J'avais été attirée par le titre : «
les grandes occasions ». J'imaginais une histoire brodée autour des repas de famille qui rassemble lors des grands évènements, quelque chose qui aurait analysé ce qui se joue dans les relations humaines quand on se réunit autour d'une table. C'est en partie vrai, mais il s'agit en fait d'un seul repas, dont on ne sait de bout en bout s'il aura lieu ou non. C'est presque un huis clos. On est enfermé avec Esther dans cet appartement parisien, étouffé de chaleur, puis oppressé par la tension qui s'installe. L'attente ravive les souvenirs, souvent douloureux, de cette femme dans sa septième décennie. Comme Esther tisse une tapisserie imaginaire entre les membres de sa famille, l'auteure tire un à un les personnages et les souvenirs, les assemble, les fait comprendre. Plus que les « grandes occasions », j'aurais d'ailleurs choisi pour titre un terme qui évoque cette tapisserie. Car c'est bien l'enjeu pour Esther finalement : parfaire sa tapisserie, son oeuvre familiale, qu'elle tisse avec dévotion et abnégation.
A dire vrai, l'histoire n'a rien de très original. Mais ce que l'on retient, plus que le fil conducteur, c'est la langue toute poétique, envoûtante, presque hypnotisante, d'
Alexandra Matine. On se laisse naturellement conduire de souvenir en anecdote dans le fil des pensées d'Esther, avec tendresse et colère pour cette femme, ses accomplissements, mais aussi ses regrets, ses non-dits. Et en miroir, on se laisse sonder sur nos propres imperfections et nos propres projections.
Une plume à suivre.