Le loup solitaire

Les boulettes de viande étaient de la taille de balles de baseball, parfaitement brunes et croustillantes à l'extérieur. Elles se démontèrent dès que Léo y planta sa fourchette. Le goût lui rappela des diners pour des occasions spéciales dans son enfance. Il y avait de plus jolis restaurants à Spokane, bien sûr. Le restaurant français chic à quelques rues de là ou le grill japonais en centre-ville. Chez Rosario, cependant, tout était fait avec amour.
L'établissement lui-même avait été construit dans les années quatre par les parents de Rose. L'intérieur était de style classique italien : des briques aux murs, des nappes blanches, des bougies blanches qui vacillaient près de vieilles bouteilles de vin. Les box étaient assez larges pour toute une famille, cependant les petites tables étaient intimes. Parfaites pour un rencard.
Léo fut heureux de manger dans un endroit confortable et en silence, remarquant que Jackson faisait attention à ne pas mettre de la sauce sur sa chemise gris clair. C'était mignon, en particulier avec cette petite tache sur la joue.

Il ne se souvenait pas de la dernière fois qu’il s’était masturbé avec seulement des images dans sa tête.

Il n’était pas encore sûr de comment contourner ce problème de « mon âme sœur a un pénis » pour l’instant, donc il sauta ce passage pour l’idée d’être déjà en lui. À ce moment, Leo serait tout frissonnant, s’agrippant au dos de Jackson tandis qu’il poussait gentiment encore et encore, serré et humide autour de son sexe. La bouche de Leo sur son cou, émettant des sanglots brisés et silencieux tandis qu’il frémissait sous son orgasme.

Jackson eut l’impression que quelque chose se déclencha et se réveilla en lui quand il jouit, rua des hanches et s’arqua sur le lit.

Il n’était pas prêt à abandonner son rêve, même lorsqu’il fut submergé des répliques de son orgasme impressionnant.

— Nous surveillons l’activité garou dans tout l’état, déclara la femme. C’est surtout pour notre protection, en tant qu’humains, mais nous intervenons lorsque nous pensons que quelqu’un a besoin de notre aide.

— Je n’ai pas besoin de votre aide, dit Leo aussi énergiquement que possible.

Il se décala, mais la femme bougea avec lui.

— Cela ne prendra qu’un moment, monsieur Gallagher. Savez-vous que le mythe d’âmes sœurs loup-humain a été réfuté par des douzaines d’études scientifiques et théologiques ? Il n’est pas plus possible pour un loup-garou de s’accoupler avec un humain qu’un poisson rouge avec un grizzly.

— Excusez-moi, s’il vous plaît…

L’homme se déplaça pour le bloquer à nouveau.

— Monsieur Gallagher, nous sommes ici pour vous aider. Les loups-garous sont connus pour traquer les humains qu’ils perçoivent comme plus faibles et les piègent dans des relations avec l’attrait d’un lien mystique. De tels liens n’existent pas, termina-t-il avec emphase.

— Vous n’avez pas à nous écouter tout de suite, continua la femme. Mais sachez que dès que vous serez prêt à accepter notre aide, nous serons là.

Avec Leo, il avait l’impression d’être un adolescent, maladroit et inapte. Depuis la fac, il aimait à penser qu’il était doué au lit. Il avait une réputation, pas d’être un coureur, mais qu’il faisait passer du bon temps. Les filles le savaient.

À présent… c’était comme avoir seize ans à nouveau et comme s’il s’apprêtait à mettre ses mains sur des seins pour la première fois. Sauf que ce n’était pas des seins, mais des testicules. Il n’avait aucune idée de ce qu’il devait faire avec. Il espérait qu’à force d’y être exposé régulièrement, il commencerait à se sentir moins mal à l’aise à l’idée de coucher avec un autre homme. Pour l’instant, il abordait clairement la ligne du « curieux » et moins celle du « dégoûté ». C’était un sacré voyage.

— Ne laisse personne te faire sentir que nous avons… je ne sais pas… des caps à franchir.

— Ce ne serait pas notre troisième rendez-vous ? demanda Jackson pour le taquiner.

— Alors, tu t’attends à ce que j’écarte les jambes ?

Flirter ainsi était outrageusement facile. Avoir Leo dans son espace, doux et à l’aise, lui paraissait plus normal que ce qu’il n’aurait jamais pu imaginer.

— Je ne m’attends à rien, répondit-il sincèrement. Je suis juste content que tu sois là.

— Es-tu fâché contre moi ? demanda Leo après un moment.

— À propos de quoi ? Que tu sortes avec un loup ?

— Ouais.

Son père soupira.

— Leo, tu es un adulte. Je n’aime peut-être pas certaines choses que tu fais, mais tu es mon fils et je t’aime.

Leo songea que c’était le mieux qu’il pouvait espérer, du moins, pour l’instant.