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Critique de ay_guadalquivir


Lettre à Pierre Michon
J'ai longtemps imaginé cette lettre, sans qu'elle sache comment soudain jaillir. L'espoir de vous croiser dans cette librairie nantaise que nous fréquentons l'un et l'autre. L'idée d'une proximité géographique, le miracle de la Loire sans doute. Enfin, l'éblouissement pourtant bien réel que m'a procuré la lecture des Onze. Je trouve qu'il y a quelque chose de miraculeux à s'adresser ainsi à un grand écrivain. Comme une façon de s'adresser à tous les écrivains, depuis Homère à Victor Hugo, jusqu'à vous. Comme célébrer l'idée même de la littérature dans un rapport intime tout à fait singulier. Quelque chose dont j'ose dire qu'elle ressemble à votre littérature, qui embrasse l'Histoire et les hommes par la science de leur simple vie. Tracer les grands traits, les trajectoires immenses, les destinées, tout cela par la description de vies parfois minuscules.
Mais je voudrais un instant revenir à la Loire, que j'ai découverte en arrivant ici. Découverte autant qu'on le peut en en parcourant seulement une centaine de kilomètres. Et pourtant déjà, elle semble tracer une idée à laquelle je vous associe volontiers. L'image des pêcheurs au lever du jour, dans les brumes si particulières des rives de l'Anjou. L'idée que quelque chose de nécessaire, à la fois petit et immense, se déroule ici, avec le temps, malgré le temps. le fleuve impose une vision du temps, un mouvement, une fatalité, une force à laquelle nulle ne résiste. Vous aurez sans doute lu « Dans les veines ce fleuve d'argent » de Dario Franceschini, dont le personnage principal est vraisemblablement le Pô. Son récit ourlé de mystères m'a évoqué la Loire, le fantôme de Julien Gracq, les anciennes demeures royales, et la pêche. Je vous imagine pêcheur, à la rencontre du temps de l'écriture, à l'écoute des bruissements de l'eau.
Les Onze m'ont traversé de toutes ces impressions. Car la Loire fut aussi le théâtre de cette Révolution. Les légendes la décrivent chargée de sang et de cadavres. La révolte vendéenne, réprimée, gonfle ses eaux.
L'histoire de Corentin est celle d'un homme inscrite dans son temps, à sa façon. le temps des démesures, le temps où l'homme simple, limousin, peut être transporté dans l'Histoire. le temps où ceux qui font l'Histoire pensent déjà à la postérité. Façon de conjurer la mort souvent brutale. Votre langue est superbe, précise et aiguisée, pour décrire cet épisode imaginaire. Elle effraie parfois, parce qu'elle dit la terreur. Mais elle conduit la vie de tous ces hommes, fidèlement, quoi que dans un mensonge. Quel prouesse en effet d'être si réaliste à inventer l'Histoire. Mais malgré la supercherie, chacun sait que ce portrait des Onze est pus que vérité.
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