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Citations sur Les onze (43)

(...) car elle était une reine: c'est-à-dire quelqu'un à qui depuis sa naissance l'amour exclusif n'a jamais failli, et quand on a eu cela tout peut arriver, le ciel et l'espoir peuvent s'écrouler, on peut se perdre dans mille forêts, voir mille fois son coeur sorti de sa poitrine et foulé, la joie est toujours là, dessous, au moindre appel elle va bondir, elle reste là et attend, invincible, éclipsée seulement parfois, mais vivante, éternelle comme on disait quand ce mot avait un sens.
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C’est que nous sommes des hommes, Monsieur ; et que les hommes de haut en bas, les lettrés et les gueux, aiment passionnément l’Histoire, c’est-à-dire les terreurs, les massacres ; ils accourent de très loin pour les contempler, terreurs et massacres, ils accourent sous le couvert de déplorer les massacres, de les réparer même, disent-ils, les bonnes créatures.
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Allons, je vois bien qu'à mon tour, quelle que soit ma hâte à bondir vers la fin, à commencer par la fin, à faire tenir debout cette histoire des Onze par la seule existence indubitable des Onze, je vois bien qu'avant d'en venir au fait il va me falloir raconter à grands traits cette histoire si souvent racontée - puisque c'est bien du même homme que je parle.
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"Je vous prie Monsieur, d'arrêter votre attention sur ceci : que savoir le latin quand on est MOnseigneur le Dauphin de France et le fils de Corentin de la Marche, ce n'est pas une seule et même chose ;ce sont même deux choses diamétralement opposées : car quand l'un, le Dauphin, lit à chaque page, à chaque désinence, à chaque hémistiche, une glorieuse ratification de ce qui est et doit être, dont il fait lui-même partie, et que levant les yeux par ailleurs entre deux hémistiches, il voit par la fenêtre des Tuileries le grand jet d'eau du grand bassin et derrière le grand bassin sur les cheveaux de Marly la renommée avec sa trompette, l'autre, François Corentin, qui relève la tête vers des futailles et de la terre de cave gorgée de vin, l'autre voit dans ses mêmes désinences, ces mêmes phrases qui coulent toutes seules et trompettent, à la fois le triomphe magistral de ce qui est, et la négation de lui-même, qui n'est pas ; il y voit ce qui est, même et surtout si ce qui est paraît beau, l'écrase comme du talon on écrase les taupes.."
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Mettez-vous bien dans le cœur l’espérance que recèle une vie qui consiste à ramasser de la boue dans une hotte, à vider cette hotte dans la charrette et à recommencer jour après jour jusqu’au soir une œuvre du même tonneau, avec pour aubaine à venir du pain noir, du pain de plomb, et par là-dessus un sommeil de plomb pour le faire passer ; et le dimanche, la cuite plomb. L’aubaine aussi de besogner dans les mois noirs en Limousin quelque chose qu’on appelle une femme par courtoisie, mais qui n’évoque une femme qu’à l’issue d’une opération métaphorique compliquée. Vous y êtes ? Vous êtes bien dans la carpe mûre jusqu’au cou ? Charriez. Ramassez la terre morte avec les poissons dedans. Mangez-en un si le cœur vous en dit, il est à vous, aux mouettes et aux corneilles. Mangez-le. Maintenant, relevez la tête. Voyez là-haut à deux pas la robe d’or, et au-dessus de la robe un regard posé sur vous. Et sous la robe d’or, avec plus de fulgurance, voyez le corps nu de la belle dame. Vous sentez dans vos braies l’émotion immédiate, la divine, l’intense, la seule ? Imaginez ceci encore : quoique limousin vous avez vingt ans et la beauté d’un dieu, et dans les bras la vigueur qui vous a permis de respirer jour après jour dans les nuées de moustiques la carpe mûre et n’en pas mourir, comme sont morts la moitié de vos congénères, tombés d’une échelle, étouffés dans la boue, secoués par les fièvres, pas plus que vous n’êtes morts petit, à trois ans dans le puits, à huit ans sous la charrette, à quinze d’un couteau, comme sont morts vos dix frères et sœurs. Sentez votre vigueur, votre beauté, votre chance d’une certaine façon. Car ceci se passe : la belle dame privée d’homme longtemps vous regarde avec, dans le regard, l’aveu qu’elle a dans ses jupes l’émotion que vous avez dans vos braies. Mais soudain elle regarde ailleurs et ne vous regardera plus, parce que la loi est de fer et que le Père universel veille, et parce que Dieu est un chien. Et si Dieu est un chien, vous avez peut-être licence d’être vous-même un chien à son image, de grimper le talus, de jeter à terre, de trousser et forcer, et de saillir sans façon à la mode des chiens. Et l’enfant qui vous observe (mais cela, vous n’avez pas le temps de le noter), l’enfant qui a tout vu en somme, souhaite passionnément que vous grimpiez le talus et disposiez de sa mère sous ses yeux. Et c’est ce qu’il craint le plus au monde.
