Nous sommes le 22 novembre 845.
Une date à ne jamais oublier pour nous bretons. La bataille de Ballon est un succès complet. Peu d'hommes ont été engagés mais le résultat est aussi capital pour la Bretagne que Tolbiac pour Clovis, Rocroi por Louis XIV ou la Marne pour Joffre. Soudain tout à changé .La patrie a conquis son indépendance, et compris qu'on pouvait vaincre les francs en face, sur le champ de bataille. Du reste, pour ceux qui n'auraient pas perçu le message, nous allons le transmettre une seconde fois, six ans plus tard, les 21,22 et 23 août 851, à Jengland, au nord-est de Redon. Et là, sous les ordres d'Erispoé, le fils de Nominoé, le bilan sera effrayant, accablant pour les francs. Non seulement la bataille aura duré trois jours entiers, entre deux armées forts nombreuses cette fois-ci, mais encore les pertes
seront énormes pour nos adversaires. Non que le combat nous ait entièrement favorable mais parce que Charles, à l'aube du troisième jour, filera à l'anglaise. Sans prévenir personne, il fuira le champ de bataille. Une désertion en rase campagne qui brisera l'élan de ses troupes. En quelques minutes, abandonnant le pavillon royal, les tentes de la cour, leurs trésors et les machines de guerre, toute la noblesse s'échappera au galop dans le plus grand désordre. Dès le premier assaut D'Erispoé, la débandade tournera à l'hallali. Un carnage ! Et une chevauchée fantastique. ....La Bretagne est libre. Une autre page de l'histoire s'ouvre pour elle. Elle n'est plus gauloise, elle ne songe pas à être française. Pendant six cent quatre-vingts ans, elle va être bretonne.
Nominoé avait porté la couronne ducale quelques mois après une longue vie de simple chef. Erispoé, lui, fut un roi dès le premier jour. Au soir de sa victoire éclatante, à Jengland, il avait crié : Doué zo en nev, ha tiern é Breizh ! Il y a un Dieu au ciel et un chef en Bretagne ! Personne ne le contestait. En quelques années, son royaume était devenu indépendant. Et vaste ! Enfin les deux Bretagne étaient réunies. Le chœur du duché bretonnant ( Domnonée, Cornouaille, Léon, Broërec et Vannes) et les deux comtés francs de Rennes et Nantes. L’ancienne Armorique était reconstituée.
Six cent quatre-vingts ans ! Si on met de côté les toutes dernières décennies où le clan français et les traîtres à son service avaient fait de cette liberté un leurre, nous allons avoir pendant six siècles et demi un territoire, une capitale, un duc, un Etat, une administration, des traités marchands , des ambassades, un commerce, une armée..
Si la géographie est l'oeil de l'histoire, alors l'homme est le dernier venu en Bretagne.
Avant lui, mille autres créatures se sont inscrites dans las annales régionales.