Polar dépaysant à plusieurs titres : roman d'un auteur polonais dont l'intrigue se passe à Varsovie (et l'auteur donne la part belle à cette ville qu'il nous fait « visiter » au gré des pérégrinations du procureur) et dans le contexte d'une thérapie de la constellation familiale, méthode que j'ai personnellement découvert ici. Les constellations familiales sont une méthode de thérapie familiale transgénérationnelle basée sur la mise au jour de l'inconscient familial par le biais de jeux de rôles entre personnes ne se connaissant pas a priori. Selon cette théorie, nos comportements, nos malaises, et même nos maladies seraient des expressions de conflits non réglés, des secrets des générations précédentes, cette thérapie ayant pour objectif de rétablir l'ordre dans le système familial. « Tout ce qui n'a pas été résolu ne disparaît pas … la culpabilité et la faute restent perceptibles en permanence et pour tous ».
Nous sommes en juin 2005 et un meurtre est commis au sein d'un groupe de thérapie de constellation familiale dans un ancien monastère en plein coeur de Varsovie.
Le procureur Théodore Szacki, un quadragénaire un peu taciturne, est chargé de l'enquête. C'est un homme désabusé par son travail de « bureaucrate » (et il en a des procédures à suivre, des actes à rédiger…) et par la routine dans laquelle s'enlise son mariage. Cette enquête tombe à pic pour lui qui souhaite du changement. Ce sera aussi pour lui l'occasion d'une rencontre avec une belle et jeune journaliste qui va remettre en question son engagement et sa fidélité envers sa femme qui ne le fait plus tellement vibrer.
Malgré sa lassitude, Théodore Szacki s'avère néanmoins être un redoutable enquêteur qui nous embarque dans les arcanes du système judiciaire polonais, fort bien décrit, sans jamais être ennuyeux, avec en toile de fond, et peut-être pour nous égarer un peu, la Pologne, son passé d'ex-pays communiste, sa répression policière. Ce polar nous entraîne dans les méandres de la psychologie humaine et dans les tourments de l'histoire. de découvertes en révélations, cette enquête mène le procureur jusqu'aux heures les plus sombres de la Pologne, de son régime totalitaire avant la chute du mur de Berlin. «L'Histoire nous enseigne qu'un pouvoir autoproclamé se rend coupable d'un grand nombre de fautes. Et aussi qu'il les étouffe avec la plus grande efficacité. »
Le dénouement est à la hauteur, surprenant, non conventionnel mais s'inscrivant néanmoins complètement dans le ton donné depuis le début. La « vérité » n'est peut-être pas là où on l'attend.
Intrigue brillamment menée, rebondissements, fausses pistes, des personnages attachants ancrés dans leur époque, sans parler de la « saveur » particulière qu'a ce roman avec la description qui y est faite de la Pologne actuelle et la plongée dans la Pologne des années 80, celle du général Jaruzelski, de Solidarnosc et de Lech Walesa.
Sont évoqués également les rapports entre la presse et la justice, la presse et la police.
J'ai aimé aussi cette atmosphère lourde, grise, pesante qui nous attrape dès le début et sied si bien à l'intrigue.
Zygmunt Miloszewski dépeint aussi bien les sentiments humains que la ville de Varsovie. Tous les ingrédients d'un bon polar efficace sont ici réunis. Une vraie réussite.
Et pour que l'immersion en terre et en histoire polonaise soit totale et qu'on n'oublie ni l'époque ni le décor,
Zygmunt Miloszewski débute chaque chapitre par une brève d'informations nationales, un rappel des titres des principaux événements concernant la Pologne et Varsovie en particulier, qui s'achève par un bref bulletin météo.