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Citations sur Eureka Street (241)

Une femme, qui venait de perdre son mari, couinait atrocement, comme si c'était elle qui venait de mourir.
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Sur un mode beaucoup plus excentrique, Luke avait dégluti plusieurs fois avant de se lancer dans l’aventure, ils avaient créé une affaire d’accessoires ethniques. Il embaucha une cohorte de gamins originaires du quartier de Chuckie. Il les envoyer dans les basses collines pour ramasser des brindilles, qu’il payait une livre les cents. Les gamins le prirent pour un cinglé, mais se mirent au boulot sans mégoter. Quinze mille brindilles arrivèrent le premier jour. Il donna ensuite trois cents livres à un restaurateur de meubles pour les tremper dans un bain de vernis et, le mercredi, il convainquit un importateur américain spécialisé dans divers produits de luxe d’accepter dix mille authentiques bâtons de marches de farfadets irlandais (prix de vente conseillé : 9$99) pour quatre dollars pièces. Le jeudi, il avait quarante mille dollars.
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Jimmy Eve n'avait rien dit pendant ces dix-sept minutes et demie de télévision nationale. Il avait plusieurs fois essayé de prendre la parole, mais Chuckie lui avait invariablement cloué le bec avec une exubérance cocaïnée. Le politicien était donc resté assis, silencieux, pâle et transpirant, tandis que le protestant fou déblatérait tout son saoul, seulement interrompu de temps à autre par le présentateur abasourdi.
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Elle eut une peur affreuse quand on lui annonça que l'enfant avait survécu. Elle pleura et les injuria. Cette nuit-la, elle rêva de naissances monstrueuses, de bébés répugnants.
Cette chose avait ressemblé à un virus en elle. Elle l'avait expulsée. Cela suffisait. Ils ne pouvaient rien attendre d'elle.
Pendant une semaine au moins, elle refusa de voir l'enfant. Le gentil médecin, au visage couvert des égratignures dues aux ongles de Max, dressa la liste de tout ce qu'elle avait absorbé pendant sa grossesse. Alors que la main du jeune toubib courait sur la deuxième page, Max comprit ce qu'elle avait fait. Le bébé était sans doute un monstre, le résultat de produits chimiques et du cauchemar. Une infirmière lui glissa que le bébé était né drogué et les peurs de Max se trouvèrent confirmées. Elle vit l'affreux avorton aux yeux de lézard brillant de cupidité et d'envie de se droguer.
Quand on le lui amena, elle pleura comme si elle voulait mourir. Son cœur de verre se brisa. Cette chose ratatinée était tout ce qu'elle était. Elle l'avait fabriquée ainsi.
Et, quand le bébé mourut, elle fut apparemment la seule à être surprise.
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À la fin de ces deux années mystérieuses, elle se retrouva enceinte et beaucoup trop défoncée pour savoir de qui. Elle se promis d'avorter, mais curieusement elle n'arrivait jamais à se décider à agir. Un avortement, quel ennui, des coups de téléphone, des médecins, une clinique... Et puis elle n'avait pas l’argent nécessaire. Elle n'avait pas le temps. Certaines nuits, très tard, au moment de s'endormir, elle comprenait qu'elle laissait les choses traîner. Mais le lit était toujours tiède et il était toujours agréable de noyer ce foutu problème parmi ses rêves où elle se réveillait toute mince et non fertilisée.
Elle laissa traîner les choses au-delà du délai légal. Et elle en était à six mois de grossesse lorsqu'elle décida de passer à l'acte.
Ce soir-là, un boxeur de Tulsa à la retraite et elle faisaient la fête avec du crack bon marché. Le bras de Max reposait sur le monticule de son ventre lorsqu'elle y enfonça l'aiguille. Elle savait exactement ce qu'elle faisait, ce qui ne l'empêcha pas de le faire.
