"J'avais du mal à me dégager de l'étreinte bourrue de ma solitude."
Car si insensible qu’il soit, un esprit ne sait pas résister tout seul à une femme amoureuse. Une femme amoureuse est une présence physique. Un corps qui, entre tous les corps de la terre, cherche et veut seulement le nôtre. Nous sommes des animaux, nous sommes faits de chair et de sang, nous avons besoin du corps pour sentir l’âme aussi.
La vie doit être dépensée tout de suite, consommée sur place, quand elle est encore chaude (…)
Le finnois non, il n'a pas été inventé. Les sonorités de notre langue étaient autour de nous, dans la nature, dans les bois, dans le ressac de la mer, dans le cri des animaux, dans le bruit de la neige qui tombe. Nous les avons seulement recueillies et prononcées. Quand Dieu a créé l'homme, il ne s'est pas soucié d'envoyer des hommes jusqu'ici. Et il nous a donc fallu nous débrouiller pour sortir tout seuls de la matière inerte. Nous avons souffert pour devenir des êtres vivants. Avant, nous étions des arbres, des lacs, des rochers, du vent. Devenir des hommes tout seuls n'a pas été une plaisanterie. Le finnois est une langue massive, légèrement bombée sur les côtés, avec des fines entailles à la place des yeux, comme sont faites les maisons à Helsinki, les visages de notre peuple. C'est une langue aux sonorités douce-âtres et molles comme la chair de la perche et de la truite que l'on cuit les soirs d'été....