AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome contient les épisodes 1 à 5 (parus en 2012) d'une nouvelle série, indépendante de toute autre. le scénario est de Jim McCann (Return of the Dapper Men en anglais), les illustrations de Rodin Esquejo (jusqu'alors uniquement connu pour les couvertures de la série Morning glory academy), avec Adrian Alphona (la première saison des Fugitifs Les joies de la famille) pour la majeure partie de l'épisode 5. La mise en couleurs est assurée par Sonia Oback.

Tout commence avec une chanson de Lionel Richie et la vision d'un attrape-rêves : Jo Wilson vient d'être réveillée par un appel téléphonique d'Ellis Peterssen (surnommée Elle), elle ne comprend à ce que lui dit son ami. Elle appelle aussitôt Dane Miller (le petit ami d'Elle) qui n'a pas de nouvelles de sa copine. Peu de temps après, Min Peterssen (la mère d'Elle) reçoit un appel lui indiquant que sa fille vient d'avoir un accident dans une station de métro et qu'elle est hospitalisée. Elle fait prévenir Edward Peterssen (son mari) et Eddie (Edward junior, son fils) pour leur demander de la rejoindre à l'hôpital. Ellis est dans le coma et elle vit une expérience de décorporation (son esprit est dissocié de son corps pour une forme de voyage astral dans lequel elle a perdu la mémoire). Elle peut voir son corps sur le lit d'hôpital, mais aussi dialoguer avec d'autres esprits dont Blake Robert Plankman (surnommé Bobby) qui lui propose de l'aider. Autour de son lit d'hôpital, plusieurs intérêts émergent des personnes à son chevet. Il y a bien sûr Jo Wilson (sa meilleure amie), Dane Miller, Eddie Peterssen qui ne supporte pas Dane, le docteur référent S. Hammond qui a du mal à supporter Gina Geller, docteure suppléante pour cette patiente, Min et Edward Peterssen (les parents), le patient du lit d'à coté (le docteur Harold Crenshaw) dont l'assistant Miles semble également connaître Ellis. Il faut encore compter sur plusieurs autres relations de ces personnages : Lonnie Miller (le père de Dane), Antoinette Wallace (un inspectrice de police liée à Gina Geller), l'infirmier Frankie, Constance O'Shaughnessy (l'assistante professionnelle d'Edward Wallace).

Jim McCann invite le lecteur à découvrir les méandres de mystères labyrinthiques. Il est donc arrivé un accident sur le quai d'un métro à Ellis Peterssen, et beaucoup de monde semble en savoir plus sur sa situation qu'elle-même. La narration se déroule à 2 niveaux. Dans le monde des vivants, les discussions des personnages permettent de découvrir les uns et les autres, comment ils sont liés entre eux, et à percevoir que certains tirent les ficelles, sans pouvoir discerner la nature exacte des machinations. Dans le plan astral, Ellis Peterssen recouvre des bribes de sa mémoire, et elle écoute Bobby et d'autres lui apprendre les règles qui régissent ces limbes, antichambre entre la vie et la mort. McCann écrit un thriller très agréable, dans lequel il fait bon investir son attention pour assembler les pièces du puzzle au fur et à mesure. À l'issue des 5 épisodes, les personnages ne sont pas encore très développés, mais ils sont déjà attachants. La narration est rapide sans être frénétique et elle réserve des moments étonnants, tout en louvoyant entre les stéréotypes pour les éviter. McCann prend la peine de donner des indices quant à son inspiration sous la forme de 4 citations respectivement d' Elisabeth Kübler-Ross, Tennessee Williams, Doris Kearns Goodwin, et Léon Tolstoï.

C'était avec une certaine forme de gourmandise que j'attendais de voir ce que Rodin Esquejo pourrait faire en tant qu'illustrateur d'un comics, car ses couvertures pour la série "Morning glories" sont vraiment magnifiques (meilleures que les pages intérieures). le soulagement est de taille : ses planches intérieures sont aussi léchées que ses couvertures. Il bénéficie donc de l'aide de Sonia Oback pour la mise en couleurs. Elle a adapté sa palette, aux teintes privilégiées par Esquejo, et le résultat est délicieux. Elle utilise des couleurs douces, avec des effets de camaïeux, sans aucune volonté d'épate ou de démonstration. Elle reproduit fidèlement le schéma de composition d'Esquejo pour la couleur de la chair, sa façon d'agencer les teintes pour donner du volume aux visages en reproduisant les nuances de l'éclairage. Ses compositions chromatiques génèrent des ambiances douces, où la technologie infographique est entièrement asservie à l'artiste, totalement en arrière plan. Les effets faciles (millions de couleurs, floutage...) sont réservés à une poignée de cases pour lesquelles la narration le justifie.

Rodin Esquejo privilégie le détourage des formes par un trait fin (très fin même) de largeur constante quelle que soit la partie anatomique ou l'objet représenté. Les effets de l'éclairage et de la luminosité sont entièrement transcrits par les variations de nuances des couleurs. Chaque séquence fait apparaître un goût certain pour les décors qui sont définis avec soin au moins le temps d'une ou deux cases pour installer la scène. Ils sont ensuite rappelés par le biais des combinaisons des couleurs, et par un ou deux éléments spécifiques. L'association du dessin et des couleurs permet d'éviter l'effet de vide propre à la plupart des comics où les artistes s'économisent sur les décors en ne les dessinant pas. Tous les personnages ont une apparence spécifique ce qui aide à les mémoriser, vu leur nombre important. Et en même temps, Esquejo réussit le tour de passe-passe exigé par le scénario de faire en sorte que la mystérieuse silhouette encapuchonnée (un hoodie) ne puisse pas être reconnue parmi les porteurs de hoodie gravitant autour d'Ellis. Esquejo bâtit des pages comprenant entre 4 et 6 cases en moyenne, avec une grande lisibilité (aidée par l'absence de variation dans les épaisseurs de trait), une lecture immédiate. Il fait également preuve d'un sens de la mise en scène impressionnant pour que les personnages ne se marchent jamais sur les pieds même dans une petite pièce comme une chambre d'hôpital, qu'il combine avec des cadrages travaillés (plongées et contreplongées avec des angles étudiés). Cela permet d'insuffler de la vie et de la variété dans toutes les scènes de dialogues, sans que n'apparaissent de pages composées uniquement de cases avec une tête dessinée en train de parler. Enfin Esquejo combine une apparence très jolie, très agréable (un peu shojo), avec des traits qui examinés de près révèlent une vision moins idéalisée qu'il n'y paraît quand le lecteur s'attarde un peu sur le dessin.

Jim McCann, Rodin Esquejo et Sonia Oback proposent de plonger dans un thriller captivant qui demande une bonne attention du lecteur pour assimiler l'ensemble des personnages et leurs relations, avec des illustrations bénéficiant d'une mise en scène sophistiquée et d'une apparence très jolie. Même s'il est difficile de se faire une idée de la profondeur thématique du récit en 5 épisodes (uniquement thriller, point de vue philosophique sur la vie spirituelle, autre ?), l'habilité de la narration procure un excellent moment de lecture.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}