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Brice Matthieussent (Traducteur)
EAN : 9782264025937
466 pages
10-18 (26/02/1998)
3.92/5   190 notes
Résumé :
"Arrogant, paresseux, génial et cancre, Ripley Bogle joue tous les personnages d'une même pièce avec une verve incroyable.
Au terme de cette autobiographie comique, truffée de digressions verbales à la Laurence Sterne qui rendent hommage à Joyce, Ripley Bogle nous fait un aveu : il a menti. Ce qui est, de la part de McLiam Wilson, un dernier clin d'œil à "son Irlande", personnage invisible de cet étonnant roman : "Il n'y a rien de plus irlandais que le menso... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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les pensées d'un SDF irlandais au cours de la journée, 9 etoiles
L'intrigue de Ripley Boggle se déroule sur 4 jours, avec un narrateur peu fiable. Au lecteur de voir qu'il est affabulateur et manque de maturité.

Les aventures sont pleines de cocasseries et d'outrances mais elles posent aussi la question de la violence. Finalement ne serait-ce pas une tentation, à laquelle les Irlandais succomberaient facilement ? demande -et se demande, l'auteur...

résumé de Ripley Bogle, un premier roman qui paraît avoir bien des qualités.

Ripley Bogle, jeune Irlandais en rupture de ban, vit à Londres, ou plus exactement, il y survit. Il est devenu SDF. Durant quatre jours, cet intarissable conteur nous raconte sa descente aux enfers. Arrogant, schizophrène et génial, Bogle est un aristo de la dèche, un Candide clochardisé qui pousse sa galère entre l'Irlande de la guerre civile et l'Angleterre des homeless

Ripley Bogle, chez Belfond, ressemble bien à son auteur, tel qu'il apparaît en public : il bouscule tout, manie l'ironie et la verve, crache sur ce qui lui déplaît, mais en faisant sourire.

les références à Dickens se montrent dès le début : mais au lieu de décrire sa naissance en termes convenus, le narrateur en rapporte les différents cris initiaux :

Aaaaaaaaeeeeeeeiiiiiiccchh !

puis

Aaaaauuuuuuuuurrrrrrcccttttttttccchhhhh !

je passe sur quelques cris intermédiaires pour en arriver au stade final

Oooooooohhh !

Eructant un rôt paisible et apaisé, Mdame Boble achève sa tâche mûrie. Entre ses jambes écartées sur les étriers, gloupe un fils. Anonyme et hideux, il impressionne peu le monde réuni là. Un augure de son existence à vau-l'eau.

Viennent ensuite des hommages assassins à sa mère et à son père, et, mélangeant les genres, du théâtre à la comptine cynique, le narrateur nous fait part de toute la gamme de ses humeurs.
il s'étonne qu'

"un vagabond ranci et puant comme [lui] puisse se pavaner au milieu de cette débauche d'argent."

Mâtiné de gallois et d'irlandais (une putain de calamité) il se trouve à Regents Park, en SDF...

Ripley Bogle ou les pensées d'un SDF, telles qu'elles viennent au cours de la journée, avec parfois des souvenirs de la vie d'avant la débine. L'auteur multiplie les formes de présentation qui vont du narrateur (« je »), à l'interlocuteur (« Tu »), ou à l'acteur (« Ripley », ou « il »).

Les propos sont toujours surprenants, comme cette justification de l'existence des pauvres indispensable à l'existence du Riche, parce qu'elle flatte son ego.

La scolarité de Ripley fut mouvementée, marquée par des bagarres entre catholiques et protestants d'Irlande, nulle quant aux résultats obtenus, alors que Ripley est doté d' un cerveau précoce et brillant - dont il cache les performances.

Des drames, il y en eut aussi , comme cette « nuit de l'internement » où les soldats anglais firent irruption dans les maisons irlandaises, occasionnant quelques « bavures ». La force du texte tient à la relation, apparemment désinvolte, qui ne suscite pas la réaction émotive, mais s'en tient aux seuls faits, tels que vus par Ripley.

Le lecteur saura donc ce qu'est la faim omniprésente dans la vie du clochard, ce qu'il fait de ses interminables nuits, comme les relations qu'il entretient avec ses aînés , battant comme lui le pavé ou demeurant dans des abris de fortune.

La langue alerte, pleine d'expressions savoureuses, sert à merveille les sautes d'humeur de Ripley, et son regard sur le monde, à la fois caustique et joyeux, d'une verve qui conquiert la sympathie.

