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Critique de bouquine


« La mort est mon métier » est un témoignage terrifiant, difficilement supportable mais captivant. Travail d'historien primordial pour la postérité, le roman de Robert Merle est basé sur l'enquête d'un psy réalisée au moment du procès de Nuremberg. Il se présente comme le journal intime du commandant du camp d'Auschwitz-Birkenau, son enfance, son ascension jusqu'à sa chute. L'emploi du « je » confère au récit une proximité épouvantable.

Comment devient-on un bourreau monstrueux capable d'organiser l'horreur au rang d'une industrie ? de l'optimiser dans les moindres détails ?
Des traumatismes de l'enfance qui trouveront une compensation dans l'armée, comme un ersatz de famille offrant un sentiment de sécurité, un refuge dans l'obéissance et le culte du chef, puis les stigmates de 14-18 - l'humiliation après le traité de Versailles ressenti comme un «diktat» et la spirale chômage-misère des années 20 - enfin les idées nauséabondes scandées en « prêt à penser » par le parti nazi, ont joué leurs rôles d'attiseurs sur cet homme manifestement déséquilibré.

On suit son évolution dans les rangs des SA puis des SS en parallèle avec celle du IIIème Reich. Pour ses talents d'organisateur, le Reichfürher lui confiera la mission secrète de réaliser le plus grand camp d'extermination, avec des objectifs imposés en temps et en «unités » (comprenez juifs). Sans esprit critique, sans état d'âme, aucune trace de pitié ni de remords, enfin, sans aucune humanité, il y parvint bien au-delà des espérances de ses chefs. Simplement obéir avec une froide détermination, exécuter les ordres avec zèle pour être utile à la cause/patrie.

« Comme un tableau de Breughel, celui qui peignait l'enfer ». C'est ainsi qu'est décrit par l'un des SS le « traitement spécial », génocide planifié dans les camps de la mort. Mais le tableau est une oeuvre d'art, une allégorie alors que ces camps étaient l'enfer.

Après cette lecture réellement éprouvante, j'aimerais savoir comment a survécu sa famille, dans l'après-guerre. Ses enfants étaient encore très jeunes au moment des faits et ont logé sur le site d'Auschwitz. Comment a-t-il pu vivre une vie de famille à côté de l'horreur absolue ? J'ai lu quelque part que sa femme recommandait aux enfants de bien essuyer la poussière retombée des cheminées et déposée sur les fraises du jardin avant de les manger !

Ne dit-on pas que les bourreaux ont d'abord été des victimes ? On peut en convenir pour quelques individus, monstres fabriqués par l'enchaînement de circonstances puis par un système. Mais l'inconcevable, c'est le nombre ! Combien y a-t-il eu de Höess ? Voilà l'inimaginable.

Cela m'évoque ces paroles d'une chanson de Goldman « Qu'on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps D'avoir à choisir un camp».
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