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Critique de Ellane92


Comment appelle-t-on un homme qui fait du massacre en masse ? Un bourreau ? Un tyran ? Un "génocidaire" ? La réponse de Robert Merle donne son titre à l'ouvrage : il s'agit d'un homme dont "La mort est le métier". Sur la base des rapports de psychiatrie de Rudolf Hess et des rapports du procès de Nuremberg, Merle nous livre la vie, l'histoire et les pensées de Rudolf Hoss, commandant du camp d'extermination d' Auschwitz-Birkenau.
Au premier abord, on est pris de sympathie pour l'enfance du futur nazi, auprès d'un père chrétien intégriste qui le voue à la carrière religieuse et d'une mère et de soeurs transparentes. On suit avec soulagement son adolescence et son entrée dans le régiment des dragons. Puis l'on devient inquiet lorsque, las du chômage et de la misère qu'il connait lors de son retour en Allemagne, il sympathise avec un groupe politique qui commence à prendre de l'importance, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (ou parti nazi). Car après un séjour en prison et une période de calme, Rudolf est ravi de déposer sa vie, son obéissance et son honneur aux pieds de ses supérieurs, eux qui ont une vue stratégique de l'ensemble des actions demandées à leurs subalternes, eux dont les décisions, quelles qu'elles soient, sont justes et eux qui, enfin, légitiment toutes les conséquences des actions qu'ils auront demandées. Y compris lorsqu'il s'agit de rendre opérationnel et de faire un modèle de rendement du futur camp d'extermination d'Auschwitz.

Robert Merle est un conteur, lui qui mêle dans ce livre, sur le même ton et avec la même précision clinique, des morceaux de vie de famille et d'horreur. Cet ouvrage fait partie des livres qui ne se lâchent pas, que l'on dévore, qui nous obsèdent tant qu'ils ne sont pas finis, et bien après encore. Merle ne nous épargne aucune image, ni la misère des camps, ni les fumées asphyxiantes de la graisse versée sur les corps pour brûler les os, ni les stratégies pour convaincre les juifs d'entrer en bon ordre dans les chambres à gaz. Parce qu'au final, le problème "de la solution finale", c'est l'optimisation du rendement des camps comme celui d'Auschwitz : ce n'est pas de tuer en masse qui est compliqué, mais de savoir quoi faire des corps de façon à tuer encore plus encore plus vite.
Et que tout ce qui est décrit est réel, a eu lieu, dans un passé dont des rescapés nous parlent encore.

Au final, je ne sais pas si je suis convaincue par la thèse de Merle sur la naissance d'un bourreau. Pour moi, l'énigme demeure sur le déroulement qui amène un homme, au choix : à tuer, à torturer ses semblables, à massacrer, à ignorer sa part d'humanité pour mieux nier celle de l'autre. Je ne peux pas croire que tous les nazis étaient des « fous ». Alors, comment se peut-il… ? Ce roman de Merle m'a marquée, en décrivant un parcours possible. Et s'il me laisse toujours aussi démunie face à la folie de certains hommes, il permet au moins d'informer et de faire se poser quelques bonnes questions.
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