Un auteur tonifiant dont la lecture est à recommander..
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Ripley Bogle, 22 ans, vagabond à Londres nous raconte sa vie et comment il est tombé si bas, alors qu'il est intelligent et brillant, du moins selon son récit.



Du je au il, peut-être quand la dose d'alcool est trop forte, il nous narre son enfance, fils aîné d'une ancienne prostituée et d'une brute sans cervelle, poivrot, irlandais et catholique de surcroît. Pourtant dans son enfance, à Belfast, le ciel était clair et lumineux. de bagarre en bagarre, de renvoi en renvoi il suit une scolarité chaotique. Pourtant c'est un enfant surdoué. Il aura la chance d'être intégré à l'université de Cambridge, lui venant des bas-fonds de Belfast. Ripley qui gâche toujours toutes ses chances va tomber amoureux d'une jeune fille protestante et sera renié par sa famille. Il va devoir travailler, il est courageux mais son mauvais petit démon lui souffle toujours de mauvaises idées qui le font sombrer de plus en plus dans la misère. Il sera renvoyé de Cambridge également, deviendra alcoolique suite à un chagrin d'amour, et la descente aux enfers va de plus en plus vite.



Il reste le récit d'un jeune vagabond, la faim au ventre, ses coins favoris, ses amitiés ses inimitiés, la violence, la maladie, la fatigue.



Est-ce le je qui nous raconte la vérité ou le il, certainement les deux ! Chacun a sa propre vérité.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Quatre jours sur les pas de Ripley Bogle. Mais qui est vraiment Ripley Bogle ? Un simple sans-abri parmi d'autres, comme Londres en compte à foison ? Londres comme toutes les villes occidentales d'ailleurs, déjà lors de l'écriture du livre (1989) et aujourd'hui encore. le jeune homme nous raconte ses souffrances, ses errances, ses doutes, ses peurs, ses fantasmes. Car l'homme est un peu mythomane. Si l'on ne peut douter de son intelligence et de sa culture (son vocabulaire est plus riche que chez le quidam moyen), on s'aperçoit bien vite qu'il brode avec la réalité. de plus on remarque que les quatre jours en question sont particuliers, une sorte de frontière entre la possibilité de s'en sortir un jour et le non-retour.
On retrouve ici un style proche d'un Hubert Selby Jr, au plus proche d'un langage parlé tout en étant très écrit. Une dichotomie entre les descriptions et les dialogues. Une volonté de ne rien voiler d'une réalité particulièrement glauque, quitte à choquer le lecteur. Alors bien sûr, sur 400 pages, et à certains moments de notre vie, voici un texte qui ne passe pas. Et pourtant, on ne peut douter de la sincérité de l'auteur. Je l'avais découvert sur le documentaire « Les dépossédés » qu'il a écrit quelques années plus tard, un essai sur les milieux ouvriers et déclassés anglais, suite à la politique de Margaret Thatcher.
Alors que reste-t-il des élucubrations de Ripley Bogle, après avoir trié dans ses dires ? Peu importe, l'homme reste attachant et énervant à la fois ; touchant, il reste dans les mémoires même après avoir refermé le livre. Certains appellent ça le talent.
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Claude ! Je suis désolée ! Claude ! Dis-moi que tu m'aimes encore, même si je n'ai pas vraiment accroché à Ripley Bogle ! Claude ! Tu sais que rien ne me rendrait plus malheureuse que l'idée que tu te détournes de moi pour un roman un peu trop … euuuuh… pas assez gai en une période où j'ai besoin de gaîté ! du coup Ripley, je t'avoue, il m'a fait grisonner le moral et j'ai pas continué. Bon, tu me diras, vu ce par quoi j'ai continué, c'est évident que tu ne m'adresseras plus jamais la parole, mais des fois il faut lire des choses plus légères et sortir de ses plates-bandes et tu sais, mes plates-bandes sont infiniment trop sérieuses en ce moment, je perds un lectorat précieux qui pourrait me permettre de gagner des points au classement Buzztrucmuche et de gagner des centaines de milliers de brouzoufs avec d'énormes pubs partout (quoi, c'est pas crédible ? )

J'ai besoin de légèreté, et même si je sens au fond de moi que Ripley Bogle est fort et bien écrit, ben, c'est trop. Ces déambulations d'un jeune SDF de 24 ans, ça m'a retournée, ça m'a déprimée, ça ne m'a pas donné envie de continuer. Alors bon, je sais, j'aurais pu me forcer un peu, mais là, non, je n'ai plus envie de me forcer pour terminer des romans qui ne m'accrochent pas. S'il reste sur la table de nuit toute la journée, si j'oublie de le prendre dans mon sac le matin, c'est mauvais signe. Si, alors qu eje l'ai dans mon sac dans le bus, je glandouille sur Twitter, c'est mauvais signe. Si je n'ai pas envie de connaître la suite, si je n'ai pas envie de savoir ce qui va se passer, comment ça va se passer, c'est mauvais signe.

