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Critique de Woland


Asylum
Traduction : Martine Skopan

ISBN : 9782070406265

J'ai découvert cet auteur en regardant "Spider" de Cronenberg. J'attends d'ailleurs qu'on me livre ce roman-là pour vous en donner mon impression. Aujourd'hui, je ne vous parlerai donc que de "L'Asile", qui raconte en gros la rencontre de deux malades mentaux, l'un déclaré, Edgar Stark, et l'autre, Stella Raphael, épouse en parfaite santé apparente de l'adjoint du médecin-chef. Avec les conséquences catastrophiques que cela va engendrer, pour l'un comme pour l'autre, sans parler de leur entourage.

Toute l'adresse de McGrath réside dans sa manière de nous présenter une Stella Raphael sûre d'elle-même et qui, en principe, a les pieds solidement sur terre. Ce n'est que peu à peu, à petites touches insensibles, que, par-ci, par-là, il nous lâche, sans en avoir l'air, un détail, une attitude, une remarque qui, très vite (enfin, à mon sens ) nous fait réaliser que la fracture de la jeune femme pré-existait à sa rencontre avec Stark, artiste de renom complètement paranoïaque, qui a assassiné sa femme, Ruth, avant de la mutiler de façon terrible.

Comment imaginer en effet que, si frustrée sexuellement que l'on puisse être auprès d'un mari qu'on n'aime pas vraiment, on prenne le risque d'une liaison torride - le mot n'est pas trop fort - avec le pensionnaire, jugé dangereux, du Centre pour Malades mentaux qu'aide à diriger son propre époux ? Cela fait bien dix ans - leur fils, Charlie, est là pour en témoigner - que Stella pratique le milieu psychiatrique. Elle sait que, plus que toute autre, la femme d'un psy doit, surtout en ce qui concerne ses patients, se révéler aussi pure, sinon plus que celle De César en personne. En outre, Max Raphael souhaite ardemment obtenir le poste de Directeur général lorsque Jack Straffen, son actuel détenteur, partira en retraite dans un ou deux ans. Une prudence exceptionnelle est donc de mise en de telles circonstances. En tous cas pour quelqu'un qui a effectivement toute sa tête.

Eh ! bien, malgré tout, y compris malgré l'amour maternel qu'elle semble éprouver, malgré tous les dangers encourus, Stella s'abandonne frénétiquement à l'adultère. Elle va même jusqu'à convier Stark dans la chambre conjugale, en plein après-midi. Mieux : il en ressort avec, sous le bras, des vêtements appartenant au mari trompé. Vêtements qui, bien sûr, vont lui permettre de s'évader tranquillement, les sommes d'argent que lui ayant libéralement distribuées sa maîtresse l'autorisant à gagner Londres en train, un Londres où il va se fondre très facilement dans le milieu bohème qui espère son retour et qui, sous prétexte "qu'il est un artiste, un vrai", lui a depuis longtemps pardonné son crime.

D'abord remuée par ce brusque départ dont Stark ne lui avait pas parlé (telle est la version officielle sur laquelle le lecteur conservera toujours quelques doutes), Stella joue à la femme injustement accusée. Ténue à l'origine, la rumeur publique affirme en effet désormais qu'elle a favorisé l'évasion de Stark. Mais l'indignation qu'elle affiche ne l'empêche pas de reprendre contact avec son amant et de se rendre de plus en plus souvent à Londres pour y passer des après-midis très "hot." Jusqu'au jour où, tranquillement et sans se soucier du fait qu'elle doit récupérer son fils au collège, elle fait sa valise et rejoint la capitale, sans plus s'inquiéter de rien.

Les premières semaines sont exaltées et exaltantes. Mais la paranoïa du sculpteur réapparaît et Stella en vient à redouter pour sa vie. Après divers aléas, la voici, sans complexe aucun, de retour chez un mari qu'elle n'aime toujours pas, auprès d'un fils qui l'adore mais à qui elle manifeste de moins en moins de tendresse. le scandale ayant fait trop de bruit, le trio doit s'exiler en Pays-de-Galles, où Max s'est déniché un poste relativement correct dans sa spécialité. Mais, de fil en aiguille ...

Retour à la case départ et dans des circonstances vraiment noires.

On admirera la subtilité avec laquelle McGrath nous conte l'histoire de cette femme qui, en quelque sorte, "passe de l'autre côté du miroir de la psychiatrie" et se retrouve patiente dans l'établissement jadis co-géré par son époux. L'astuce utilisée par l'écrivain : la personnalité du narrateur, le doyen des psys de l'établissement, qui a donc connu Stella quand elle était (ou plutôt) paraissait normale et qui, par la suite, était aux premières loges pour assister à sa déchéance. Ayant repris le poste de Jack Straffen - qu'il briguait d'ailleurs sans en avoir l'air - il se rend en personne aux Pays-de-Galles pour soutenir Stella et lui proposer de la prendre comme patiente car il éprouve pour elle - le lecteur en reste assez perplexe - une admiration certaine. Au point qu'il lui suggère même le mariage (!!!). Mariage qui, bien entendu, n'aura pas lieu pour une raison bien précise que je vous laisse découvrir ...

Récit étrange, clinique et oppressant, "L'Asile" nous laisse une impression de décalage absolu et l'on frémit devant la minceur de la frontière qui sépare la folie du bon sens. L'auteur nous décrit ici tout un mécanisme qui la révèle tapie au coeur même d'une personne que, à première vue et compte tenu de son passé, on n'aurait jamais soupçonné d'être susceptible d'y sombrer un jour. Ce n'est évidemment pas un ouvrage à mettre entre les mains des âmes sensibles mais il n'en reste pas moins intéressant et confirme tout le bien que je pensais déjà de Patrick McGrath. ;o)
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