ailleurs le roman s'achève alors qu'un autre de ces tyranneaux, allemand celui-ci, est en train de préparer le prochain génocide.

Patrick Manoukian a réussi le tour de force de raconter une histoire absolument atroce, celle de son peuple, de sa famille sans édulcorer (enfin un peu quand même : son éditeur lui a fait supprimer deux scènes), tout en y semant des graines d'espoir tout du long, ce qui rend le récit supportable et même plaisant à certains moments. On y trouve de l'humour, notamment avec les facéties des deux ados Haïgaz et Agop qui m'ont arraché des sourires, de l'humanité aussi, quand parmi les bourreaux tout à coup l'un deux se révèle humain, quand même. Et les poèmes d'Haïganouch introduisent des touches d'une beauté lumineuse y compris au coeur de l'horreur. Bien sûr l'histoire est romancée, mais tous les faits touchant à la politique turque et internationale relatés y sont authentiques, y compris les sales petits calculs d'autres gouvernements soi-disant "indignés" de ce génocide. Ca fait mal, croyez-moi ! Et c'est justement cette authenticité qui rend ce roman si poignant, qui fait qu'on a mal en le lisant, mais qu'on souhaite si ardemment que ces jeunes s'en sortent.
Je suis ressortie à bout de souffle de "L'oiseau bleu d'Erzeroum", n'ayant plus qu'une idée en tête : découvrir ce qui s'est passé après. Mais ce ne sera pas pour tout de suite, il me faut d'abord digérer ma lecture, et intercaler un peu de légèreté pendant mes vacances, c'est nécessaire après un tel choc littéraire.
Je recommande ce livre à tous ceux qui peuvent en encaisser la dureté, les cent premières pages étant vraiment éprouvantes, d'autres l'ont dit avant moi. Mais si vous vous sentez capable d'affronter la crudité et l'horreur d'un pan de notre histoire contemporaine qu'il ne faut surtout pas oublier, n'hésitez pas.
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J'ai découvert ce livre, il y a un moment, grâce à la magnifique critique de mon amie Sam (SamDLit) , Si bien que je l'avais offert à maman lors de son anniversaire en Septembre dernier. Elle en est sortie enthousiasmée et m'en a beaucoup parlé.
J'ai eu l'impression en le lisant de remettre mes pas dans les siens. Cela a ajouté encore à l'émotion dégagée par ce livre.

Le génocide des arméniens, on en a tous entendu parler. Ce livre, via la vie romancée de la grand-mère de l'auteur, nous en dévoile toute l'horreur, dans une première partie qui relate l'exode des arméniens et les sévices qu'ils ont subis. J'ai été bouleversée par la lecture de ces pages, parfois insoutenables, parfois pleines d'humanité et de personnages inoubliables.

Le livre raconte en en parallèle l'histoire de deux soeurs, dont l'ainée deviendra la grand-mère de Ian Manook, et celles de deux jeunes garçons, dont l'histoire viendra se mêler à celle des soeurs, pour notre plus grand plaisir, puisque l'un des deux deviendra le grand-père de l'auteur. Sans cette rencontre, point d'écrivain et point de plaisir de lecture, pour nous pauvres lecteurs.
Je ne vais pas revenir sur les détails de leurs épopées, puisqu'évoquées à de nombreuses reprises dans beaucoup de critiques. Sachez seulement que l'on ira de Turquie en France, en passant par les États-Unis et la Russie. J'ai aimé ce livre, par ses personnages, auxquels on s'attache rapidement, par les aventures souvent tragiques, mais aussi entrecoupées de moments de bonheur, par la façon dont l'auteur mêle histoire intime et Histoire avec un grand H. A coté des évènements touchant les personnages, il évoque en parallèle de nombreux aspects tant politiques que religieux, mais aussi la poésie et la cuisine.
J'ai aimé la façon dont l'auteur nous permet de redécouvrir cette histoire via la vie de ses personnages. J'ai aimé me mettre à leur place et découvrir tous ces évènements en oubliant ce qui allait suivre, comme si j'étais née en même temps qu'eux. J'ai appris des détails que j'ignorais. L'histoire est plus vivante quand incarnée dans des personnages de roman.

Il m'a fallu du temps pour aborder ce livre. le grand avantage, c'est que j'aurai moins longtemps à attendre pour lire la suite.
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Après la série « Yeruldelgger », un très bon policier en pays mongol où se mêlent suspense, paysages sauvages et traditions, je découvre Ian Manook dans un registre bien différent. En effet, « L'oiseau bleu d'Erzeroum », premier tome d'une trilogie, est incontournable pour ceux qui veulent comprendre le génocide arménien par les Turcs en 1915 et la diaspora qui suivra.
A travers le regard de sa propre grand-mère, l'auteur raconte l'enfer de la déportation vers le grand désert de Deir-ez-Zor et l'extermination du peuple arménien autour de personnages nuancés et parfaitement dessinés.

