Citations sur Lonesome Dove, tome 1 (95)
Ils encerclèrent le troupeau et commencèrent à le diriger en douceur vers le nord-ouest, agitant de temps à autre un lasso pour faire avancer les chevaux, mais sans un mot de trop. Newt ne pouvait s'empêcher de trouver tout cela un peu curieux car il avait toujours plus ou moins supposé qu'ils allaient au Mexique pour acheter des chevaux et non pour en voler. On ne pouvait que s'étonner de ce qu'un petit fleuve boueux comme le Rio Grande marque une telle frontière entre ce qui était légal et ce qui ne l'était pas. Du côté texan, voler des chevaux était un crime passible de pendaison, et beaucoup de ceux que l'on pendait ainsi étaient des cow-boys mexicains qui traversaient le fleuve pour faire, en gros, ce qu'ils étaient eux-mêmes en train de faire. Le capitaine Call était réputé pour sa sévérité à l'égard des voleurs de chevaux, et pourtant, ils étaient là en train de voler un troupeau entier. De toute évidence, dès que l'on traversait le fleuve, cela cessait d'être un délit et devenait une sorte de jeu.
- Depuis quand t'es éclaireur ? demanda sèchement Call.
- Eh bien, avec un autre type, on conduisait du bétail sur le territoire des Blackfeet. L'armée est venue nous donner un coup de main.
- L'armée, conduire du bétail ? J'aurais voulu voir ça, fit Augustus.
- Elle nous aidait à garder nos scalps, expliqua Jake en posant son couteau et sa fourchette sur le rebord de son assiette comme s'il s'était trouvé dans un restaurant élégant. Mon travail, c'était surtout d'écarter les bisons.
- Les bisons ? l'interrompit Augustus. Je croyais qu'il en restait presque plus. - Tu parles. J'ai bien dû en voir cinquante mille au-dessus du Yellowstone. Les chasseurs de bisons ont bien trop la trouille d'aller les chercher en territoire indien. Oh, mais ils vont les faire disparaître une fois qu'on sera venus à bout des Cheyennes et des Sioux. C'est peut-être déjà fait à l'heure qu'il est. Ces foutus Indiens ont tous les pâturages du Montana rien que pour eux. Hé, Call, tu devrais voir ces pâturages !
Les nuits sur la frontière avaient ce je ne sais quoi qu'il avait fini par apprécier, même si cela n'avait rien de commun avec les nuits du Tennessee. ll se rappelait combien, là-bas, l'obscurité se voilait d'une brume épaisse comme du coton qui venait se déposer dans les creux de terrain. Ces nuits étaient tellement sèches que l'on pouvait humer la poussière - et aussi limpides que la rosée. A tel point qu'elles en étaient traitresses même lorsqu'il n'y avait qu'un mince croissant de lune, les étoiles jetaient assez de lumière pour que les buissons et les piquets de clôtures projettent une ombre. Pea Eye, qui avait tendance à sursauter pour un rien, avait toujours un mouvement de recul en les voyant, et une fois il avait même ouvert le feu sur d'innocents buissons de chaparral qu'il avait pris pour des bandits.
Dish ne releva pas et Augustus décida de ne pas le taquiner. L'extrême naïveté des jeunes l'incitait quelquefois à faire preuve de charité ; ils ignoraient tout des contraintes de l'existence et étaient loin de soupçonner à quel point la vie filait vite. Pour eux, les années passeraient comme des semaines, les amours se dissiperaient et se mueraient en ressentiment.
— T'as une idée de la distance d'ici au Montana, Call ? demanda Augustus.
Call laissa errer son regard vers le nord, au-delà des terres poussiéreuses qui se déployaient devant eux, comme s'il essayait d'évaluer mentalement l'étendue des plaines qui allaient encore plus loin qu'on ne le prétendait, bien plus loin. Le matin même Jake avait évoqué la Milk River, un cours d'eau dont il n'avait jamais entendu parler. Il connaissait le pays comme sa poche, il ne s'y était jamais égaré, mais le pays en question s'arrêtait à la rivière Arkansas. Il avait rencontré des hommes qui parlaient du Yellowstone comme des limites de l'univers. Même Kit Carson, qu'il avait rencontré à deux reprises, n'avait jamais dit un mot de ce qui s'étendait plus au nord.
Comme c'était curieux de paraître infaillible aux yeux d'autrui et de se sentir si vide et si triste en son for intérieur.
Ce voyage était encore pire que tout ce que Roscoe avait imaginé, et pourtant, il s'était préparé à vivre un enfer absolu.
[...] les cow-boys auraient préféré avaler du poison plutôt que de devoir descendre de cheval.
"T’es le seul homme que je connais dont le cerveau fonctionne qu’à l’ombre."
Enfin, la vie commence, se dit Newt. Il était là, de l'autre côté de la frontière, sur le point de conduire un énorme troupeau de chevaux, et dans quelques jours il suivrait la piste en direction d'un endroit dont il avait à peine entendu parler. La plupart des cow-boys qui montaient au nord de Lonesome Dove ne dépassaient pas le Kansas, et ils estimaient que c'était déjà loin mais le Montana devait être deux fois plus éloigné. Il ne parvenait pas à se représenter les lieux. Jake avait dit qu'on y trouvait des bisons et des montagnes deux choses qu'il n'avait jamais vues, de la neige aussi, qui était de toutes la plus difficile à imaginer; il connaissait les crêtes et les collines et pouvait ainsi se faire une idée de ce qu'était une montagne. De même, il avait vu des bisons dans les journaux que les conducteurs de diligence laissaient parfois à M. Gus.
La neige, en revanche, demeurait absolument mystérieuse.