Alors, voilà, j'ai arrêté Ripley Bogle avant la fin. C'est Anne qui s'est montrée voyante sur ce coup-là.
Lien : http://www.readingintherain...
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Que peut bien nous racontez un vagabond âgé de 22 ans ? Sa triste et misérable vie sur les trottoirs et bancs publics de Belfast à Londres. Ripley Bogle nous raconte, dans un monologue poignant, son parcours, ses histoires, ses errances.

Plutôt doué et intelligent de nature, sa lente descente aux enfers est parsemée de moments durs et difficiles à entendre. Mais loin de se plaindre (tel qu'on pourrait l'attendre), il évoque les mauvais choix réalisés, les mauvaises personnes rencontrées à la mauvaise période, le mauvais pays dans lequel il est né...

Et pourtant, il le sait : c'est lui le fautif! C'est lui le mésireux de l'amour, de l'amitié et de la vie. S'en sortira-t-il ? Dans un certain sens, on ne le souhaite pas !!
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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Ils te font le coup de la décence, les vieux. De la décence. Oui oh oui. Ça me tue, cette histoire de décence. Ça me flanque par terre. Difficile à croire, mais vrai. Imagine-moi ici, marchant dans cette rue. Grand, fort, d'une beauté qui se flétrit, aussi dangereux qu'un serpent. J'ai beau être un vagabond, j'incarne la jeunesse et l'énergie triomphantes. Je suis sarcastique. Je suis vicieux, capricieux, je n'aime que moi. Je suis le grand prêtre de l'église de la jeunesse acide. Il n'y a qu'une chose qui tue : la décence. Ce calme souverain, cette putain d'équanimité. Colle-moi contre un type vraiment décent, une médiocrité rondouillarde d'âge mûr et au petit-cul, doté d'un découvert en banque et de deux filles adolescentes et maigrichonnes, et je me liquéfie littéralement. Je suis massacré par toute cette douce sagesse, cette charité et cette expérience impitoyables. La considération, le tact, l'acceptation placide. Dieu du ciel, la bonté et le désintéressement de ces gens me flanquent par terre ! Plus jeune, je les dérouillais salement, je me tapais leurs femmes et je pissais sur leurs perruques, ce genre de truc. Mais ça ne m'a jamais avancé à grand-chose. J'avais toujours le sentiment qu'ils remportaient régulièrement le trophée du tournoi. je trouvais ça répugnant. Avec leur brioche et leur cou flasque, que possédaient-ils donc de plus que moi ?

Ne réponds surtout pas !

C'est ça, l'âge. C'est ça qu'ils avaient de plus que moi. Drôle de truc, l'âge. Tout comme la mort, j'essaie de ne pas trop y penser. Mais, bordel, il va venir vite et que deviendrai-je alors ? Ah, ce fossé. Ce mur infranchissable qui sépare les jeunes et les vieux. Ils nous détestent et nous les détestons. Ils règnent néanmoins sur le monde et sur toute la jeunesse. Tous ces chefs d'État séniles qui font tourner notre petite planète fiévreuse. Que savent-ils du monde moderne ? Ils ont franchi le cap de l'andropause pendant la Seconde Guerre mondiale. Dépassement de la date limite. Produit périmé. Ils sont hors service, putain !

(D'un autre côté, je ne voudrais pas qu'un petit morveux à la gomme dirige le pays en appliquant les recettes de l'expérimentation juvénile. Ce ne serait pas très malin. Problème délicat, sans aucun doute.)

L'emmerdant chez les vieux, c'est qu'ils sont vieux. Ils sont pompeux, intolérants, acariâtres. Ils n'ont ni spontanéité ni vigueur. L'âge les rend très sentimentaux.

L'emmerdant chez les jeunes, c'est qu'ils sont jeunes. Ils sont têtus, prétentieux, insolents. Nous n'avons ni sagesse ni jugement. La jeunesse nous rend très sentimentaux.

Tu sais, je crois qu'au fil du temps j'apprendrai sans doute très bien à devenir vieux. D'ailleurs, je n'ai pas le choix, non ? Pête-sec et distingué j'espère. Je ne me suis pas encore décidé pour la vieillesse. Je ne suis pas gérontologue. J'y penserai davantage quand je serai un peu plus vieux...

