L'art céramique nous fournit maints exemples de ces transitions, dans ces coupes de Faënza, ou les figures claires s'enlèvent sur un fond noir ou bleu intense, et dans lesquelles l'artiste a eu soin d'adoucir les contours par des éléments délicats, rubans, phylactères, rameaux et mèches de cheveux. On retrouve dans les peintures antiques ce même souci des silhouettes; leurs charmantes figures, détachées en lumière sur un fond vigoureux, noir ou brun rouge, étant d'ordinaire pourvues d'accessoires variés, sceptres, thyrses, oiseaux, serpents, herbages, rubans, ailes déployées, draperies volantes, etc., tous détails chargés d'atténuer la sécheresse et de rompre l'uniformité.
Le souvenir d'arrangements entrevus dans la nature ou dans la vie réelle est d'une influence très directe dans cette question, un ornement n'étant jamais complètement abstrait, mais rappelant presque toujours à l'esprit une matière dont les propriétés physiques semblent concorder avec son apparence. Ainsi un détail linéaire reportera inconsciemment le souvenir vers un fil, un lacet, un cordon, ou encore une tige ou tringle métallique tordue et assouplie; d'autre part, un détail méplat rappellera plutôt un ruban plat, un galon d'étoffe, une lanière de cuir, ou encore une plaque de carton, de bois ou de métal découpés ; tandis que par ses expressions multiples l'ornement solide reportera la pensée vers une infinité d'objets de matières diverses.
On est souvent porté à considérer l'Art décoratifs comme occupant un rang inférieur dans la hiérarchie des beaux-arts et n'ayant même de commun avec eux que ses apparences, ses dehors superficiels et plastiques, en quelque sorte. Il y a dans cette opinion, trop légèrement acceptée, une erreur contre laquelle il importe de réagir : l'épithète de décoratif s'applique à tous les arts, quels qu'ils soient, dès le moment où leurs produits sont conçus ou exécutés en vue de satisfaire à des conditions spéciales d'utilité, d'entourage ou de destination.
Notre plan comporte deux parties distinctes : la première, toute de théorie, a trait à la composition décorative envisagée en dehors de toute idée d'exécution ; la seconde, au contraire, exclusivement pratique, met en oeuvre la matière fabriquée et comprend la technique des industries d'art; elle est ainsi le complément logique et la conclusion inséparable de la première.