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Martine Laurent-Skopan (Traducteur)
EAN : 9782070425693
327 pages
Gallimard (30/10/2002)
3.71/5   43 notes
Résumé :
De retour dans l'East End de son enfance, Dennis Cleg, surnommé Spider, écrit son journal. Après vingt ans d'absence, il s'attache à exhumer le passé traumatisant qui l'a conduit à l'exil. Petit à petit, les fantômes ressurgissent, les souvenirs se pressent et peuplent la scène de ce quartier populaire de Londres qu'il redécouvre non sans peine.
Avec Spider, récemment adapté au cinéma par David Cronenberg, Patrick McGrath offre une descente aux enfers cauchem... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Spider
Traduction : Martine Skopan

ISBN : 9782070425693

Un livre ramassé sur lui-même, à l'image de Spider, tapi à l'arrière du cerveau de Dennis Cleg. Pas plus de trois-cent-vingt-sept pages mais un texte serré, mêlant le passé et le présent ainsi que la réalité primitive à une autre réalité, celle de Spider, le jeune adolescent qui s'est retrouvé dans un centre pour troubles mentaux après qu'il eût tué sa mère. Cela, c'est, bien sûr, la version des autorités - qui ignorent par contre, y compris les médecins, ce surnom de "Spider" donné jadis par la mère à son enfant et que le schizophrène qui s'est éveillé en lui à l'âge de treize ans a choisi de conserver pour tenter, à sa manière, de mettre un peu d'ordre dans sa tête et d'essayer de trier tant bien que mal les sentiments et les visions contradictoires qui ne cessent de l'assaillir.

Bien sûr, la version de Spider est tout autre et Dennis y souscrit entièrement : c'est son père, Horace, qui a tué sa mère. D'un coup de bêche, en présence de sa maîtresse, Hilda Wilkinson, avant d'enterrer le cadavre dans un carré de plants de pommes de terre, dans son petit jardin ouvrier, à Londres. Ensuite, Horace a fait croire aux voisins que sa femme était partie au Canada (pourquoi au Canada, on ne le sait pas) et il a substitué la prostituée Hilda à la vraie mère de Dennis. Et hop ! le tour était joué !

Mais Dennis et Spider ont refusé de tomber dans le panneau : ils ont refusé d'accepter cet immoral tour de passe-passe. A moins que ce ne soit Dennis-Spider qu'il faille écrire ...

Tranchons pour Dennis-Spider et reconnaissons que celui-ci a décidé de venger sa mère, d'autant qu'il ne se sentait plus en sécurité entre Horace et Hilda. Parfois, il voyait leurs traits changer et il sentait bien qu'ils le surveillaient, qu'ils échangeaient des regards entendus. le pire, ce fut à la fin, lorsqu'ils parlèrent, en chuchotant entre eux dans la cuisine, de l'envoyer, lui aussi, au Canada. Autrement dit là où était allongée sa mère, sous les plants de pommes de terre, dans le petite jardin ouvrier ...

Horace et Hilda voulaient tuer Dennis.

Comment l'instinct de conservation de l'adolescent eût-il pu tolérer pareille menace ? C'est au nom de la légitime défense, en quelque sorte, que Dennis-Spider s'est arrangé pour ouvrir le gaz, une nuit que ses parents, ayant trop bu, dormaient un peu trop profondément. Ce n'est que plus tard, en voyant le corps d'Hilda dehors, sur le trottoir (ou plutôt le cadavre d'Hilda) que, brusquement, Dennis-Spider a eu un doute. Lequel, déjà ? ... Oui, il y avait quelque chose qui n'allait pas. Mais quoi ? ...

Tout cela est si vieux ... Considéré comme "guéri" par le nouveau médecin-chef du centre, Dennis se retrouve dans une pension spéciale qui accueille les malades dans son cas et assure la liaison avec l'hôpital. Il y a là plusieurs patients que l'on estime plus ou moins "guéris", des "âmes mortes", comme les surnomme Dennis-Spider, qu'il méprise parce que lui, il n'est pas mort et puis, surtout, parce qu'il ne peut être "guéri" puisqu'il n'a jamais été malade. D'ailleurs, il va mettre tout ça au clair dans son journal, un journal qu'il cachera soigneusement dans sa chambre, à cause de la maîtresse des lieux qui, par une désagréable coïncidence, s'appelle Wilkinson. Hilda Wilkinson. Bien sûr.

Rarement livre aura entraîné le lecteur avec un tel naturel dans le raisonnement - car c'est un véritable raisonnement et non un délire - d'un schizophrène qui se sent malgré tout coupable. Au contraire de ce qu'il se passe dans le film éponyme, l'accent est quand même fort bien mis sur la puberté naissante de Dennis, puberté qui semble bien servir de "déclencheur" à la maladie qui couve en lui et qui met à profit le célèbre "complexe d'Oedipe" pour annexer complètement sa personnalité.