Perry m'a donné un peu d'argent ce matin. Un petit billet de dix bien craquant. Il l'a manifestement glissé dans la poche de mon manteau pendant que je regardais ailleurs. ( Ah, la diplomatie aux doigts légers... Cet homme est un saint, sans blague.) Je dois reconnaître que ça m'a fait un choc. Ma dignité en a pris un coup. Et de dignité, il ne m'en reste pas suffisamment pour faire comme si de rien n'était. Comprends-moi bien. Ce pognon ne me gêne pas le moins du monde, mais ce qui reste de ma fierté en a pris un coup. La fierté ! Que je conserve un reste de ce vice véniel, n'est-ce pas là une merveille de ténacité ? Mendigoter auprès d'un infirme miséreux, à mon âge ! Je suis vraiment sur la mauvaise pente. Je devrais prendre ça avec davantage de fatalisme. revendiquer le caractère inévitable de ma situation. Honorer mes tribulations...
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Le froid de cette sale nuit commence maintenant à tisser ses fils de glace autour de mon cœur défaillant. Ces jours-ci, mon cœur s'ouvre largement au temps qu'il fait. Les chutes de température, les dépressions et les fronts d'air froid se réverbèrent et s'ébattent dans mon pathétique miroir cardiaque. Cela m'inquiète. Il faut que l'été arrive sans tarder. Il va venir ! Je le sais très bien. Il ne faut pas que je me ronge les sangs. Non. À cette pensée requinquante, les lampadaires de la rue scintillent, amicaux et lugubres, pour ma mélancolie, pour mes yeux solitaires.

Je songe tout à trac que j'ai faim. mais, "faim" n'est peut-être pas le mot adéquat. Un expression plus juste et mesurée pour décrire mon expérience présente serait sans doute : une putain de voracité qui me tord les tripes. D'accord, je suis un blanc-bec sans doute prompt aux exagérations de la jeunesse, mais c'est pour de vrai. C'est le truc authentique, garanti pur jus. Faim me frappe de plein fouet. Faim m'estourbit de son pied-de-biche. Faim s'amuse de moi. Ai-je déjà mentionné le fait que je n'ai rien mangé depuis plus de trois jours ? Et alors ? tu vas dire. Mais j'ai vécu pire que ça ! Il y a quatre jours, par exemple, je n'avais rien mangé depuis cinq jours et je me suis senti tellement désespéré, putain, que j'ai récupéré dans une poubelle un hamburger à moitié bouffé, j'en ai essuyé la saleté et je l'ai englouti avec délectation. Alors ? Je parie que maintenant tu regrettes d'avoir ouvert le bec. ( N.B. : Je me suis senti tellement honteux et dégoûté que j'ai bien failli vomir aussitôt le tout et que je n'ai pas récidivé depuis.)

Mais revenons à mes petites douleurs présentes. Je pense m'en être assez bien tiré jusqu'ici.

J'ai souffert quasiment en silence. Ce qui, de ma part, est un exploit tout à fait inattendu. L'épuisement est une chose étrange, aux facettes multiples. Il t'envahit par stades successifs. ( Comme je n'ai jamais passé plus de quinze jours sans m'alimenter, mon expérience est nécessairement limitée. À jeûner plus longtemps, je deviendrais aveugle, fou, ou bien je mourrais.)

D'abord, ça fait un mal de chien pendant environ une journée. Tu as le ventre tout ballonné et distendu, tu rotes prodigieusement et tu as tellement de salive dans la bouche que tu ne sais plus quoi en faire. Nous connaissons tous cette faim là. La faim entre deux repas, la faim dun jeûne, la faim du voyage, même la faim d'un régime. C'est une broutille. Une petite fringale de rien du tout. Totalement étrangère au vrai problème. Tu ressens ensuite un agréable renouveau de confort et d'énergie. Quand ton cerveau consomme ses dernières réserves de glucose, ton esprit s'aiguise, tu deviens spirituel. Tes pensées et tes paroles sont aériennes, audacieuses, d'une beauté et d'une ampleur pyrotechniques. Tu écris des poèmes, tu résouds des problèmes de probabilités, tu découvres trois traitements indépendants du cancer.

C'est bien. C'est drôle. Mais alors Souffrance enfonce un gros bâton noueux dans le cul et baratte ton abdomen déjà distendu. Une demi-journée de splendides hurlantes et c'est fini... Ouf. Sans t'arrêter pour souffler, tu abordes une nouvelle période de tranquillité. Tu connais un bonheur inexplicable. Même l'intrusion sinistre d'une mort cérébrale imminente ne peut troubler cette sérénité nouvelle. Tu connais et accueilles tout ce qui se présente. Macrocosme et microcosme. Tu disposes d'une infinie sagesse, d'une compassion illimitée. Tu es le Philosophe Faim, un voyant infiniment sagace. Dieu vient te parler.

