Nous sommes dehors, monstres, face à l’immensité noire du monde.
- Vous savez pour quelle raison le grand méchant loup ne pourra jamais vous dévorer les enfants ?
- Nous l'ignorons Aleph.
- Parce que c'est vous le grand méchant loup.
Le noir est alors total. Sous les draps, nous devinons la silhouette endormie de Maman. Contre le mur, nous savons la tranche inégale des ouvrages et, malgré l'obscurité, nous savons ce qui est écrit au bas de chaque tranche : en lettres d'or, J. M. Sur chacun des trente-quatre livres.
Peut-être est-ce là l'antre des monstres.
En tout cas, c'est là que nous allons.
Aleph dit que les humains ont construit des bateaux, des voitures et des trains pour conquérir le monde, puis des fusées pour conquérir l'univers . Il dit que les humains ont soif de pouvoir mais ne savent rien maîtriser. Que ce sont des gamins qui n'ont jamais vraiment grandi et qu'ils jouent à des jeux d'enfants avec leurs outils d'adultes, dangereux et meurtriers.
Une fois seule, Rousseau plonge la tête entre ses mains. Elle se dit que le monde n’est fait que de cela, de monstres qui grouillent, qui hurlent, qui geignent, qui tuent, qui forniquent pour enfanter de nouveaux monstres. Elle se dit que c’est sans fin. Et que sous l’horreur, il y aura toujours pire.
Nous sommes un danger les uns pour les autres, notre rencontre provoquerait un chaos. Si nos cheveux poussaient librement, dit maman, les autres enfants les tireraient jusqu’à nous arracher la tête. Elle hoche la tête gravement lorsque nous osons regarder la porte avec dans les yeux autre chose que de la résignation. Nous savons que l’équilibre est fragile et que nous n’avons d’autre choix que de le conserver. Alors nous laissons le seau jaune partir, plein de ce que nous sommes, en nous efforçant de ne pas nous figurer le trajet qu’il parcourt. Si c’est un mètre ou bien cent. Cela ne doit pas nous perturber, ce serait trop douloureux.
Une fois seule, Rousseau plonge la tête entre ses mains.
Elle se dit que le monde n'est fait que de cela, de monstres qui grouillent, qui hurlent, qui geignent, qui tuent, qui forniquent pour enfanter de nouveaux monstres.
Elle se dit que c'est sans fin.
Et que sous l'horreur, il y aura toujours pire.
“Nous sommes des monstres. C’est le nom que nous donne les autres car nous sommes trop différents de ce qu’ils sont ou connaissent ».
Je me cache et j'attends jusqu'à ce que les humains ne représentent plus de danger. Si la faim me tenaille, si ma gorge est sèche, alors j'attends encore, qu'il n'y ai pus de le moindre bruit dehors. Sinon les humains me tueront...