Un livre sobre pourtant et qui, lentement, emmène son triste héros vers une fin inéluctable. Un doute demeure tout de même pour ceux qui ont vu le film : Dennis-Spider va-t-il se suicider ou reproduire son histoire de gaz qui fuit pour faire mourir, une fois de plus, l'éternelle mante religieuse qu'est pour lui "Hilda Wilkerson" ?

Pour les cinéphiles éventuels, consulter la fiche Nota Bene du film éponyme de Cronenberg en cliquant sur ce lien : http://notabene.forumactif.com/t15485-spider-david-cronenberg
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Fascinant ! Un roman exceptionnel, perturbant par cet aperçu du cheminement mental d'un homme tourmenté par son enfance et qui semble sombrer totalement dans la folie au fur et à mesure qu'il rassemble ses souvenirs.

Le personnage est attachant, émouvant même dans sa solitude et sa souffrance intérieure qui le ronge. Au fil des pages, on découvre avec lui, au fil de son introspection, son passé tragique mêlé de fantasmes et de délires, comme pour en dissimuler la terrible réalité qu'il essaie malgré tout de regarder en face, quitte à en perdre totalement la raison. Un roman passionnant et au final marquant. Un chef-d'oeuvre !

(22 novembre 2013)
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Étrange livre que voilà, sa lecture m'a troublée, marquée et pourtant je reste aujourd'hui incapable de dire si je l'ai aimé ou non.
Je reste dans le doute et l'ensemble de mes interrogations concernant ce personnage atypique, ses souvenirs et sa vie restent sans réponses.
Son journal narre-t-il réellement des faits vécus ou alors cet être malade les a juste imaginé ? Que s'est-il réellement passé, comment est vraiment morte sa mère ? S'est-il créé un monde et une histoire pour se cacher l'horrible vérité ou son père a-t-il commis cette horreur, qui est le monstre de cette histoire ?
J'ai dévoré cet ouvrage. A chaque seconde je remettais en cause les souvenirs de Spider et pourtant j'avais envie de le croire mais l'incohérence de certains souvenirs me faisait douter.

L'auteur a réussi à me rendre folle moi-même, à ne plus savoir quoi croire, et en voilà une prouesse. le premier livre qui me fait cet effet.
A lire, par curiosité.
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Ce livre m'a captivé du début à la fin. le lecteur est immergé dans l'esprit de Spider, un homme qui, on le comprend assez vite souffre de problèmes mentaux. le récit est constitué d'analepse ou le narrateur raconte l'assassinat de sa mère par son père. Pourtant, cette version des faits est sortie de l'esprit dérangé de Spider et l'on se met a en douter assez vite de sa véracité. J'ai adoré ce roman car celui-ci nous permet de nous plonger dans la tête d'une personne atteinte de schizophrénie, l'auteur met en place une atmosphère brumeuse et le lecteur est passionné jusqu'au dénouement.
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Que dire de ce roman? déjà il a trainé dix ans dans ma bibliothèque avant que je daigne le lire ( honte à moi ) car la note sur babelio n'était pas très bonne ( honte aux notateurs, mais bon chacun ses mauvais gouts ). Je n'attendais donc pas énormément de ce livre et en fait je suis tombé sur une pépite. Partir sur un narrateur schizophrène et donc ressentir le monde extérieur à travers le filtre difforme de son esprit torturé, l'entreprise est risquée, mais complètement immersive, et comme grâce à son père psychiatre, l'auteur connait bien le sujet, l'entreprise est complètement réussie, surtout qu'en plus, l'auteur, en dehors d'un père psy, a de grands talents d'écriture et un sens de la narration qui rappelle les auteurs de romans noirs car le livre est construit comme une enquête de spider à travers les méandres de sa mémoire afin d'essayer de trouver sa vérité. Donc vraiment ce roman est une claque, car à travers une intrigue prenante, il dissèque avec justesse les affres de la schizophrénie et l'horreur de cette maladie pour celui qui la subit.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
[...] ... J'eus soudain la vision de mon père en manches de chemise et casquette plate, en train de creuser un trou au milieu de son carré de pommes de terre. Il y avait du brouillard mais pas assez pour obscurcir totalement la face informe et crevassée de la lune. Je vis Hilda qui fumait une cigarette, appuyée au chambranle de la porte de la cabane, son manteau de fourrure miteux sur les épaules, éclairée par la lumière diffuse de la bougie. Au bout de quelques minutes, mon père se mit à genoux et, avec beaucoup de précautions, il détacha du sol un plant de pommes de terre, tenant d'une main les feuilles et de l'autre le rhizome effilé et ses petites racines délicates. Il le plaça sur le côté : le soin extrême qu'il mettait à cette tâche était troublant. Il continua à creuser, et la rangée de plants à côté de lui s'allongea. Hilda disparut au fond de la cabane puis revint avec une bouteille de porto et une tasse. Des cornes de brume se firent entendre au loin. Je vis alors que mon père était dans le trou jusqu'aux épaules, trempé de sueur malgré le brouillard glacé. Il rejeta la pelle, puis se hissa hors du trou avec difficulté. La terre s'effritait sous ses doigts et plusieurs fois il retomba au fond. Hilda avança précautionneusement et jeta un coup d'oeil au fond, en serrant toujours son manteau autour de ses épaules. On distingue à peine les vers qui grouillent le long des parois raides, luisant vaguement au clair de lune. Puis mon père sort de la cabane, tenant dans ses bras un fardeau partiellement enveloppé dans un sac maculé de sang. C'est un corps humain, la tête est recouverte d'une toile attachée autour du cou avec une corde. Il le dépose auprès du trou, se relève et regarde Hilda, qui est restée au milieu des plants de pommes de terre déracinés. Elle resserre son manteau autour d'elle. Mon père fait rouler le corps dans le trou en le poussant du pied. Le cadavre retombe sur le dos, dans une position curieuse, un bras replié en dessous, l'autre jeté sur la toile qui recouvre le visage : on dirait une poupée de chiffon. Hilda avance tout au bord et fait tomber un peu de terre au fond. Frissonnante, elle retourne à la cabane. Mon père reprend la pelle et se met à remplir le trou. Il replace ses plants de pommes de terre avec le soin le plus extrême. ... [...]
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[...] ... Certains épisodes de mon enfance sont enchâssés dans mon esprit dans toute leur précision, dans toute leur clarté ; mais la journée d'hier s'estompe dans une espèce de brume, une bouillie informe, où les événements se mélangent les uns aux autres. Le temps agrège les souvenirs aussi sûrement que le béton. Cela me surprend toujours. Je me demande s'il n'y aurait pas là un processus de fixation. La seule chose que je puisse affirmer sur la journée d'hier, c'est qu'à nouveau il y a du monde dans le grenier, des connaissances de Mme Wilkinson. Cela m'avait échappé jusqu'à maintenant, mais la propriétaire de cette pension (logement tout à fait provisoire) porte curieusement le même patronyme que la femme qui détruisit ma famille, il y a de cela vingt ans. Le nom est d'ailleurs la seule chose qu'elles aient en commun. Cette Mme Wilkinson-là est bien différente d'Hilda Wilkinson. Elle est, il est vrai, revêche et agressive, grosse comme l'était Hilda, mais elle ne possède ni la vitalité, ni l'impudence de l'autre ; ce qui l'intéresse, c'est de contrôler tout le monde. Ceci me ramène à ces gens dans le grenier hier soir. Mais à la réflexion, je crois que je parlerai d'eux plus tard.