Souffrance interrompt cet état et te vide sans ménagement. Une demi-heure plus tard, tu accouches d'une moissonneuse-batteuse aux lames rotatives, tu tousses et vomis ce qui ressemble à ton intestin grêle. Il file au loin vers une vie nouvelle sous le soleil avant que tu n'aies eu le temps de le rattraper.

Au moment précis où tu te crois fichu, prêt à passer l'arme à gauche, le calme revient. Mais c'est maintenant un calme plat. Un calme comateux. Le temps se dilate, te voilà en pleine excursion au paradis des hippies. La perception et l'intelligence sont parties en congé loin d'ici et tu patauges dans une paix mollassonne. Arrivé à ce point, tu ne fais plus très attention à ce qui t'arrives, tu risques de te retrouver à essayer de piquer un roupillon sur l'autoroute, etc. Pourtant, ne te mets pas martel en tête : dans cet état qui est désormais le tien, tu as besoin de toute l'insouciance dont tu es capable.

Tiens ! Qui va là ? Mais je rêve ! Revoilà cette bonne vieille Souffrance ! Elle est vraiment furax, elle meurt d'envie de te faire morfler. Elle commence par te tarauder vicieusement les boyaux avant de s'attaquer à la paroi de ton estomac qu'elle récure à la paille de fer. Saisie d'une inspiration subite, elle accroche ton pancréas à ta vessie avec un croc de boucher. Tu te recroquevilles et restes couché en chien de fusil. Tes jambes se dérobent sous ton corps et, lorsque tu tentes de te relever, elles ne t'obéissent plus. Tu improvises et retombes aussitôt.

Ça passe. Incroyable, mais ça aussi ça passe...
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Page 186 : Leicester Square. Ce lieu est d'une excentricité monstrueuse. Partout, les cinémas avancent leurs formes anguleuses et des affiches géantes agressent l'oeil. Le minuscule rectangle d'herbe et d'arbres est délimité par des piquets au centre de ce capharnaüm, tel un patient attendant son lavement sur le trottoir. Des centaines d'étourneaux se réunissent au milieu des airs dans un tumulte tapageur ; les arbres filiformes ainsi que les bancs sont partout enduits de leur omniprésence noire et virevoltante. Il y a de la merde d'oiseau dans tout le secteur. Cette place est toute mouchetée d'excréments d'oiseaux britanniques et de culture yankee. Je crois que je préfère la contribution des volatiles.
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Page 269 : Nous autre Irlandais, nous sommes tous des putains d'imbéciles. Aucun autre peuple ne rivalise avec nous pour l'absurde sentimentalité dans laquelle nous nous vautrons. Nous et l'Ulster. Putains d'Irlandais chouchoutés par Dieu, ainsi qu'ils aimeraient le croire. Comme peuple, nous sommes une catastrophe ; comme nation, une honte ; comme culture, des casse-pieds... et pris individuellement, nous sommes souvent repoussants.
Mais nous aimons tout ça, nous autres Irlandais. C'est pour nous un vrai régal. Pires nous sommes, plus nous aimons ça. Nous adorons la vieille Irlande et elle nous adore.
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La pauvreté, la solitude et la crasse ne font pas un mélange savoureux dans le meilleur des cas, mais quand on y ajoute les condiments de l'épuisement et du désespoir, leur effet est presque vertigineux.
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Vidéo de Robert McLiam Wilson
Le mercredi 20 juin 2018, la librairie Charybde (129 rue de Charenton 75012 Paris - www.charybde.fr ) avait la joie d'accueillir Thierry Corvoisier (éd. Rivages) et Sébastien Wespiser (éd. Agullo) en tant que libraires d'un soir.
Ils nous parlaient de :
1. Jim Harrison, "Dalva" (04:20) 2. François Médéline, "La politique du tumulte" (16:40) 3. Gregory McDonald, "Rafael, derniers jours" (24:01) 4. Grégory Nicolas, "Là où leurs mains se tiennent" (30:14) 5. Robert McLiam Wilson, "Eureka Street" (40:10) 6. François Guérif, "Du polar" (48:45) 7. David Peace, "Le quatuor du Yorkshire" (58:00) 8. David Peace, "Rouge ou mort" (1:01:51)
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