UNE FEMME CRÉAIT LE SOLEIL…
Une femme créait le soleil
En elle
Et ses mains étaient belles
La terre plongeait sous ses pieds
L’assaillant de l’haleine fertile
Des volcans
Ses narines palpitaient ses paupières se baissaient
Empesées par le lourd limon de l’oreiller
C’est la nuit
Et l’égratignure tranquille où meurt le vide haletant
Se bat se débat s’ouvre et doucement se ferme
Sur la verge dodelinante de Noé l’explorateur
Oublie-moi
Que mes entrailles respirent l’air frais de ton absence
Que mes jambes puissent marcher sans chercher ton ombre
Que ma vue devienne vision
Que ma vie reprenne haleine
Oublie-moi mon Dieu que je souvienne.
Laisse-moi t’aimer.
J’aime le goût de ton sang épais
Je le garde longtemps dans ma bouche sans dents.
Son ardeur me brûle la gorge.
J’aime ta sueur.
J’aime caresser tes aisselles
Ruisselantes de joie.
Laisse-moi t’aimer
Laisse-moi sécher tes yeux fermés
Laisse-moi les percer avec ma langue pointue
Et remplir leur creux de ma salive triomphante.
Laisse-moi t’aveugler
Tu veux mon ventre pour te nourrir
Tu veux mes cheveux pour te rassasier
Tu veux mes reins mes seins ma tête rasée
Tu veux que je meure lentement lentement
Que je murmure en mourant des mots d’enfant.
Oublie-moi
Que mes entrailles respirent l’air frais de ton absence
Que mes jambes puissent marcher sans chercher ton ombre
Que ma vue devienne vision
Que ma vie reprenne haleine
Oublie-moi mon Dieu que je souvienne.
Oublie-moi.
Que mes entrailles respirent l’air frais de ton absence
Que mes jambes puissent marcher sans chercher ton ombre
Que ma vue devienne vision
Que ma vie reprenne haleine
Oublie-moi mon Dieu que je me souvienne
Insensiblement tu glisses vers la folie des rêves.
Insensiblement tes yeux se ferment à la vie.
Tes prunelles dilatées se noient dans l’océan blanc.
Ta bouche tombe en versant le trop-plein
De ta cervelle sans amarres
De ta langue paralysée.
La chambre toute la chambre se crispe en attendant
Tes hallucinations.
Faire signe au machiniste (1976),
Oui j’ai des droits sur toi
Je t’ai vue égorger le coq
Je t’ai vue laver tes cheveux dans l’eau souillée des égouts
Je t’ai vue soûle de la riche odeur des abattoirs
La bouche emplie de viande
Les yeux pleins de rêves
Marcher sous le regard des hommes épuisés.
Cris
Je veux me montrer nue à tes yeux chantants.
Je veux que tu me voies criant de plaisir.
Que mes membres pliés sous un poids trop lourd
Te poussent à des actes impies.
Que les cheveux lisses de ma tête offerte
S’accrochent à tes ongles courbés de fureur.
Que tu te tiennes debout aveugle et croyant
Regardant de haut mon corps déplumé.