Citations sur Nos résiliences (71)
Personne n avait jamais cru en lui ; les moqueries, le manque d'encouragement, son entourage qui le poussait à cesser de s obstiner avaient eu raison de lui.
Mon père était un funambule des mots. Cela s’était imprimé dans chaque fibre de mon être, j’avais absorbé cette passion, elle était devenue mienne. Le sens de la communication, cet art de la séduction et cet amour pour les artistes qui étaient le propre des galeristes s’étaient inscrits en moi d’une manière irrévocable. Je laissais Grand-Père dire que ses gènes l’avaient emporté sur ceux de maman, sachant pertinemment que contredire un vieil homme buté comme lui aurait été une dépense d’énergie inutile.
Une multitude de gens hauts en couleur s’occupait de moi et de tous les autres enfants, peu importait le lien de famille. C’était un monde merveilleux et illusoire. J’étais toujours revenue à la maison et à la galerie après ces semaines passées dans la communauté de maman, heureuse et rassurée par la stabilité et la constance de papa.
Grandir sans ma mère m’avait appris l’autonomie et l’indépendance. J’étais la petite femme de la maison ; très vite, j’avais géré avec plaisir l’intendance, je régnais sur mon monde. Et puis, maman n’était jamais loin, finalement. Elle nous écrivait régulièrement des lettres nous donnant et nous demandant des nouvelles. Elle glissait quelques photos de sa vie, nous en faisions autant.
Ces nuits-là, nous faisions l’amour étroitement serrés, animés d’une urgence lente, profonde. Le manque, la faim de nous appartenir nous emmenaient dans un autre monde, notre monde. Il fallait le recréer, nous réadapter, nous le réapproprier.
C’est bon d’attendre, de faire monter le désir de se retrouver l’un contre l’autre après tant de jours d’éloignement. Je posai lentement un pied sur le parquet, puis le second, tous les mouvements se suspendirent au-dessous de moi. Il savait que je savais qu’il était là.
Les traces intérieures seraient-elles indélébiles ? Pourrais-je réussir à oublier ? Je lui avais promis le contraire… Ce que l’on dit dans la passion a bien peu de valeur, de parole quand la réalité, les responsabilités et la culpabilité remontent à la surface.
Les jours qui suivaient son retour, Xavier était toujours ailleurs, toujours un peu loin, toujours un peu soucieux. La même question me hantait ; avait-il fait le voyage de trop ? Celui dont il ne reviendrait pas. Son esprit était-il encore là-bas ?
Mon père était un funambule des mots. cela s'était imprimé dans chaque fibre de mon être, j'avais absorbé cette passion, elle était devenue mienne. Le sens de la communication, cet art de la séduction et cet amour pour les artistes qui était le propre des galeristes s'étaient inscrits en moi d'une manière irrévocable.
Il s'amusait à croire que je pouvais dormir profondément en attendant son retour. Je ne m'en offusquais pas, il avait besoin de ce temps en tête à tête avec lui-même pour se préparer à revenir parmi nous, pour se retrouver, pour se fondre à nouveau dans sa peau de mari et de père. Non pas qu'il nous oubliât pendant ce voyage, mais il renouait avec celui qu'il était avant d'avoir une famille, du temps où il n'avait ni femme ni enfant.