Du canal, il me faut environ dix minutes pour revenir chez Mme Wilkinson. Je ne marche pas vite ; j'ai tendance à traîner les pieds ; j'ai souvent besoin de m'arrêter net au milieu de trottoir. J'oublie comment on fait, voyez-vous, car pour moi, depuis mon retour du Canada, plus rien n'est automatique. Les choses les plus simples, manger, m'habiller, aller aux toilettes, me posent parfois des problèmes insurmontables. Ce n'est pas que je sois handicapé physiquement, mais il m'arrive de perdre la sensation simple, qui autrefois m'était naturelle, d'habiter mon corps. Chez moi, le lien entre le cerveau et les membres, ce mécanisme sophistiqué, se grippe souvent. A la grande exaspération de ceux qui m'entourent, il faut que je m'arrête, que je réfléchisse à ce que je suis en train d'essayer de faire et alors, lentement, les rythmes fondamentaux se réinstallent. Cela m'arrive surtout quand je suis plongé dans le souvenir de mon père. Je dois donc m'attendre à quelques semaines difficiles ; car, dans ces moments-là, Mme Wilkinson perd patience et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai l'intention de quitter sa pension, sans doute au début de la semaine prochaine. ... [...]
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Si vous avez déjà essayé de tenir un journal, vous savez sûrement qu'il est impossible certains soirs d'écrire la moindre ligne, alors qu'à d'autres moments les mots coulent tout seuls sur papier, heure après heure, jusqu'à épuisement. On a alors le sentiment non pas d'avoir écrit, mais d'avoir été écrit.
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Avec le temps, je mis au point mon système des deux têtes. J'utilisais le devant de mon cerveau dans mes rapports avec les autres habitants de la maison ; l'arrière quand j'étais seul. C'était là que logeait ma mère, pas devant. Je devins expert dans l'art de passer de l'avant à l'arrière et cela simplifia mon existence.
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Avec le temps, je mis au point mon système des deux têtes. J'utilisais le devant de mon cerveau dans mes rapports avec les autres habitants de la maison ; l'arrière quand j'étais seul. C'était là que logeait ma mère, pas devant. Je devins expert dans l'art de passer de l'avant à l'arrière et cela simplifia mon existence.
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