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Avec un air infiniment mystérieux et solennel, Suzy m'a balancé tout le tintouin. Selon sa Théorie de la Vie, dès que Suzy désirait quelque chose, elle se débrouillait pour l'obtenir. Alors là, je me suis lancé. Dénué de tout mépris, j'ai essayé de trouver quelques failles dans son raisonnement subtil. Et si ce qu'elle désirait allait à l'encontre des désirs et des besoins d'autrui ? Même lorsque j'eus traduit cette objection en termes plus simples, elle n'ébranla guère la confiance de Suzy. Très bien. Je lui ai parlé de Rousseau et du contrat social, du droit naturel et du droit social ; j'ai évoqué cette idée que, selon ces droits, nous sommes en même temps souverain et sujet, que sa souveraineté à elle impliquait ma sujétion à moi, et vice versa.
Ça a pris vingt minutes, mais au bout du compte elle est partie.
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Le troisième groupe était le plus nombreux. Les étudiants de Queens. Des gamins trop niais pour fréquenter une vraie université et qui se retrouvaient dans ce bar. Presque tous originaires de la campagne, ils se décarcassaient pour se donner l'air de vrais citadins branchés. Quelques semaines plus tôt seulement, ils conduisaient des tracteurs et tondaient les moutons.
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J'ai chopé mon chat et je l'ai obligé à s'asseoir sur mes genoux tout en regardant les vieux qui habitaient les deux maisons d'en face. Je les avais déjà vus jouer leur comédie.
Ces deux-là ne semblaient pas se parler, mais ils faisaient toujours la même chose en même temps. Il était asiatique, veuf de toute évidence, un grand-père bonasse qui recevait souvent la visite de divers groupes d'enfants et de petits-enfants. Quant à elle, c'était une authentique harpie d'Ulster, une vieille aux cheveux bleus qui portait souvent un invraisemblable collant en rayonne rose (pas de visiteurs). Ce soir-là, ils jardinaient dans leurs petits jardinets. Ils se penchaient au-dessus de leurs plantations, leurs têtes se touchaient presque, ils arrachaient une mauvaise herbe mitoyenne de leurs lopins respectifs. Je me disais parfois qu'ils ne s'entendaient pas bien, mais ce soir-là 'al dû reconnaître que la haine partagée des mauvaises herbes contribuait indubitablement au rapprochement des races.
Magnifique.
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Assis dans ce bar sinistre, j'écoutais mes copains de chantier tout heureux qui me prenaient à tort pour un protestant.
Autrefois, j'espérais souvent que l'avenir serait différent.
Qu'une race nouvelle jaillirait hors des brumes obscures du passé et du présent irlandais. Les Nouveaux Irlandais.
Quand toutes les vieilles croyances et les anciennes combinaisons seraient devenues périmées. Alors nous assisterions à la naissance du catholique loyaliste. Du protestant libéral.
Du politicien honnête. Du poète intelligent. Néanmoins, en écoutant mes camarades, j'ai décidé que je n'allais pas jouer les victimes expiatoires ni attendre l'Utopie salvatrice.
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La tragédie était que les protestants (écossais) d'Irlande du Nord se prenaient pour des Britanniques. Les catholiques (irlandais) d'Irlande du Nord se prenaient pour des citoyens de l'Eire (de vrais Irlandais). Et le plus comique, c'était que toute différence autrefois marquée avait disparu depuis longtemps et qu'aujourd'hui les membres des deux tribus rivales se ressemblaient comme deux gouttes d'eau.
Le monde extérieur le remarquait et s'étonnait, mais les habitants de la région restaient aveugles.
De manière assez intéressante, les durs à cuire protestants/catholiques adoraient flanquer des raclées mémorables et routinières aux catholiques/protestants, même si ces catholiques/protestants ne croyaient pas en Dieu et avaient solennellement renoncé à leur ancienne foi. Il n'était pas sans intérêt de se demander ce qu'un bigot d'une confession donnée pouvait reprocher à un athée né dans une autre confession. Voilà ce qui me plaisait dans la haine version Belfast. Il s'agissait d'une haine pataude, capable de survivre confortablement en se nourrissant des souvenirs de choses qui n'ont jamais existé. Il y avait là-dedans une sorte de vigueur admirable.
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