Gardiens des cités perdues, tome 4 : Les invisibles

- Pardon, mais vous ignorez tous la question la plus importante, l’interrompit Keefe, qui désignait une statue de marbre battue par les éléments à l’autre bout de la cour. Suis-je le seul à avoir remarqué que ce type était tout nu ?
Sophie leva les yeux au ciel.
- C’est David.
- Je me fiche de son nom, répondit Keefe. Je n’ai pas envie de voir son anatomie.
- Je suis d’accord avec Keefe, acquiesça Dex.
- Moi aussi, renchérit Biana, les joues empourprées.
- Mais oui, tiens, pourquoi n’est-il pas habillé ? demanda Fitz, qui évitait avec soin de regarder la sculpture.

- D’abord, tu dois penser à ces souvenirs pour les mettre en avant dans ton esprit. Ensuite, tu m’autorises à pénétrer ta conscience... et, oui, je sais que la formulation est louche.
Keefe esquissa un sourire.
- Moins quand elle vient de toi.
Elle lui effleura les tempes.
Il recula.
- Pardon... Je ne m’y attendais pas. Tu ne le fais pas avec Fitz.
- Je suis tellement habituée à son esprit que je n’ai plus besoin de contact physique. Détends-toi ! Le procédé n’a rien de terrible.
Keefe se redressa avec un signe de tête et prit une légère inspiration lorsque les doigts de Sophie se posèrent sur sa peau. Elle ne s’était pas rendu compte combien ils étaient proches.
- Tout va bien, Foster ? demanda-t-il, avant de sourire de plus belle. Je perçois comme un changement d’humeur...

- On t’accompagne, dit Dex.
- Hors de question. Je dois être visible pour faire des achats. Et tous ensemble, on aura l’air louche.
- Mais on est en costume ! protesta Biana.
- Il n’empêche que vous sortez du lot. Enfin... regardez-vous ! On dirait des mannequins.
- Je rêve, ou Foster vient de dire qu’elle nous trouvait canon ? demanda Keefe.
- Je crois bien que oui, répondit Dex, qui souriait jusqu’aux oreilles.

- Mais comme le disait Fitz, le Conseil originel ne comportait que trois membres. A quoi se sont ajoutés plus tard les Emissaires. Si bien que pendant longtemps, seule une poignée d'elfes étaient considérés comme nobles. D'où le statut des Vacker, qui peut sembler intimidant, d'ailleurs. C'est pourquoi j'ai tout d'abord refusé les avances de votre père... Je n'étais pas certaine de vouloir d'une telle exposition.
- Pourrions-nous éviter de parler de toi, de papa et d'avances dans la même phrase ? grimaça Fitz.
- Franchement... renchérit Biana.
- Comment ? Vous n'avez pas envie que je vous raconte en détail notre premier baiser ? les taquina Della avant de serrer ses enfants contre elle dans un éclat de rire.

Chaque génération rejette ses problèmes sur la suivante, tout simplement parce qu'elle manque de temps pour les résoudre.

Sophie ouvrit les yeux et retint un rire à la vue du visage de Fitz, maculé de pulpe de fruit rouge. Il s’essuya les joues sur ses manches, ce qui ne fit que l’étaler.
- Je sens que cet exercice va me plaire, déclara Keefe. Qu’est-ce qu’on peut lui jeter d’autre ?

- Les utilisateurs devront avoir le visage collé l’un à l’autre, remarqua M. Forkle.
- Foster et moi, on est volontaires ! hurla Keefe.
- Pardon, si l’un de nous doit partager avec Sophie, c’est moi, protesta Dex.
- Minute, qui a dit que je devais partager ? s’insurgea l’intéressée.
- Tu as raison. Je vote pour Dex et Keefe, renchérit Fitz.
- Adjugé, décréta M. Forkle. Keefe, donnez votre oxypailleur à Della.
- Attendez... qu’est-ce qu’il vient de se passer ? demanda l'Empathe.
Fitz, Biana et Sophie éclatèrent de rire.

- Les Invisibles préparent leur coup depuis des années, Keefe. Tu ne les vaincras pas sans réfléchir un minimum et... (Elle sourit lorsqu’elle vit le contenu de la sacoche, où se terrait un gulon en peluche vert.) Madame Schlinguette est là pour t’aider à dormir, pas à combattre les ogres.
- Je sais, marmonna Keefe.
Si seulement il avait pu sourire, plaisanter, réagir comme il en avait l’habitude... surtout face au nom qu’avait choisi le Flasheur.

- Je ferais mieux d’aller m’excuser auprès de Fitz, bredouilla Sophie.
- C’est plutôt moi que tu devrais supplier de te pardonner, rétorqua Keefe, de retour dans la pièce. Tu m’as caché l’existence de Monsieur Câlin... faute irréparable ! Enfin, si, mais tu vas devoir convaincre Fitz de se faire appeler le Seigneur des Câlins à partir de maintenant.
- Je vais voir ce que je peux faire, gloussa Sophie.

- Vrai ! Mais il est génial, Monsieur Câlin !
Lors d’un exercice de confiance, Fitz lui avait avoué ne pas pouvoir trouver le sommeil sans son dragon en peluche. Il lui avait même prêté son doudou pour lui remonter le moral.
- Tu l'as apporté ici ? demanda-t-elle.
- Bien sûr ! On va voir combien de temps il faudra à Keefe avant de le dénicher.
- Tu ne redoutes pas qu’il le trouve ?
- Je croyais que si. J’ai passé des heures à lui chercher une bonne cachette !