*
Ce livre est d'une puissance évocatrice telle que même si l'auteur a enlevé les scènes les plus dures, le premier tiers du roman est difficile à lire. Malgré ces coupes, les descriptions d'une violence brute et impitoyable montrent l'ampleur de la tragédie, la violence et l'acharnement à éradiquer tout un peuple.

« La haine est un gaz lourd. Il traîne sur la plaine longtemps après la fin des combats. »

Il existe des mots pour décrire la chaleur, la faim, la soif, les agressions physiques et sexuelles, les blessures, la peur, l'épuisement et les corps qui renoncent. Il existe des mots qui brisent, abîment, exterminent, massacrent. Il existe des mots qui montent la détermination, la ferveur, le fanatisme, la haine à nuire, à détruire.
Et dans ses mots, le lecteur encaisse de plein fouet le désespoir, l'incompréhension, le courage, la peur et la souffrance des uns, la haine et l'inhumanité des autres.

Totalement chamboulée par cette lecture, je reste sans voix, trouvant difficilement les mots pour dire combien ce récit m'a touchée, émue, remuée, bouleversée. Je crois sans peine tout ce que dit l'auteur, mais j'ai du mal à réaliser comment des êtres humains peuvent faire preuve d'autant de barbarie, de sadisme et de cruauté envers d'autres êtres humains. Et pourtant, chaque jour, les images des conflits actuels nous frappent par leur monstruosité, montrant combien l'homme est capable du pire : purification ethnique, tortures, viols, exécutions, tueries, dans la plus extrême dénégation de l'humanité des autres.

« L'abattement de leurs victimes donnent aux hystériques le courage des lâches. »

*
L'histoire commence en 1915 en Arménie turque près d'Erzeroum, alors que le ministre de l'Intérieur turc Talaat Pacha déclenche un plan « Expédition » visant la purification ethnique par l'effacement des chrétiens arméniens et la confiscation de leurs biens afin de fonder une nation turque. L'histoire s'achève au moment où débute la seconde guerre mondiale.
L'auteur nous raconte comment deux soeurs, Araxie, dix ans, et Haïganouch, six ans, vont réchapper du génocide qui causera la mort de plus d'un million et demi d'Arméniens, dont la famille des deux fillettes.

« Vienne la nuit, sonne l'heure
Les jours s'en vont, je demeure… »
Guillaume Apollinaire

*
C'est un récit sans rancune ni colère, un récit plein d'humanité mais sans oubli non plus, un récit qui oscille entre douceurs et atrocités. Malgré une ambiance sombre et tendue, les petites orphelines croiseront sur le chemin de la déportation, des personnages lumineux, d'une grande bonté, tout comme des monstres.

« La morale, c'est pour les faibles. La politique, c'est justement la victoire de l'efficacité sur la morale. »

Leurs deux voix vont se mélanger à d'autres, amenant des regards croisés et complémentaires sur cette tragédie : il y a la vieille Chakée douce et généreuse ; la jeune Assina, femme-enfant mariée à un Turc d'une grande brutalité ; Agop et Haigaz, de jeunes Arméniens ; Christopher Patterson, un soldat américain, et encore d'autres qui chacun à leur manière élargissent la vision du conflit et apporte un nouvel éclairage.

*
L'écriture d'Ian Manook est belle de simplicité, terriblement émouvante, forte et âpre tout en étant lyrique, prenante mais parfois insupportable.
De ces histoires d'enfance crues et éprouvantes, beaucoup d'émotions se télescopent. Parfois, une lumière perce les ténèbres et la noirceur humaine. D'autres fois, fusent quelques lignes poétiques d'une grande beauté, jusqu'à ce que les images fassent sens et se teintent d'horreur.

« C'est un trou de verdure au creux des collines bleues, brodé de mûriers et d'aubépines. Au fond chante un ruisseau limpide. Il court dans l'herbe verte qui bruit sur ses berges du silence léger des fleurs de pavot sauvage. Leurs corolles rouges sont des papillons écarlates. Krikor est le premier à rouler dans l'herbe, sa chemise blanche mouchetée de trois taches de sang. Comme des coquelicots. »

Le texte abonde d'images, mais aussi de sons, de couleurs, d'odeurs, de sentiments, de peurs, de désirs, d'envie de survivre et de se reconstruire.
Le thème central sur le génocide arménien est lourd et violent. Néanmoins, l'oiseau bleu d'Erzeroum tatoué sur les deux fillettes survole le temps, l'histoire avec un grand H et transmet de beaux messages d'amour, d'amitié, d'identité, de résilience, de sacrifice, d'espoir et de survie.

« … chacun de leurs bourreaux a été, un jour, cet enfant innocent promis à l'amour et à la paix. »

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Pour conclure, ce que je retiens de ce magnifique roman, c'est cet oiseau bleu si petit mais si lumineux, symbole d'espoir et de résilience de tout un peuple. M'étant attachée aux personnages, je referme ce roman en pensant à sa suite, « le chant d'Haïganouch ».
Un roman indispensable pour tous ceux qui souhaitent en apprendre davantage sur le génocide arménien, un pan de l'histoire trop peu évoqué et mal connu.
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