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Critique de tamara29


Je remercie Babelio et les éditions LePassage pour le magnifique « Scènes de crime à Orsay » de Christos Markogiannakis.
Diplômé de criminologie, avocat pénaliste pendant quelques années, cet homme forcément imprégné de mythologies par ces origines grecques, féru d'art, nous offre un essai d'« art criminel ».
Idée originale qui nous permet de (mieux) découvrir des oeuvres d'art du musée d'Orsay par le prisme de la criminologie ! Et inversement.
Chaque thème criminologique est en effet abordé à travers une ou plusieurs oeuvres d'art. Elles représentent chaque fois un crime peint ou sculpté par un artiste parfois de renom (Cézanne, Rodin, Moreau, Sérusier, etc.) exposé au Musée d'Orsay. L'auteur nous détaille l'oeuvre en rappelant le contexte historique et social, l'histoire parfois mythologique liée à cette oeuvre, tout en les soulignant par des analyses, statistiques, typologie et faits criminels plus contemporains (meurtre de masse, tueur en série, les multiples mobiles, etc.).
Ce fut pour moi un réel plaisir (quelque peu morbide ou voyeuriste ?) que d'aller d'un tableau à un autre, de prendre le temps de regarder les détails que l'auteur nous décrivait, de comprendre enfin certains symboles présents. Tel un Poirot à la sauce grecque, Markogiannakis résume suffisamment l'histoire de chaque scène de crime (ou oeuvre), rappelant avec précision le rôle de chaque protagoniste pour qu'on arrive à le suivre avec intérêt, sans qu'on s'essouffle ni qu'on se perde en route.
Par ses rapprochements avec l'histoire plus actuelle (la chasse aux sorcières, les divers attentats politiques –Kennedy par exemple-, les homicides les plus marquants du 20ème siècle), il nous garde en haleine comme si on tenait entre les mains un vrai bon polar. Ces parallèles avec l'histoire contemporaine nous rappellent aussi que nous, les mortels, ne sommes pas si différents des Dieux de la mythologie. Et que cela fait parfois froid dans le dos lorsqu'il évoque les violences au sein d'un foyer, les tueurs en série, les génocides, les différentes méthodes pour la peine de mort passées et encore actuelles (selon Amnesty International, 23 pays au moins en 2017 ont appliqué la peine de mort dont Les Etats-Unis, la Chine ou l'Arabie Saoudite)….
Certes, il m'a paru étonnant de me voir apprécier le travail et la création de bon nombre de ces artistes alors qu'il s'agissait uniquement de représentations de crimes et de morts, bien loin de la douceur des impressionnistes ou de l'onirisme des préraphaélites ou encore de l'enchantement des couleurs d'un Pollock ou d'un Zao Wou-ki.
Mais ces tableaux sont notre histoire, notre ADN. Il est d'ailleurs rappelé en début d'ouvrage que le crime fait partie de notre société : « une société qui en serait exempte est tout à fait impossible » selon le sociologue Durkheim. Tout comme nous allons voir des expositions de tableaux qui n'ont pas forcément de peinture rouge sang mais sont aussi beaux et terriblement sombres par leur réalisme social et tragique (la période bleue de Picasso –maladie, pauvreté-, Guernica de Picasso encore, les dessins collés sur les murs d'Ernest Pignon-Ernest, les oeuvres humanistes et écologiques de Frans Krajcberg, etc.).
En plus de la qualité de ces oeuvres et du travail d'archive et de criminologue réalisé par l'auteur, j'ai pris aussi plaisir bien entendu à me remémorer les histoires d'amour, les personnages mythologiques et les tragédies les plus célèbres représentées : la guerre de Troie-Hélène, Agamemnon et Clytemnestre, Sarpédon (fils de Zeus)-, Orphée et Eurydice, Méduse, les danaïdes et tant d'autres encore.
Cela me paraît d'ailleurs une bonne façon d'amener les (grands) adolescents à s'intéresser à l'Art et arriver les emmener aux musées grâce à cette approche différente des oeuvres d'art. Pour ma part, j'ai éprouvé comme une sorte de satisfaction de me sentir un peu plus « cultivée » à la fin de cet essai.
A ma prochaine escapade au musée d'Orsay, il est fort à parier que je ne me contenterai pas de faire l'exposition en cours. Dans les dédales du musée, je partirai à la recherche de ces oeuvres présentées, en m'arrêtant plus longtemps devant ces tableaux, souriant peut-être en croyant que mon oeil est plus aiguisé et que je suis à même de mieux apprécier et les comprendre, me prenant presque pour un policier aguerri devant une scène de crime, sur les traces du coupable.
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