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Critique de soniamanaa


Terriblement émouvant, poignant, indiciblement intelligent, ce prequel du Passager est une oeuvre inouïe et puissante. Je l'ai lu en second, comme l'a souhaité l'auteur, et cet enchaînement bâtit un diptyque où s'interrogent fiction et réalité, beauté et cruauté.
Le concept essentiel en est sans aucun doute le solipsisme. Si l'on accepte l'idée que le monde n'existe que par le "je" narrateur, alors, Alicia, morte dans le passager peut poursuivre son existence à Stella Maris tandis que Bobby, son frère mourant dans le présent volume, peut poursuivre sa vie et plonger à la recherche de son passager mystérieux.
Pardon si je vous égare, je me suis moi-même un peu perdue.
A contempler mon livre hérissé de post-it, je mesure l'ampleur incroyable de cette oeuvre qui affronte mathématiques, physique quantique et philosophie. Et sans doute le monde peut-il se suffire de ces trois disciplines, dessinant une chimère "selon laquelle la seule chose dont l'existence est certaine est le sujet pensant".
Retour au solipsisme…
Alicia est un personnage bouleversant d'humanité et de lucidité. Sa présupposée folie pointe avec exigence les fondements de la réalité, démontrant que l'inconscient, cerveau animal s'il en est, prime sur une pseudo-normalité qui ne serait sans doute pas une excellente nouvelle. "Se dire qu'il y a peu de joie dans ce monde n'est pas une simple façon de voir les choses. On finit par comprendre que le monde ne pense absolument pas à nous."
Pessimiste? Sans doute. Mais surtout extrêmement lucide. Cormac McCarthy est proche du dernier round, et cela transpire dans chaque phrase.
Alors, il joue. Il joue avec l'idée d'être, d'avoir été un habitant d'un monde capable et coupable d'avoir inventé le moyen de s'anéantir lui-même. Où l'on revient à la Bombe, événement fondateur, qui traverse les deux volumes. "Le projet Manhattan est l'un des événements les plus significatifs de l'espèce humaine. (…), peut-être même le numéro 1. C'est juste qu'on ne le sait pas encore. Mais ça viendra."
Le Passager et Stella Maris sont indissociables. Ils dialoguent, s'explicitent, se confrontent, se rapprochent et se repoussent. Alicia en est à mon sens le pivot central qui, du haut de ses vingt ans, a compris que vouloir expliquer le monde n'est que le rendre plus indicible. "Parce que je savais ce que mon frère ne savait pas. Qu'il y a une horreur sous la surface du monde et qu'elle avait toujours existé. "
Serait-ce notre passager manquant, ou la connaissance intime de notre finitude? "L'élixir de la vie coule au sol." "Il faut se dépêcher. "
Au seuil de la dernière porte, c'est un message diablement exigeant que nous délivre Cormac McCarthy. Et, s'il nous semble si infiniment triste et pessimiste, il abrite une beauté universelle. L'esprit humain EST le monde tout entier. Il en génère les merveilles comme les horreurs. Il est le Langage, l'Art, la Littérature, l'espoir, le désespoir et la lucidité
Je ne résous pas à conclure ce billet sans citer la toute dernière phrase.
"Tenez moi la main.
D'accord, et pourquoi?
Parce que c'est ce que font les gens quand ils attendent la fin de quelque chose. "
J'avoue, j'ai pleuré.
C'est mon petit hommage perso à ce très grand monsieur.
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