Vous y êtes ? Vous sentez bien le trop de désir et le si peu de justice ? Vous portez à même la peau le double masque de l’amour ? Vous êtes Sade et Jean-Jacques Rousseau ? C’est bien, nous pouvons revenir au tableau. Nous pouvons de nouveau nous tourner vers Les Onze.
Onze Limousins, n’est-ce pas ? Onze Limousins drus. Onze barons drus, levés et regardant entrer votre mère jeune et nue dans la salle basse d’un château du marquis de Sade. Onze blondinets coupant des têtes, c’est-à-dire tranchant dans les jupes de leur mère.
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[...] et, quand on est infime, on ne grandit qu'en marchant sur plus infime.
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Il ne s’agissait plus d’opinions, mais de théâtre ; cela arrive souvent dans la politique ; et cela arrive toujours, dans la peinture, quand elle représente la politique sous la forme très simple d’hommes : car les opinions, cela ne se peint pas ; les rôles, si.
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Vous les voyez, Monsieur ? Tous les onze, de gauche à droite : Billaud, Carnot, Prieur, Prieur, Couthon, Robespierre, Collot, Barère, Lindet, Saint-Just, Saint-André. Invariables et droits. Les commissaires. Le grand comité de la grande Terreur. Quatre mètres virgule trente sur trois, un peu moins de trois. Le tableau de ventôse. Le tableau si improbable, qui avait tout pour ne pas être, qui aurait si bien pu, dû ne pas être, que planté devant on se prend à frémir qu’il n’eût pas été, on mesure la chance extraordinaire de l’Histoire et celle de Corentin. On frémit comme si on était soi-même dans la poche de la chance. Le tableau – peint de la main de la Providence, ainsi qu’on aurait dit cent ans plus tôt, ainsi que Robespierre le disait encore chez la mère Duplay comme s’il eût été dans Port-Royal. Le tableau fait d’hommes, dans cette époque où les tableaux étaient faits de Vertus. Le très simple tableau sans l’ombre d’une complication abstraite. Le tableau que commandèrent sur un coup de tête et peut-être dans l’ivresse les enragés de l’Hôtel de Ville, les féroces enfants à grandes piques, les tribuns limousins, le tableau – dont Robespierre ne voulait à aucun prix, dont les autres ne voulaient guère, dont peut-être dix sur onze ne voulaient (Sommes-nous des tyrans, pour que nos Images soient idolâtrées dans le palais exécré des tyrans ?), mais qui fut commandé, payé, et fait. Parce que Robespierre même craignait l’Hôtel de ville ;
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Onze fois Corentin de la Marche. Onze fois le père et sa vocation, son alibi. Onze fois la main à plume, l’auteur – mais l’auteur incertain, égaré, limousin. Des rejetons égarés de la littérature une et indivisible, tous : car ils aimaient la gloire, l’idée de la gloire, plus que tout, leur présence derrière la vitre en fait foi ; et la pure gloire, en ce temps comme dans les autres, vous venait par la littérature, qui était le métier d’homme. (p.51-52)
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Ainsi les hommes filent : et si les hommes étaient faits d’étoffe indémaillable, nous ne raconterions pas d’histoires, n’est-ce pas ?
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